Le rapport d'évaluation de la COSEF est accablant pour l'école mais aussi pour ceux qui la font, c'est-à-dire les enseignants. Toutes les matières ont été évaluées. L'apprentissage des langues étrangères est une débâcle, les acquis sont quasiment nuls. Depuis longtemps on pointait du doigt ce danger, celui de l'appauvrissement de la maîtrise des langues étrangères. Même des licenciés, censés avoir effectué leurs études supérieures dans la langue de Molière n'en maîtrisent ni les subtilités, ni même les règles basiques. Aujourd'hui le rapport de la COSEF dénonce une vraie débâcle. Or le Maroc a choisi l'ouverture, nos relations économiques nécessitent une main-d'œuvre, des cadres moyens, maîtrisant plusieurs langues étrangères. Le développement, la croissance, donc l'emploi, sont conditionnés par cet apport. La querelle linguistique, les discours sur l'arabisation et l'identité, sont éculés. Il ne s'agit pas d'un luxe, ni même d'un choix, mais d'une nécessité à l'heure de la globalisation de l'économie. Le rapport annonce une catastrophe plus grande. Pendant longtemps les mathématiques et les matières scientifiques en général ont sauvé l'honneur du système éducatif. Sur ce terrain, le rapport n'a pas d'adjectifs assez durs pour qualifier le recul. Pour la première fois, le corps enseignant est directement mis en cause. Son implication, sa formation, son sens du devoir sont sujets à caution. Ses représentants ont sauté au plafond protestant contre ce qu'ils appellent «une conspiration contre les éducateurs des générations», rien que ça ! Ils refusent toute évaluation de leur travail, alors qu'ils ne produisent que des analphabètes dans les deux langues. Mais le corps enseignant, malgré sa lourde responsabilité, ne peut dédouaner la société. Le ministre de l'Education Nationale a publiquement rapporté le cas de ces villages électrifiés qui privent l'école d'électricité. Comment est-ce qu'on peut à ce point marginaliser l'école ? Ahmed Akhchichine a raison, la réforme de l'école est au centre du projet de société. Ce n'est pas nécessairement, ni uniquement une question de moyens. Redéfinir les fonctions, les objectifs de l'école, lieu d'apprentissage, mais aussi creuset d'intégration sociale, c'est le fond même de la réforme. On n'y arrivera pas sans la mobilisation de tous les acteurs, toute la société. Le corps enseignant ne peut, indéfiniment, se retrancher derrière son corporatisme. Il est défaillant, notoirement défaillant. Il doit accepter le constat, pour entamer sa propre réforme. ■