Les pays émergents du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ne sont pas les paradis financiers que certains s'imaginent… À la suite de la faillite de Lehman Brothers, les marchés émergents traversent une des pires périodes qu'ils aient connues depuis des années. Le 18 septembre, les principales places financières russes ont suspendu leurs échanges de titres et d'obligations pour le troisième jour consécutif à la suite de la chute la plus soudaine d'une place boursière en une décennie; la banque centrale a injecté des milliards dans les grandes banques et dans le marché monétaire dans une tentative désespérée de calmer les angoisses. L'indice EMBI de JPMorgan (qui mesure les titres de créance des marchés émergents) a chuté de plus de 5 % dans la semaine qui a précédé le 16 septembre, perdant en quelques jours tous les gains réalisés cette année. Les contrats d'échange sur le risque de défaillance en Argentine, un indicateur du risque de crédit, ont atteint leur valeur la plus haute. Alors que personne ne s'y attendait, la Banque populaire de Chine a réduit son taux de prêt de référence de 27 points de base le 15 septembre, pour le fixer à 7,2%, soit la première réduction enregistrée en six années. Ces mesures reflètent divers sujets d'inquiétude, tels que l'assombrissement du climat économique en Chine et les problèmes politiques en Russie. Mais elles ont toutes une chose en commun : les investisseurs changent peut-être d'avis à propos des marchés émergents. Ces dernières années, la Chine, le Brésil et les autres, avec leurs taux de croissance élevés et leurs excédents du compte courant importants, ont commencé à représenter des alternatives attrayantes aux marchés en voie de développement. Pendant une partie de l'année dernière, l'indice MSCI marchés émergents était même négocié à un multiple supérieur à l'indice boursier pour les pays riches. Investissements sûrs Mais tout ceci est en mutation tandis que les investisseurs perdent leur appétit pour leur risque. Selon une étude récente réalisée par Merrill Lynch sur les gestionnaires de fonds, ceux-ci détiennent plus d'obligations que la normale pour la première fois depuis une dizaine d'années (ce qui indique une fuite vers des investissements sûrs). Ils sont également moins présents sur les marchés émergents qu'à un tout autre moment depuis 2001. Ces trois derniers mois, selon Michael Hartnett de Merrill Lynch, les fonds des marchés émergents ont connu une fuite de capitaux de 26 milliards $, comparé à une rentrée de 100 milliards $ les cinq années précédentes. La baisse des prix du pétrole et des matières premières en est en partie responsable. Lorsque les prix étaient à la hausse, l'argent se déversait au Brésil et en Russie, devenus les cibles du «carry trade» (les investisseurs empruntent dans une monnaie dont les taux d'intérêt sont bas et investissent dans des monnaies à taux d'intérêt élevé). Mais maintenant que les prix du pétrole sont en baisse (ils ont fléchi à presque 90 $ le baril cette semaine), ils perturbent cette pratique et obligent la Russie à venir au secours du rouble. Les investisseurs endettés sont également forcés par leurs banques de vendre tandis que la chute des prix réduit la valeur de leurs biens donnés en nantissement. La baisse des prix du pétrole et des matières premières devrait bénéficier à la Chine et à l'Inde, par l'allègement de leurs factures d'importations et en apaisant les inquiétudes quant à l'inflation. Pourtant, les réserves de change de l'Inde ont été réduites de 6,5 milliards $ pendant la première semaine de septembre, alors que la banque centrale vendait des dollars pour ralentir la chute de la roupie. En Chine, les inquiétudes grandissent quant au ralentissement des exportations (la croissance des volumes d'exportation a ralenti de moitié l'an passé pour atteindre 11 %) et à la baisse des prix de l'immobilier, qui semble jouer un rôle similaire au cours des actions ailleurs. Ces trois derniers mois, la valeur des ventes d'immobilier dans les grandes villes était 40 à 50 % plus basse qu'il y a un an, selon les chiffres de Paul Cavey de Macquarie Securities. Un agent de l'une des plus grandes sociétés immobilières de Hong Kong estime que « la confiance a disparu cette semaine avec la chute de Lehman ». ■