Quand on parle de classe moyenne, les définitions varient selon ce que l'on entend par «moyenne» et donc selon le pays dont il s'agit. Selon cette définition, la population de classe moyenne des pays émergents était d'environ 250 millions en 2000 et de 400 millions en 2005. La Banque mondiale déclare qu'elle sera de 1,2 milliard en 2030. Mais malgré cette croissance rapide, en 2005, cette classe moyenne mondiale ne représentait que 6 % de la population mondiale et en 2030, elle aura atteint 15 % seulement. Le principal inconvénient de cette définition est qu'elle exclut beaucoup de personnes en Chine et en Inde qui font indubitablement partie de la classe moyenne, mais qui touchent moins de 12 $ par jour. En Inde, le Conseil national de recherche appliquée en économie estime qu'entre 1995 et 2005, le nombre d'Indiens ayant un revenu de 12 à 60 $ par jour est passé de 2 % à seulement 5 % de la population du pays, mais que le nombre de personnes touchant entre 6 et 12 $ par jour est passé de 18 à 41 %. Un rapport non publié de Martin Ravallion, de la Banque mondiale, se fonde quant à lui sur une fourchette de 2 à 13 $ aux prix PPP de 2005. Deux dollars par jour correspond à une définition communément acceptée du seuil de pauvreté dans les pays en voie de développement ; les personnes se situant au-dessus de celui-ci font partie de la classe moyenne dans le sens où ils sont sortis de la pauvreté. Treize dollars par jour correspond au seuil de pauvreté aux Etats-Unis. C'est pourquoi cette catégorie représente les personnes faisant partie de la classe moyenne selon les standards des pays en voie de développement, mais non selon les standards américains. Les pays émergents ont leur propre classe moyenne. Le modèle de Ravallion prend en compte la croissance exceptionnelle de la classe moyenne dans les marchés émergents. Entre 1990 et 2005, elle a pratiquement doublé, passant de 1,4 milliard à 2,6 milliards, soit d'un tiers de la population des pays en voie de développement à la moitié. Il donne également tout son poids à la Chine, où le nombre de personnes vivant avec 2 à 13 $ par jour est passé de 174 millions au chiffre stupéfiant de 806 millions en seulement 15 ans. En Inde, il est passé de 147 millions à 264 millions, soit une augmentation impressionnante dans tout autre contexte. Toutefois, la définition donnée par Ravallion exclut les personnes ayant un revenu légèrement supérieur à la moyenne au Brésil, qui seraient généralement considérées comme appartenant aussi à la classe moyenne. John Hewko, de la Millennium Challenge Corporation, un organisme américain d'aide au développement, indique qu'il ne peut y avoir de définition unique ; tout dépend de l'usage qu'on lui réserve. Si l'on en a besoin pour savoir si la classe moyenne aux Etats-Unis est sur le déclin, par exemple, on se sert de l'approche relative de Thurow. Pour déterminer combien de personnes dans les pays émergents sont ou pourraient devenir clients de marques occidentales (la classe moyenne mondiale), on a recours à un modèle du type Milanovic-Yitzaki : c'est ce que McKinsey et Goldman Sachs utilisent. Et si l'on veut mesurer combien de personnes dans les pays en voie de développement sont récemment sorties de la pauvreté pour entrer dans la classe moyenne, le modèle Ravallion/Banerjee-Duflo fait l'affaire.