L'insécurité c'est plus un sentiment qu'une réalité, les délits sur les personnes augmentent, la violence sociale, les incivilités aussi. L'urgence, c'est de revaloriser moralement et matériellement le métier de flic. Dans les cafés, dans les transports en commun, il ne se passe pas un jour sans que le thème de l'insécurité soit mis sur la table. Notre pays est-il réellement en proie à une délinquance sans commune mesure ? La réalité est beaucoup plus nuancée. Comme le démontre le dossier réalisé par notre rédaction, le phénomène est moins spectaculaire que veut bien le laisser entendre la vox populi. La hausse de la criminalité n'a rien de vertigineux. Sur des dossiers lourds, tels que le trafic de drogue, l'immigration clandestine, ou le crime organisé en général, la tendance est à la baisse. Par contre, le vol à l'arraché explose à cause du marché des portables volés et les agressions augmentent, c'est une réalité. Or, les agresseurs sont souvent des drogués qui passent à la délinquance. La police récupère un problème sociétal où tous les autres acteurs ont fait faillite. La famille d'abord, mais les acteurs sociaux en général. C'est l'absence de prise en charge qui fait qu'un drogué bascule dans la délinquance et agresse les gens avec une violence inouïe parce qu'il n'a aucune mesure de sa propre violence. La police n'a pas le droit de faire de la prévention, sinon elle violerait les droits de ces utilisateurs de drogue, mais personne n'en fait valablement. L'insécurité, comme sentiment, se retrouve renforcée parce que les délits touchent de plus en plus le quidam, que le pickpocket a laissé place à l'agresseur à l'arme blanche et au voleur motorisé. Ces phénomènes urbains sont le produit de la ruralisation des villes, du délitement de la famille, de l'anonymat que procurent les grandes villes. Il ne faut pas occulter non plus que la société est plus violente, que les bagarres entre gamins sont devenues sanglantes, que le recours à l'arme blanche est devenu une règle de survie dans nos quartiers chauds. Face à cette situation, il est de bon ton de critiquer la police. Rien n'est plus injuste. Cette institution comme toutes les autres est en transition. Elle s'adapte aux nouvelles règles et tente de fonctionner en respectant les droits humains. Mon ami le flic Or, il faut savoir qu'elle manque de tout : effectifs, formation, moyens matériels et surtout position morale. L'encadrement policier est inférieur à tous les pays modernes. Il y a moins de policiers par millier de citoyens au Maroc qu'en France ou aux USA. Ceux qui parlent d'Etat policier sont ignorants. Les moyens matériels mis à la disposition de la police sont très en deçà de l'exigible. Enfin, les salaires et les primes sont ridiculement bas, pour des gens qui risquent leur vie quotidiennement, puisque les délinquants d'aujourd'hui sont armés et n'ont aucune gêne à attenter à la vie des policiers. Charki Draiss, l'actuel directeur général de la police tente de remédier à cet état des choses. Le gouvernement tarde à « libérer » un tableau d'avancement qui visait à effacer une injustice faite aux forces de l'ordre, exclues pendant longtemps des avancements. Aucune force politique n'a estimé nécessaire de le soutenir dans ce combat. Le policier est toujours mal vu, par héritage d'un passé douloureux. Or, aujourd'hui, le policier c'est un fonctionnaire qui touche 3000 DH par mois et expose sa vie pour nous protéger. Ce n'est pas celui-ci que les Marocains ont en tête, mais le policier du rond-point qui transforme un PV en une corruption de 20 DH !. La modernisation de la police est une œuvre de démocrate. D'abord parce qu'il n'y a pas d'Etat de droit sans une police au point. Mais aussi, parce que le respect des droits humains n'a aucun sens, sans le sentiment de sécurité. Les citoyens Marocains manquent tellement de considération pour les policiers qu'ils refusent de porter plainte. C'est d'une nouvelle éducation citoyenne que nous avons besoin pour combattre la nouvelle criminalité. ■ La police en chiffres De Casablanca à Paris, la différence est énorme Combien sont-ils à Casablanca et à Paris ? Des statistiques, qui manquent d'exactitude, à cause de l'expansion démographique et la circulation des personnes, disent qu'il existe un policier, tous grades confondus, pour 1571 habitants à Casablanca. A Paris, c'est un policier pour 500 habitants. La capitale française dispose aussi de moins d'agents dans ses services de la police urbaine de proximité aujourd'hui. Avec l'application de la réforme des 35 heures, la police a perdu, de l'avis d'un ancien directeur de la police des polices, «10 % de sa capacité opérationnelle». Si l'on posait la question à n'importe quel policier de la capitale économique, Casablanca, il répondra, sans réticence, qu'il y a une recrudescence de la délinquance au Maroc sous toutes ses formes. Le vol à l'arraché qui fait fureur à Casablanca, est devenu la honte de tous les commissariats de police et les policiers. Les plaintes s'entassent par milliers, alors qu'il est dit avec un peu de détours, que les victimes éprouvent des difficultés à porter plainte. Le mal est devenu plus que visible ; il est spectaculaire. Il est l'œuvre de jeunes malfrats chevauchant une moto sur la voie publique. La gente féminine est la plus visée de jour. La nuit est consacrée aux fêtards. En effet, ces chiffres ne recensent que les faits constatés par la police. Et ils montrent l'orientation de leurs missions. Qui plus est, ils ne sont significatifs qu'à moyen terme. Quelques statistiques • Maroc : 40.000 policiers pour 30 millions d'habitants. • Algérie : 109.000 policiers pour 33 millions d'habitants. • Tunisie : 150.000 policiers pour 11 millions d'habitants.