L'échéance du 9 avril, même si elle ne réserve aucune surprise, reste toutefois intéressante sur la situation politique de l'Algérie. C'est aussi peut-être le commencement de la fin d'un système qui, au nom de la légitimité historique, a régné sans partage, ne concédant pas la moindre parcelle de pouvoir à ses adversaires qui se sont rendus à l'évidence en laissant le champs libre au pouvoir depuis l'indépendance du pays. Les ambitions des uns et des autres, n'ont guère laissé le choix au peuple algérien de choisir librement son destin, et pour cause, ce peuple venait de sortir d'une guerre qui a exigé un lourd tribut : un million et demi de martyrs ; des milliers de veuves et d'orphelins. Au lendemain de l'indépendance, l'institution militaire n'a pas trop attendu pour manifester ses ambitions. Le GPRA, sous la présidence de Benkhedda, sera destitué par le Groupe de Tlemcen, Ben Bella arrive au pouvoir grâce à l'armée des frontières sous les ordres du colonel Boumediène qui attendait son heure de gloire : le 19 juin 65 Ben Bella sera renversé. La suite est connue, Houari Boumediène dirigera le pays d'une main de fer jusqu'à sa mort. Chadli Bendjedid tentera quelques changements et fera même de larges concessions qui lui seront fatales. Il avait accepté de jouer le jeu et tout le monde pensait que c'était la fin du système. A un moment donné, l'Algérie était citée en exemple dans le monde arabe pour son ouverture démocratique. En acceptant le verdict des urnes, ( victoire du F.I.S ) Chadli sera poussé vers la porte de sortie, le rêve démocratique a pris fin et une fois de plus, le locataire d'El Mouradia sera désigné par les «Tagarins». L'institution militaire a préféré ne pas prendre le risque d'une «iranisation». Cette période de transition sera de courte durée, Boudiaf sera appelé pour sauver le pays et la face, il a failli réussir. Il avait le soutien de tout le peuple et d'une partie de la grande muette. Si Tayeb El Watani ira jusqu'au bout de sa mission. Il tombera en héros dans l'exercice de ses fonctions. Un certain Boumaarafi mettra fin aux espoirs des Algériens. Depuis, le système perdure, et à défaut d'un véritable signe de changement, les élections du 9 avril font dire à certains que Bouteflika surprendra plus d'un, si l'on se réfère à ses déclarations ( plutôt surprenantes). Le système algérien et l'analyse d'Isabelle Werenfels A quelques jours de l'élection présidentielle, la classe politique non concernée par cette échéance se prépare à l'après Bouteflika et les commentaires vont bon train sur l'avenir du pays. Après un demi-siècle d'indépendance, le système survivra-t-il ? Cependant l'analyse d'Isabelle Werenfels politologue et chercheuse à l'institut allemand «Stifung Wissenschat und Politik» est plutôt pessimiste pour un changement de système en Algérie. Invitée lors des «débats d'El Watan», un véritable espace d'échanges où la parole est donnée à tous les acteurs politiques, la politologue allemande déclare dans une interview au journal El Watan, que «le système algérien ne changera que s'il y a un président intègre qui osera changer à la fois les structures et les institutions en place». Auteur d'un ouvrage sur le système politique algérien, elle reste convaincue que le changement du système, aujourd'hui quasiment impossible, n'interviendra qu'avec un président réformateur qui ne travaille pas pour ses intérêts personnels et elle pense que «même après Bouteflika, le système ne s'effondrera pas, car il y a d'autres structures qui le maintiendront». Ces structures, qui, selon elle, sont «des faucons (les militaires), les groupes économiques et la clientèle du pouvoir» et sur une autre note cette fois-ci optimiste, elle déclare «il y a beaucoup de dynamiques qui pourraient être positives et déstabiliser le système. Mais aujourd'hui, ces dynamiques préfèrent se déstabiliser elles mêmes». A ces éléments internes, il y a bien sur la bénédiction des grandes puissances ( USA-EUROPE ) qui ne se soucient guère de la démocratie et des libertés en Algérie, mais uniquement par souci de stabilité, et ceci est aussi valable pour l'Egypte de Moubarak qui, d'une certaine façon, assure la sécurité à Israël. La conférencière termine par une terrible sentence en relevant «que les algériens ne croient plus à un changement par le dialogue politique». Et si Bouteflika décidait de mettre lui-même fin à ce système, n'a-t-il pas déclaré lui-même un jour, que la légitimité historique était finie, et que l'avenir de l'Algérie reste tributaire de la légitimité…populaire. ■