Jacques Vergès, 83 ans, est probablement l'avocat le plus sulfureux au monde. Son dernier client est Khieu Samphan, ancien chef d'Etat cambodgien sous les Khmers rouges, poursuivi pour crime de guerre. Der SPIEGEL : Vous défendez les pires auteurs de massacres de l'histoire contemporaine et l'on vous surnomme «l'avocat de la terreur». Pourquoi êtes-vous tellement attiré par des clients tels que Carlos ou Klaus Barbie ? Vergès : J'estime que chacun, quel que soit ce qu'il a fait, a le droit à un procès équitable. Les monstres n'existent pas. Mes clients sont des êtres humains. Existe-t-il des personnes dont, par principe, vous ne voudriez pas prendre la défense ? ‘ J'aurais défendu Hitler. J'aurais également accepté Oussama Ben Laden comme client, et même George W. Bush, tant qu'il plaide coupable. En 1957, vous avez assuré la défense de nombreux membres du FLN algérien, vous faisant par la même occasion un nom en tant qu'avocat. Vos clients utilisaient des méthodes terroristes dans leur révolte contre les colons français. Vous avez pourtant déclaré votre solidarité avec eux. ‘ Oui, je leur ai dit à l'époque : je comprends votre colère, je comprends votre combat et je soutiens ce que vous faites. Vous avez embarqué à bord d'un navire pour l'Europe en 1942 pour rejoindre la Résistance française contre les nazis. Pourquoi ? Vergès : J'avais 17 ans en 1942. Au-delà du fait que je la méprisais en tant que puissance coloniale, je voulais défendre une France que j'avais appris à apprécier et à chérir : la France de Montaigne, de Diderot, de Robespierre et de la Révolution. En mars 1963, vous êtes allés en Chine pour boire un thé avec Mao Zedong. ‘ Le côté humain de Mao m'a étonné. Je pense que chacun a des qualités et des faiblesses. J'ai eu l'immense chance de n'avoir eu affaire qu'au côté positif de Mao. Vous avez également rencontré Che Guevara. ‘ En effet, à Paris. C'est un homme impressionnant, d'un charisme exceptionnel. Utiliseriez-vous votre profession pour afficher une provocation intellectuelle permanente ? ‘ Je ne l'utilise que pour l'enrichissement intellectuel permanent. Notre vision du monde change avec le temps, parce que nous le voyons depuis des perspectives différentes.