Le processus de paix est mort et enterré. Israël renforce l'aura de ses pires ennemis, le traumatisme de Gaza laissant des traces pour des générations. uand Ehud Olmert dit «les objectifs sont atteints» en parlant de sa sale guerre que veut-il signifier? En lançant ses raids l'objectif annoncé était d'en finir avec Hamas et de changer la donne, y compris politique, dans la bande de Gaza. Au vingtième jour de l'agression barbare vingt roquettes artisanales sont tombées sur le territoire de 48 et les combats font rage dans toutes les localités. Les objectifs atteints sont tout autres. Le Hamas a nécessairement pris un coup. Son organisation militaire est décapitée, beaucoup de ses cadres ont été visés et liquidés. L'organisation palestinienne n'en sort pas moins auréolée pour sa résistance. Chez ce peuple martyrisé depuis 60 ans, le nombre de morts n'incite pas à l'abandon du droit à la résistance, bien au contraire. L'autorité palestinienne est définitivement balayée. Elle ne peut revenir à Gaza après les chars Israéliens. Son isolement est donc confirmé, et la division des rangs palestiniens aussi. Il n'y a donc plus d'interlocuteur valable chez les palestiniens. Sauf à reconsidérer la position sur le Hamas, qualifié d'organisation terroriste de manière abusive. Les occidentaux ont agi de manière inconsidérée sur cette affaire, puisqu'ils interdisent à un peuple occupé son droit à la résistance et veulent donc l'obliger à négocier dans le cadre d'un rapport de force totalement déséquilibré. L'Egypte sort totalement abîmée, même si son initiative sert de base à un prochain cessez-le-feu. Son image est altérée à jamais chez les palestiniens, le Monde Arabe, et de larges franges de son propre peuple. L'objectif atteint de cette guerre est celui-ci : décrédibiliser tout éventuel partenaire dans un processus de paix. Ainsi, Hillary Clinton ne pourra pas reprendre le dossier là ou l'a laissé son mari. Abbas n'a pas la moitié de l'autorité morale d'Arafat, or celui-ci n'avait pu céder sur la question des réfugiés et celle d'Al Qods. Israël a utilisé ces 8 dernières années pour torpiller, méthodiquement, pernicieusement toute chance de paix. Le blocus sur Arafat, son assimilation au terrorisme n'était que le début d'un plan dont on voit aujourd'hui toute la perfidie. Israël n'a plus aujourd'hui en face que le peuple palestinien et c'est là son problème. Les palestiniens ne quitteront pas leur terre et n'accepteront pas de patrie rechange. La radicalisation est la seule issue pour eux. L'envers du décor Cette stratégie israélienne est dans la continuité de sa politique. Depuis sa naissance, ses dirigeants savent que seule la guerre, ou le danger de guerre, maintiennent un semblant de cohésion entre ces populations déracinées provenant de cultures très différentes. Israël est par nature belliciste et la paix est un danger mortel pour cet Etat religieux. On oublie souvent que dans les années 80 Israël a aidé le Hamas à se renforcer dans les territoires occupés contre l'OLP, parce qu'à l'époque, les Islamistes limitaient leur action à la mobilisation politique, puisqu'ils n'ont entamé l'action armée qu'une décennie plus tard. Aujourd'hui Israël cite la charte du Hamas comme argument, or elle a été adoptée à sa naissance. Israël a aussi réussi à disqualifier l'Egypte et l'Arabie Saoudite au profit de l'Axe Damas-Téhéran et surprise, Ankara. La Turquie, allié traditionnel de l'Occident, membre de l'OTAN, dénonce aujourd'hui, avec virulence, Israël. La majorité Islamiste est une donne pérenne en Turquie et l'armée a décidé d'en prendre note. Ce virage diplomatique est porteur de conséquences stratégiques qu'on n'a pas encore mesurées. Israël se retrouvera face à des ennemis Irréductibles, maintenant une tension permanente dans la région. C'est le véritable but du blocus puis de l'invasion de Gaza : revenir à l'image du petit pays encerclé. Suivez le discours des sionistes sur les chaînes internationales, ils ont repris la litanie, «Israël c'est l'équivalent de deux départements français alors que les Arabes ont des millions de km2». Ils se projettent déjà dans la victimisation, leur fonds de commerce. L'opinion publique retournée Ce jeu perfide a réussi à atteindre ses objectifs. On ne peut envisager aucun processus de paix viable, sérieux, dans ces conditions. Par ailleurs l'Etat hébreu continuera sur le registre de la victimisation. Mais Israël a été défait dans cette guerre, non pas par le Hamas, mais par ses victimes. Malgré le Black-out imposé aux journalistes, les images sont sorties. Toute la complaisance des rédactions occidentales n'a pas suffi, l'émotion a submergé le Monde. Les manifestations d'une ampleur sans précédent, prouvent qu'une lame de fond prend forme. Ce n'est pas anodin parce que ces pays sont des démocraties réelles qui finissent par prendre en compte leur opinion publique dans l'élaboration de leur politique. Aujourd'hui ils dénoncent au minimum l'usage abusif de la force, au maximum la barbarie. Il y a moyen d'enraciner ce mouvement et d'en faire un courant en faveur des droits du peuple palestinien. Il y a à cela une condition majeure : s'inscrire dans l'universalité. Cela suppose clairement que le droit à la résistance, y compris armée, est inaliénable, mais que les attaques visant les civils sont inacceptables. On ne peut demander à un Norvégien de dénoncer les meurtres d'enfants palestiniens et de comprendre ceux des israéliens. L'action politique majeure pour les années à venir devrait être celle-là, convaincre, mobiliser, pour le droit du peuple palestinien sur sa terre. Il s'agit ni plus ni moins que de regagner le terrain perdu, face au lobby sioniste et à sa thèse du «peuple juif» assiégé. Cela n'est pas possible, avec des slogans antisémites, des outrances verbales et la glorification de la mort. Dans quelques jours, Tel-Aviv, le Hamas, le Caire, Sarkozy, chanteront victoire. Dans quelques années l'Etat palestinien n'aura toujours pas été créé. La paix, la vraie, n'est possible que si une pression de l'opinion Mondiale l'impose. Sinon le martyr du peuple palestinien continuera. ■