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Enseignement : Ahmed Akhchichine dans «la gueule du loup»
Publié dans Challenge le 27 - 10 - 2007

Depuis l'indépendance, la réforme lancée en 2000 est la huitième du genre. Comme les précédentes, elle est loin d'atteindre les résultats escomptés. L'ampleur de l'échec est telle que le nouveau gouvernement risque d'avoir du mal à savoir où donner de la tête, tant les attentes sont nombreuses et énormes.
Bricolage. Durant quarante années de politique d'enseignement, décideurs, pédagogues, professeurs n'ont fait que colmater les brèches. Résultat, près de la moitié des Marocains ne savent ni lire ni écrire. Les acteurs impliqués dans le secteur de l'enseignement public sont unanimes : la plupart de ceux qui en ont les moyens n'inscrivent pas leurs enfants à l'école publique. Une bonne partie des ménages n'ayant pas les moyens s'endettent même pour que leur progéniture bénéficie d'une école privée. Pourtant, l'enseignement public à lui tout seul, continue de rogner quelque 28 % du budget de l'Etat, soit près de 32 milliards de DH pour cette année. L'actuelle réforme lancée en 2000 est loin d'atteindre ses objectifs. Le Rapport sur les cinquante ans de développement humain du Maroc fait un état des lieux sans concession dans son chapitre relatif au système de l'éducation : « le système éducatif a, de tout temps, été en quête d'une stratégie claire, globale et à long terme. Les différentes réformes intervenues ont été largement tributaires du contexte politique qui leur servait de toile de fond. La mise en application des décisions prises dépendait du rapport des forces et survivait rarement au départ du ministre ». Et d'ajouter qu'en dépit, et parfois à cause d'une série de réformes parfois improvisées et le plus souvent inachevées, le système éducatif est devenu une lourde machine peu rentable, productrice de diplômés mal préparés au changement.
Depuis l'indépendance, les réformes se sont suivies. Mais elles sont restées parfois enlisées dans de vieux discours. De la marocanisation du corps enseignant, en passant par le changement du système d'examen du Baccalauréat, au cours des années 1990, et l'arabisation forcée des années 1980 jusqu'à la charte de la Cosef (Commission spéciale éducation-formation), proposée en 1999 et qui a donné naissance à la réforme lancée en 2000, huit réformes se sont suivies. Aucune d'entre elles n'a pu introduire une refonte de fond du système d'enseignement ou n'a trouvé une application sur le terrain. D'ailleurs, la Cosef même d'Abdelaziz Meziane Belfkih n'a pas été la première à se pencher sur les problèmes de l'enseignement. Une charte nationale consensuelle avait déjà été appelée par Feu Le Roi Hassan II, le 16 juin 1994. Cependant, les principes de base qui avaient inspiré cette charte n'avaient avancé aucune solution concrète. Cette Commission avait ressorti les vieux concepts de l'après-Indépendance : arabisation, généralisation, unicité et gratuité. Aucun mot n'avait été consacré à l'utilité sociale de l'enseignement, à l'adéquation formation-emploi ou encore à l'enseignement privé.
Des avancées, mais...
Reste que la politique d'enseignement est depuis longtemps liée entièrement à l'encadrement et à la nationalisation de l'administration. Des avancées ont certes été réalisées, mais elles ne sont pas à la hauteur des efforts consentis. «L'instabilité des choix fondateurs, qu'illustrent plusieurs problématiques, s'est souvent accompagnée de décisions de portée stratégique sans réelle appréciation de leurs conséquences à long terme sur le système. Les problématiques de la langue d'enseignement, de l'enseignement des langues, de la gestion des ressources humaines et de la formation des cadres constituent les exemples les plus frappants sur ce plan. Aucune réforme n'a apporté de solution réelle, complète et définitive à la problématique de la langue d'enseignement. Aucune réforme n'a pu mettre en place un cadre légal qui place l'intérêt de l'enfant au-dessus des intérêts corporatifs et individuels », diagnostique le Rapport sur les cinquante ans de développement humain du Maroc publié l'année dernière. Mais de toutes les réformes, à en croire de nombreux spécialistes du secteur de l'enseignement au Maroc, celle initiée par la Cosef avait tout pour connaître la réussite. En effet, la Charte éducation-formation avait bien tracé la voie. Visites sur le terrain, voyages d'étude à l'étranger, sondages d'opinion, la Cosef n'avait pas lésiné sur les moyens. Les 38 membres de la Commission auront travaillé pendant presque quatre mois, dans la discrétion, pour étudier et analyser les problématiques du système éducatif et proposer des solutions. Outre des rencontres d'information avec les différents ministres en charge de l'enseignement, pour faire le point sur la situation et les projets envisagés par les différents départements, les membres de la Cosef ont visité par groupes de trois à quatre personnes, 16 pays différents pour étudier les aspects les plus forts de leur système éducatif. Adoptant un esprit de concertation, la Commission n'a pas omis de faire participer le grand public à la réflexion. Parallèlement, la Cosef avait commandé une enquête au bureau d'étude Léger-Léger. Celle-ci avait sondé des parents d'élèves, des enseignants, des élèves… Résultat : les conclusions avaient suscité beaucoup d'espoir, d'autant que le climat politique de l'époque coïncidait avec l'avènement du gouvernement de l'alternance et laissait augurer une rupture avec ce qui se faisait depuis l'indépendance. Depuis, le plus grand challenge de l'enseignement a été de former des femmes et des hommes pourvus d'une grande capacité d'adaptabilité. C'est l'esprit laissé par le Roi disparu qui plane sur la réforme de 2000, dont l'objectif est de couper court avec tout ce qui existait. Aujourd'hui, Ahmed Akhchichine, le nouveau ministre de l'Education, de l'Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique, a du pain sur la planche. Le gouvernement d'Abass El Fassi a pris le relais au moment où le triptyque enseignement-éducation-formation traîne encore des boulets. Les orientations de la Charte n'ont pas été traduites sur le terrain. L'on regrette que plus de 160.000 enfants quittent chaque année les bancs de l'école.
Peu de résultats !
Sept ans après le lancement de l'actuelle réforme, très peu de résultats probants ont été concrétisés. La Cosef en a même fait le constat il y a un peu moins de deux ans, en mettant le doigt sur les manquements. Les rédacteurs du Rapport ont le mérite de ne pas être tombés dans le piège de la langue de bois. La Cosef critique le rythme de mise en place des réformes, un grief qui revient du reste souvent dans bien d'autres domaines. Dans leur rapport, les «sages» de la Cosef s'étonnent presque que beaucoup de chantiers prévus par la réforme en soient restés au stade de la réflexion. Les exemples? Ils sont légion. Pêle-mêle, la commission cite l'intégration du préscolaire dans le primaire, la généralisation des multimédias à l'école (le chantier vient à peine d'être lancé), l'élaboration des curricula régionaux et locaux, la création d'une instance nationale d'évaluation, la mise en place d'un système de gestion intégrée des ressources humaines dans les académies régionales… Sur bien des objectifs, on est très loin du compte. A l'origine, il était question d'orienter deux tiers des élèves vers des filières scientifiques, techniques et professionnelles. Est-ce à dire que les recommandations de la Cosef étaient inapplicables sur le terrain ? A en croire un ex-membre de la Cosef, la réforme 2000, à l'instar de celles qui l'ont précédée, a manqué de meneurs à même d'entraîner toute la machine, mais également de compétences capables de traduire l'esprit de la nouvelle vision. « La réforme n'a pas coûté plus cher que l'ancien système, pour vous dire qu'il est impossible d'espérer un résultat quand 95 % du budget sont alloués au fonctionnement », dit-il. Selon les responsables de l'enseignement supérieur, la réforme «n'a pas nécessité de grandes dépenses. C'est la réorganisation du système financier qui a permis d'amortir les coûts». Autrement dit, le système de répartition du budget aurait permis d'optimiser les dépenses. Il s'agit de l'affectation de crédits sous forme de subventions aux présidences des universités qui font leur propre politique budgétaire par la suite. Avant, le ministère procédait par délégation de crédit et toute la gestion se faisait au niveau central.
La réforme a donné son indépendance à l'université et surtout une large marge de manœuvre en termes de gouvernance. Concrètement, cela leur permet de diversifier leur offre en formation, notamment en créant des masters payants, en offrant des modules de formation continue… ceci permettra à l'université, à long terme, «d'arrondir ses fins d'année». Aujourd'hui, peu de facultés profitent de ces possibilités, faute de moyens humains nécessaires. Pas encore de nouvelles ressources pour les universités. Où donc trouvent-elles alors les moyens d'appliquer les directives de la réforme ? Actuellement, il faut croire que les plus gros changements ont touché le système pédagogique qui est passé au LMD (Licence Master Doctorat) et tout ce qui va avec en termes de modules, contrôle continu, etc. Les autres changements, plus coûteux, sont en «stand by» pour le moment. En fait, l'aspect pédagogique de la réforme a éclipsé son volet gouvernance. Or, celui-ci est décisif pour la mise en oeuvre du chantier. Où vont donc les milliards de l'enseignement? L'Education nationale en prend plus de 26,5 milliards, ne laissant que 5,3 milliards de DH à l'Enseignement supérieur. Un budget pratiquement équivalent à ceux des deux années précédentes. Le plus gros va aux salaires des enseignants universitaires, soit près de 3,7 milliards. Un peu plus d'un milliard est affecté aux diverses dépenses, notamment les bourses, les subventions aux cités universitaires…
L'investissement mobilise à peine 560 millions de DH, dont la moitié est utilisée au niveau central. Les 63 facultés et 25 écoles supérieures (relevant de l'enseignement supérieur) de tout le pays ne reçoivent que 250 millions. La réforme a apporté un changement fondamental: déléguer tous azimuts. Certaines universités, à la longue expérience, ont bien accueilli le changement. D'autres ont toutefois été bousculées par cette soudaine prise de responsabilité. Ces universités devraient mettre à jour leur organigramme pour survivre sous le nouveau régime. Entre autres, se munir de nouvelles compétences surtout dans le domaine des finances et de la gestion.
Dépassés par le système
Le constat est également fait au niveau du ministère : certaines universités ont du mal à s'en sortir. La tutelle a d'ailleurs décidé de mettre en place des équipes mobiles pour soutenir les établissements en difficulté. Outre le personnel administratif, plusieurs enseignants se trouvent aujourd'hui dépassés par le nouveau système et continuent à appliquer les bonnes vieilles méthodes d'enseignement, sans faire cas des exigences de la réforme qui insiste sur la nécessité de créer des ponts entre la formation et le monde professionnel. A commencer par le contenu des cours. Vraisemblablement, il est plus difficile de faire s'adapter les professeurs à la réforme. La plupart boudent la formation continue. Il faut dire que des formules moins «choquantes» pourraient être élaborées pour séduire les plus réticents. Les formules de séminaires d'information, de journées d'étude passent mieux. Résultat : des dizaines de milliers de diplômés sont au chômage, alors que les entreprises manquent considérablement d'encadrement. Celles-ci reprochent aux lauréats de l'enseignement marocain d'être mous et de manquer de qualités en communication, leur préférant les diplômés de l'étranger. «Très vague». Voilà comment un professeur aurait noté le déploiement de la réforme 2000 sur le terrain. Un autre professeur à peine sévère l'aurait qualifiée de «hors sujet». En attendant, les rares personnes qui affirment que la réforme est en marche pensent qu'il faudra attendre une décennie et demi pour juger le nouveau système. Il sera certainement trop tard. Donc tout se joue dans la capacité du nouveau ministre à tirer le secteur vers le haut. Ahmed Akhchichine n'aura pas la tâche facile, et ne peut compter sur le facteur temps. Il faut des résultats rapidement.
3Trois questions à
Driss Alaoui Mdaghri,
professeur, ancien ministre
Challenge Hebdo : comment expliquez-vous le fait que toutes les tentatives de réformes n'aient pu introduire une refonte de fond du système d'enseignement ?
Driss Alaoui Mdaghri : les questions relatives à l'éducation et à la formation se trouvent au croisement d'enjeux politiques, idéologiques, économiques, sociaux et culturels particulièrement aigus. Il suffit de considérer la question de la langue d'enseignement ou celle de la gratuité dans un pays comme le nôtre pour percevoir cette complexité. Ainsi, pour tous les acteurs politiques, la question représente un cheval de bataille commode pour des prises de positions souvent démagogiques. Il y a également la question des ressources à mobiliser qui pose souvent des problèmes délicats d'arbitrage entre des décisions d'investissement divergentes au niveau de l'Etat. Il y a enfin le principe de l'égalité, légitime dans son principe, qui interdit, ou à tout le moins rend difficile le choix d'un enseignement de qualité réservé nécessairement à un nombre réduit d'élèves. On peut ajouter le corporatisme des corps concernés qui s'allie, hélas parfaitement, à un certain manque de courage politique, au demeurant fréquent partout, tant le pilotage à court terme est la règle pour toutes sortes de raisons alors que l'on est dans le domaine du long terme par excellence. La liste des raisons de cet état de choses, vous le voyez, est longue.
C.H. : sept ans après la réforme de 2000, il n'y a toujours pas de transformation profonde. Où réside la difficulté ?
D.A.M. : des difficultés, il y en a, bien sûr. J'en vois trois en particulier qui sont sérieuses : un certain manque d'enthousiasme de la part de ceux qui devraient être les moteurs du changement sur le terrain, à savoir les enseignants. En la matière, personne n'a encore trouvé le moyen de mobiliser un corps dont l'adhésion est essentielle à toute réforme. Des ressources financières qui demeurent réduites eu égard aux besoins d'un enseignement moderne et adapté. Un manque cruel d'imagination et de créativité que des structures administratives toujours centralisées et peu flexibles accentuent.
C.H. : comment le nouveau gouvernement peut-il parvenir à régler ce problème ?
D.A.M. : Il y a eu ces dernières années de véritables actions de fond pour ce qu'on appelle la mise à niveau de l'ensemble des secteurs avec une implication des plus hautes instances dans la mobilisation des ressources humaines et matérielles. Il en faut beaucoup plus et qu'elles soient mieux distribuées, ce qui ne veut pas dire saupoudrer, dans le domaine de l'éducation. Le monde change à la vitesse de l'éclair, les besoins en talents sont primordiaux pour survivre et se développer et les savoirs connaissent des mutations considérables sur tous les plans. Il faut de la volonté et de l'imagination, encore de l'imagination, toujours de l'imagination, pour que notre pays soit partie prenante dans la société du savoir. Chacun, à son niveau, y compris individuel, a un rôle à jouer à cet égard.


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