Les ténors plaident en public et au fond d'eux-mêmes pour le respect de l'éthique, la déontologie et surtout la règle de droit par les avocats. Les véreux, venus d'horizons différents, salissent carrément la réputation des défenseurs des «causes nobles», celles de la veuve et de l'orphelin. Constats de pratiques déshonorables… Nous veillerons ainsi à ce qu'elle (Ndlr : la défense) suive de manière cohérente et complémentaire le rythme des progrès qu'elle connaît à l'échelle mondiale, en alliant la spécificité nationale aux valeurs universelles», a dit SM le Roi, ajoutant que le Maroc est résolu à préserver la crédibilité de la mission dévolue à la défense dans le cadre des pratiques institutionnelles du pouvoir judiciaire qui est le véritable garant de l'égalité des citoyens devant la loi et de la suprématie de celle-ci, de la stabilité sociale, de l'instauration de la confiance dans les affaires et de la dynamisation du développement et de l'investissement. (1) La crédibilité de la mission dévolue à la défense est malheureusement contestée non seulement par les justiciables, mais aussi par des avocats, nouveaux ou anciens, des magistrats aussi. Ils dénigrent des pratiques multiples et diverses qui portent farouchement atteinte à l'image de la Justice dans notre pays. C'est par ceux-là que nous commencerons : défendre la défense. D'abord côté pupitre. Justice et indépendance «Nous maintenons fortement notre position quant à l'indépendance de la justice dans notre pays. Notre pouvoir judiciaire n'est pas indépendant, il doit se défaire de tous les courants qui l'influencent, surtout du pouvoir de l'argent. Déjà, la constitution du Conseil supérieur de la justice montre que celle-ci n'est pas indépendante», nous répondait Me Abdellah. Dermiche,(2) ex-bâtonnier de l'Ordre des avocats de Casablanca, à une question relative à la situation de la justice au Maroc. Et d'ajouter : «Notre justice doit être forte et nos juges doivent être courageux. Le 9 janvier de chaque année coïncide avec la célébration de la journée mondiale de lutte contre la corruption. L'Etat marocain, bien qu'il l'ait signée, doit approuver la convention internationale de lutte contre la corruption». Le bâtonnier plaide pour une revalorisation du niveau des jugements. «Certes, des chantiers sont ouverts pour redresser la justice au Maroc. Mais, ce n'est ni le nombre ni la quantité des jugements qui va redresser la justice, mais c'est leur qualité. Nous devons former des juges dans les nouvelles spécialités, car nos tribunaux doivent examiner de nouveaux litiges», déclarait-t-il avant de s'attaquer au phénomène de la non-exécution des jugements et arrêts ; un problème longuement soulevé par les juristes et par la presse. «La non-exécution des jugements est un délit qui est puni par la loi. Or, le premier à ne pas s'y tenir c'est l'Etat lui-même, malgré la fameuse circulaire de Abderrahmane El Youssoufi, alors Premier ministre», précisait le bâtonnier. Pour lui, la réforme de la justice au Maroc ne doit pas concerner seulement les hommes. A ce propos, il y a à dire sur la personnalité de certains de nos avocats. Du marchandage dans les dossiers, aux détournements des dépôts, en passant par des opérations de «ventes et achats» des documents du client au profit des parties adverses. Quant aux affaires d'héritage et les indemnités des compagnies d'assurances au profit des accidentés, le dossier est assez lourd. Ce revers de la médaille doit commencer par ce juge américain du nom de Davidson qui avait dit un jour à son fils: «Si tu veux réellement devenir avocat, tu doit d'abord être réellement un homme. Après, il serait souhaitable que tu connaisses un peu de droit». Certains de nos avocats, même s'ils ont des bureaux, préfèrent se rendre sur les escaliers du tribunal, surtout les week-end, tasse de café et cigarette à la main, à la recherche d'affaires de flagrant délit. Les mères affolées n'hésitent pas à verser une avance, sonnante et trébuchante, sur place pour sauver leur enfant accusé. Devant le substitut du procureur, qui jugeait parfois bon d'accorder la liberté provisoire au mis en cause, voilà un avocat qui demande automatiquement le renvoi du dossier. L'accusé est mis sous détention préventive. Des automates en fait, qui ne croient pas au pouvoir discrétionnaire de la justice. Un autre, dont l'histoire ressemble à une blague, assurant la défense de son client accusé du vol d'un cheval, s'étalait dans sa plaidoirie sur les qualités de cette noble race animale…Le président a écouté, souri, mais était obligé de rappeler que le mis en cause est accusé seulement de vol d'un cheval en plastique. D'autres ne se privent pas d'aller au bar, en compagnie d'une femme à la réputation légère, poser leur robe sur la table, tout près de l'assiette de frites et des verres de bières et discuter d'affaires et de dossiers. Pour rendre le spectacle plus alléchant, il paie la facture avec un chèque sans provision. Beaucoup de restaurateurs ont déposé des plaintes qui n'ont pas abouti. Beaucoup de citoyens aussi, victimes de véritables escroqueries de la part d'avocats se sont dirigés au barreau concerné mais leur dossier est devenu lettre morte. D'ailleurs, la correspondance adressée par le Procureur général du Roi près la Cour d'appel de Casablanca, en février dernier, relative à la suspension de 14 avocats pour différents délits, relevant du pénal, concernait en grande partie des avocats décédés. Quelle lenteur dans l'exécution des jugements et des décisions! C'est ce dont les instances internationales et avocats nationaux se plaignent… n (1) – Extrait du message adressé aux participants à l'ouverture du 49ème congrès de l'Union Internationale des Avocats, qui avait organisé ses travaux à Fès et dont la lecture a été donnée par le ministre de la Justice. (2) – Ex -bâtonnnier du barreau de Casablanca, professeur universitaire, membre de plusieurs associations judiciaires. Arrêts et textes de loi (*) Le régime juridique des décisions royales Le texte de la Constitution contient un certain nombre de dispositions qui confèrent au Chef de l'Etat un ensemble de prérogatives à caractère administratif. Mais la Constitution contient également des dispositions que le juge a interprétées comme susceptible d'exclure les actes pris par le Roi de toute possibilité de recours, dont notamment le recours en annulation pour excès de pouvoir. Dans une jurisprudence constante ( Arrêt Abdelhamid Ronda, rendu par la Chambre administrative de la Cour Suprême le 18 juin 1960 ; Arrêt Abdallah Bensouda, rendu par la même Chambre le 15 juillet 1963 ; et Arrêt « Société propriété agricole Abdelaziz, rendu également par la même instance judiciaire le 20 mars 1970 ), la Cour Suprême a estimé que «Sa Majesté Le Roi exerce ses pouvoirs constitutionnels en qualité d'Imam des Croyants…et, qu'à cet égard, elle ne peut être considérée comme une simple autorité administrative… », et qu'il en résulte que les actes pris par le Roi en matière administrative échappent au recours en annulation pour excès de pouvoir. A part cette série d'actes de l'exécutif qui échappent au contrôle de légalité, l'essentiel des autres actes pris par les autorités exécutives subissent un contrôle dont le déploiement répond à des règles spécifiques. Le déploiement du contrôle de légalité Il implique que l'action de l'exécutif se déploie dans le cadre du respect de la législation en vigueur. Parmi les cas d'ouverture du recours en annulation pour excès de pouvoir et, outre les cas d'incompétence ou de vice de procédure, il incombe de signaler la violation de la loi, le détournement de pouvoir, ainsi que les vices de forme et de motifs. Les cas de violation de la loi La loi est considérée ici dans son sens large d'ordre légal, comprenant toute la hiérarchie des normes juridiques : Constitution, lois organiques, lois ordinaires, conventions internationales, règlements (pris soit sous forme de décrets, d'arrêtés ministériels, ou d'arrêtés émanant des autorités locales…)…auxquels s'ajoutent la jurisprudence et les principes généraux du droit. Le juge de la légalité sanctionne donc la violation de ces règles supérieures par les actes émanant des autorités administratives. Parmi les principes généraux invoqués par la jurisprudence marocaine dans son exercice du contrôle de légalité, figure le «principe de non rétroactivité des actes administratifs» ( Cour Suprême, 28 mai 1959, Arrêt Mohamed Ould Mohamed Darchérif), le «principe de l'égalité de traitement» ( Cour Suprême, 19 mars 1962, Arrêt Société Huilière Annexe et le «principe du respect de l'autorité de la chose jugée» ( Cour Suprême, 9 juillet 1959, Arrêt Guerra ). Les principes généraux du droit sont considérés comme trouvant leur place dans la hiérarchie des règles juridiques au niveau de la loi. Il y a donc violation de la loi lorsqu'il y a violation de l'une de ces règles constituant l'ordre légal. Il y a également erreur de droit lorsque l'administration agit comme si la règle de droit n'existait pas ou en n'en tenant pas compte. Il peut aussi y avoir erreur de droit lorsque le texte légal choisi pour justifier un acte administratif ne s'applique pas au cas d'espèce : on parle alors, en l'objet, de « manque de base légale » La violation de la loi donne ainsi lieu à l'annulation de l'acte pris par l'administration. Dommages Responsabilité de l'Etat et dysfonctionnement de la justice En cas de dysfonctionnement du service public de la justice, la responsabilité de l'Etat peut être engagée. Mais, l'Etat dispose d'une action récursoire contre le juge fautif ; conformément aux dispositions des articles 400 du code de procédure civile sus-indiqué, et 79 et 80 du Dahir des obligations et contrats (D.O.C) qui stipulent respectivement ce qui suit : article 79 : « L'Etat et les municipalités sont responsables des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents». article 80 : «les agents de l'Etat et les municipalités sont personnellement responsables des dommages causés par leur dol ou par des fautes lourdes commises dans l'exercice de leurs fonctions. L'Etat et les municipalités ne peuvent être poursuivis à raison de ces dommages, qu'en cas d'insolvabilité des fonctionnaires responsables». Formation des juges Les règles de déontologie de l'indépendance Ce sont essentiellement celles qui sont prévues par les articles 13, 14, 15 et 16 de la loi organique de 1974 formant statut de la magistrature, qui se rapportent entre autres à : La loyauté, la dignité et l'impartialité dans l'exercice des fonctions ; le respect de la constitution des lois, et le secret des délibérations ; l'observation de la réserve, de l'honneur, et de la dignité, qu'imposent les fonctions exercées ; l'abstention de toute prise de position publique, de quelque caractère que ce soit. Les juges et la politique Le statut de la magistrature ne réglemente pas ce cas. Cependant, les expériences précédentes nous renseignent sur la possibilité de cette hypothèse. En effet, plusieurs juges, ont été investis de mandat, à caractère politique (comme par exemple celui de Directeur Général de la Sûreté Nationale, ou bien Wali d'une Préfecture (c'est-à-dire Préfet) ; ou bien encore, Secrétaire Général d'un Ministère) ; et à l'issue de leur mandat, ils ont réintégré le corps de la magistrature. Ce sont les dispositions relatives au détachement prévu par les articles 38 à 43 du statut de la magistrature qui leur sont applicables. Si conformément aux dispositions de l'article 3 du statut de la magistrature, un avocat peut, -s'il a à son actif quinze ans d'exercice professionnel- accéder au corps de la magistrature, pour revenir, s'il le désire, à l'exercice de la profession d'avocat. C'est la loi de 1993, relative à l'exercice de cette profession, qui réglemente cette éventualité. De la magistrature à la défense Conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi de 1974, formant statut de la magistrature, les fonctions judiciaires sont incompatibles avec toute activité publique ou privée rémunérée ou non, même à titre occasionnel, à l'exception réglementée de la production d'œuvres littéraires, scientifiques ou artistiques. Il s'ensuit qu'un juge ne peut devenir avocat, qu'après avoir demandé et obtenu sa démission, ou bien après avoir été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Quant au cas concernant le juge devenu avocat, et qui désire revenir après dans la magistrature, le Conseil Supérieur de la Magistrature du Royaume du Maroc, qui a déjà eu l'occasion de s'y prononcer, l'a accueilli –plusieurs fois depuis l'année 2000- favorablement. En effet, ce Conseil a proposé et obtenu la nomination à divers postes de la hiérarchie judiciaire, de plusieurs anciens juges, qui, après avoir précédemment démissionné pour exercer la profession d'avocat, finirent par demander et obtenir leur réintégration, une 2éme fois dans le corps de la magistrature. Bien que, pour certains, la démission, ou l'admission à la retraite, puisse constituer un obstacle à ce retour.