La vie a du goût ou un goût, c'est selon. Du goût ou un goût ce n'est pas la même chose. Celui qui lui trouve un goût pense qu'elle est douteuse. Celui-là la trouve goûteuse, parce qu'il compte. Ils sont nombreux ceux qui comptent et passent à côté de la vie. A leur décharge, de nos jours tout se compte. Même les mots. En outre, les mots doivent être pesés. Avec des « œufs de fourmis ». Si les mots entraînent une vie dure, c'est qu'ils ont été sous pesés. Quand on aime la vie et qu'on se noie, il faut prendre soin de garder la tête hors de l'eau la bouche fermée. Respirer la vie à pleins poumons. Les yeux en éveil. L'oreille dressée aussi. On ne sait jamais. Puis attendre la sécheresse tant redoutée. Ainsi va la vie dont il faut suivre le cours sinueux. Elle est pourtant bonne fille la vie. Il est permis d'en jouir. Sans la violenter pourtant. Elle n'a pas besoin de la loi pour se faire justice. Prendre les plaisirs qu'offre la vie, sans avoir l'air d'y toucher. Tact et délicatesse. Il ne faut pas oublier que la vie est du féminin, bien que singulier. Il y a celui qui aime la vie, et pour avoir une vie rémunératrice tend l'autre joue. Pour cela il faut une échine souple à la manière d'un invertébré. On imagine que peut-être cela facilite l'enroulement autour de la vie quand elle paraît réclamer de la soumission. Pour obtenir ses faveurs il est recommandé de suivre son fil. Le fil de la vie, au fil de l'eau pour éviter le fil de l'épée. Celle-ci toujours suspendue alors que la vie est sucrée, mais n'a ni la couleur ni le goût du miel. Ce que la vie enseigne par des signes indéchiffrables souvent. C'est sans doute pour cela qu'on parle de l'école de la vie. On entre dans la vie comme dans un moulin, sans demander son avis à qui que ce soit. Et on se bat pour en sortir le plus tôt possible. On ne se voit ni arriver ni partir. Si on se voyait vivre, on procèderait autrement. Ce qui n'est ni possible ni souhaitable. On fait un plan de carrière mais pas un plan de vie. Marketing et vie sont antinomiques. Le niveau de vie est incompréhensible, tant il est vrai que les belles choses n'en dépendent pas. Croquer la vie. Pour cela la caresser dans le bon sens. Il faut donc être doué. La vie se laisse faire par ceux qu'elle a élus. Ce serait donc une sorte de loterie. On peut vivre longtemps et dépenser sans compter alors que le gros lot reste hors de portée. La vie reste virtuelle. Elle n'a pas de prix dit sans ironie un médecin à un démuni. Il faut donc vivre coûte que coûte. Et y prendre goût. Aimer la vie à en mourir. Même si on ne sait par quel bout la prendre. On nous répondra que c'est par le bon bout qui n'est pas le bout de la lorgnette. Savoir où se trouve le bon bout est une question d'instinct. Pas forcément le bon goût. La vie a un goût pour celui qui ne connaît rien à la vie. Du goût pour ceux qui savent. «Que sais-je ? », disait Montaigne. Si chacun se posait cette question on en saurait davantage. Ne pas en savoir trop peut faciliter la vie cependant que la vie facile n'est pas forcément une vie goûteuse. Une vie difficile peut avoir le fumet d'un plat rare. Bien vivre est principalement de ne pas en croquer. Etre constamment montré du doigt ne facilite pas la vie. Cela n'est pas aisé, car la vie tend des pièges. Le moindre n'est pas de se laisser vivre. Ce n'est pas le contraire de se forcer à vivre. Savoir que l'on ne torture que quelqu'un de vivant. La vie c'est aussi une angoisse devant une page blanche qui est plus palpitante qu'un écran couvert de carrés, de rectangles, de signes divers. Point com. ou org. Une page blanche donne envie de vivre parce qu'elle est vivante. Elle est très sensible, se laisse caresser mais se froisse à la moindre brusquerie. Comme la vie. Fastidieuse en apparence. Une existence molle est une vie de forçat. Le trépas fait converger toutes les vies. On dit d'un parti qu'il a bien vécu, d'un partant qu'il aura bien vécu, mais jamais de quelqu'un qu'il a mal vécu. Chacun a vécu. Comme dirait le turfiste, la vie est belle, il n'y a pas photo.