Enjeu de sécurité, la lutte contre le trafic de drogue a marqué un tournant en ce début d'année 2009. Le Maroc a pris le risque de briser plusieurs tabous. Désormais, les responsabilités sont clairement posées. Retour sur les 10 jours qui ont tout changé ! Un réseau de trafic de drogue démantelé à Nador, des militaires arrêtés, l'Amiral Mohamed Berrada débarqué de la tête de la Marine Royale, des journaux espagnols survoltés et un rythme soutenu d'action et de communication des autorités marocaines comme jamais auparavant… Les observateurs de la politique nationale de lutte contre le trafic de drogue n'ont plus le temps de souffler, tellement les faits, bienfaits et méfaits se suivent et ne se ressemblent pas ! Une semaine aura suffi à secouer tous les cocotiers de part et d'autre de la Méditerranée. Des tabous vieux comme le monde tombent. Tout commence le 11 janvier 2009 quand une dépêche de la MAP annonce la neutralisation d'un important narcotrafiquant à Nador, aux initiales de M.L. «Les services de sécurité ont procédé dimanche, sur instructions du parquet, à la neutralisation d'un important narcotrafiquant (M.L) qui animait des expéditions de chira à partir de la région de Nador à destination des côtes espagnoles, a-t-on appris de source judiciaire», annonce l'agence officielle MAP avant de préciser, dans une première, les éventuelles complicités au niveau de l'Europe. «Ce narcotrafiquant effectuait ses expéditions pour le compte de commanditaires établis en Espagne, en Belgique, en Hollande et à l'enclave de Mellilia», précise la dépêche. Hasard du calendrier ou véritable concordance, la Suède et la Norvège réagissent en premier : un réseau de 30 narcotrafiquants et neutralisé dans la même journée, comptant des citoyens allemands, norvégiens et marocains. De prime abord, l'information semble relayer un simple fait divers, comme il en tombe depuis quelques semaines où l'on remarque une forte intensification des saisies de drogue dans les points de passage aux frontières marocaines… Mardi 13 janvier 2009, une autre dépêche tombe. «Démantèlement d'un important réseau de trafic de drogue vers l'Espagne», titre la MAP. Ce n'est plus un simple fait divers, puisqu'on parle de «convoyage de plusieurs dizaines de tonnes de chira à bord d'embarcations à grande vitesse (Go Fast) et cela à partir des côtes de la région de Nador, notamment Kariat Arekmane, Bougafer, Gourougou, Cap de l'Eau et dchar Rana», précise le communiqué du ministère de l'Intérieur parvenu à la MAP qui annonce, au passage, une information de grande importance: «Ce réseau aurait également bénéficié de la complicité de plusieurs éléments de la Gendarmerie Royale, de la Marine Royale et des Forces Auxiliaires». La donne change. L'enquête est confiée à la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) et, sur instruction du Parquet, les personnes citées dans le cadre de cette affaire ont été entendues et suspendues de leurs fonctions par leurs corps d'origine en attendant l'aboutissement de l'enquête. A l'heure où nous mettions sous presse, 67 personnes ont été entendues, dont 28 officiers de la Marine Royale, 15 de la gendarmerie nationale, 14 des forces auxiliaires et 10 narcotrafiquants. Complicités espagnoles L'affaire du désormais célèbre réseau de Nador, où le réseau de Mhamed Lghani prend une toute autre tournure quand les complicités espagnoles sont évoquées. En effet, devant l'important arsenal de moyens de transmission et de Go Fast, ces bateaux ultra rapides sur mer, plusieurs questions se sont posées : Comment ces Go fast arrivent-ils au Nord du Maroc ? Qui forme les pilotes de ces machines ? Pourquoi l'enclave de Mellilia constitue un passage privilégié pour Mhamed Lghnai et ses complices ? Pourquoi les narcotrafiquants, comme El Nene, condamné par la justice marocaine, choisissent à l'unanimité la fuite en Espagne, alors qu'ils peuvent se la couler douce en Australie ? Et enfin, avec tous les moyens technologiques dont dispose l'Espagne, pourquoi seuls 20% des débarquements de drogue effectués sur les cotes espagnoles sont saisis ? Allégations Par voie de presse, l'Espagne, au pied du mur, réagit. D'abord, par un sanglant éditorial daté du 19 janvier et publié sur ABC. L'auteur choisit d'axer sa pensée sur la corruption au Maroc. Il écrit en substance : «La lutte contre le trafic de drogue exige un travail rigoureux et efficace des Etats au niveau national et international. En effet, les nouvelles qui nous arrivent depuis le Maroc sur des cas de corruption de la gendarmerie, Marine Royale et forces auxiliaires, sont très préoccupantes, puisque notre voisin nord-africain est l'un des pays les plus actifs dans le trafic de stupéfiants». L'article consacré au sujet dans la même édition va plus loin en parlant de «haschich officiel». Le même jour, El Periodico tente de placer le débat sur un terrain diplomatique, en revenant sur la souveraineté contestée sur l'île de Perejil. Pour lui, «L'île de Persil s'est transformée en point de départ de la drogue vers l'Europe». «Le rocher à cause duquel l'Espagne était au bord de la guerre est un «point» pour le trafic de drogue. La Guardia Civil a saisi 600 kilos de haschich au cours de ce mois dans cette île disputée», écrit-il. Fait rare, le Ministère de l'Intérieur marocain répond à ces allégations et replace le débat… dans le même jour. Un communiqué cinglant est envoyé à la MAP. «Les autorités marocaines ont réaffirmé lundi leur engagement d'assumer leur responsabilité dans la lutte contre les réseaux de trafic international de drogue et de développer davantage la coopération sur la base du principe de la responsabilité partagée», indique le communiqué du ministère de l'Intérieur qui conclut avec une pointe d'humour : «D'ailleurs, poursuit le communiqué, les moyens technologiques de surveillance des côtes mis en place par les autorités espagnoles peuvent fournir des éléments précis sur les lieux de transbordement et d'acheminement des drogues y compris les itinéraires maritimes et les points de débarquement». Les prochaines semaines promettent des rebondissements ! Spanish connections. Retour sur les violations de l'espace aérien par les narcotrafiquants espagnols • Le 14/4/1998 : atterrissage d'un avion monomoteur • Le 02/6/1998 : atterrissage d'un avion près de Arbaoua • Le 12.10.2001 : Atterrissage d'un avion monomoteur leger de type «Ulm» près d'Asilah • Le 29/3/2003 : crash d'un avion monomoteur de type «Cessna», appartenant au club de seville (Espagne) près de Ksar El Kebir. Les services de la Gendarmerie royale ont saisi 280 kgs de Chira trouvés a bord de cet avion et interpellent ses pilotes, en l'occurrence L'espagnol Beltran Gueterrez Jemenez et le colombien Alarcon Lenares David Leonardo qui ont été condamnes a 9 ans de réclusion chacun. • Le 25/7/2005 a 13h00 : atterrissage d'un avion à Chouafae • Le 19/11/2005 : atterrissage d'un avion près de Souk Larbaa du Gharb, • Le 01/12/2005 : un hélicoptère a été découvert abandonne au lieu dit «Sbouha» • Le 20/11/2006 : Atterrissage d'un avion «U.L.M», de couleur blanche, au lieu dit «Chantiyine» près d'Asilah • Le 31.01.2007 : Crash d'un avion monomoteur prés de la Route, reliant Moulay Bousselham à Ksar El Kebir, • Le 31/1/2007 : atterrissage d'un avion à Sidi Boubker El Haj • Le 12.03.2007 : Atterrissage d'un hélicoptère dans un terrain vague prés d'Asilah. • Le 18.03.2007 : Atterrissage d'un avion monomoteur léger Près de Machraa Belksiri • Le 24/3/2007 vers 00h20 : Atterrissage d'un petit avion dans un terrain vague situé à proximité du douar «Ould Abbou» près d'Asilah. • Le 09/4/2007 : Atterrissage d'un avion monomoteur, près de Souk Larbaa du Gharb, • Le 11/4/2007 : Crash d'un petit avion à proximité du Douar Zouayat, cercle de Souk Larbaa du Gharb, ayant entraîné le décès de son pilote espagnol Juan Manuel Cortes Amador, moniteur d'aviation. • Le 12/4/2007 : Atterrissage d'un avion monomoteur, près de Souk Larbaâ du Gharb • Le 24/7/2007 : Atterrissage d'un hélicoptère au lieu dit «Amrah», près de Chefchaouen. • Le 10/1/2008 : Atterrissage d'un hélicoptère , au lieu dit «Amrah», près de Chefchaouen. • Le 12/3/2008 : Atterrissage d'un avion monomoteur a hauteur du douar Chouafae • Le 23/4/2008 : Atterrissage d'un avion monomoteur, près de Souk Larbaa du Gharb, • Le 07/5/2008 : Crash d'un avion bimoteur de type «Cessna». Son pilote americain, nommé Wilson James Douglas et ses trois complices marocains ont été arrêtés et condamnés à des peines allant de 04 à 10 ans de reclusion. • Le 08/8/2008 : Atterrissage d'un avion monomoteur près de Sidi Slimane. • Le 28/9/2008 : Atterrissage d'un avion près de Larache. • Le 03/10/2008 : Un avion a survolé la région de Ksar El Kebir, ou un véhicule a été trouvé abandonné, chargé de 2 tonnes de chira. • Le 19/11/2008 : atterrissage d'un avion près de Sidi Yahya du Gharb.