L'optimisation du résultat fiscal Au Maroc, les pratiques comptables pour minimiser l'impôt ne sont pas toujours avouables. Les entreprises utilisent maintes astuces pour ne pas s'acquitter de leur participation au budget du Trésor. Les comptables des entreprises ont recours souvent aux stocks dont les variations sont difficilement contrôlables par le fisc à la clôture de l'exercice afin de se tailler un bénéfice fiscal sur mesure. Pourtant, il existe des méthodes fort louables et préconisées par le législateur qui aboutissent à la réduction de l'impôt des entreprises. Parmi celles-ci, il y a la situation géographique, les incitations concernant l'investissement ou encore les nombreuses autres déductions. C'est dans cet univers mal maîtrisé qu'Aziz El Khattabi, expert comptable, directeur associé à KPMG, nous guide. Il évoque le sujet sous toutes les coutures. La Gazette du Maroc : quelles sont les optimisations fiscales qu'il est possible de faire grâce à une implantation régionale? Aziz El Khattabi : avant de répondre à votre question, j'aimerais préciser que le premier souci du manager devrait être de gérer et d'atténuer les risques fiscaux avant de commencer à réfléchir sur les possibilités d'organisation fiscale. Cette optimisation doit se faire, bien entendu, dans le respect des législations et réglementations fiscales pour ne pas se transformer en source de contentieux fiscal. L'implantation de l'entreprise dans certaines régions permet de réaliser, selon le cas, des réductions d'impôts temporaires ou permanentes. Les réductions d'impôts temporaires concernent notamment les entreprises installées dans certaines préfectures et provinces désignées par décret du ministère de l'Economie et des finances. Il s'agit de 20 préfectures et provinces qui bénéficient d'un traitement fiscal de faveur en raison de leur niveau de développement économique et de leur capacité à drainer les investissements. Les entreprises qui exercent leurs activités à l'intérieur de ces préfectures ou provinces bénéficient de 50% de l'impôt sur le résultat (IS ou IGR) pendant une période des exercices consécutifs à compter de la date de début de leur exploitation. En ce qui concerne les réductions d'impôts permanentes, Tanger bénéficie d'un statut fiscal particulier institué par le dahir n° 63 –309 du 16 novembre 1963. En vertu de ce dahir les entreprises et les contribuables résidant ou ayant leur siège dans la province de Tanger bénéficient d'une réduction de 50% de l'impôt des patentes, de l'IS et de l'IGR (catégories revenus professionnels) se rapportant à une activité exercée à titre principal dans ladite province. La taxe urbaine frappant des immeubles situés dans la province de Tanger est également réduite de moitié. En ce qui concerne les entreprises exportatrices dans une zone franche d'exportation, celle de Tanger par exemple qui est opérationnelle depuis quelques années, permet de réaliser des économies d'impôts non négligeables. Il s'agit notamment de l'exonération des droits d'enregistrement et du timbre sur les actes de constitution et d'augmentation de capital de ces sociétés et sur les actes d'acquisition de terrains destinés à abriter le projet d'investissement. Ces entreprises bénéficient également d'une exonération de l'impôt des patentes de la taxe urbaine durant les 15 premières années. En matière d'impôts sur le résultat, les entreprises installées dans la zone franche d'exportation bénéficient d'une exonération totale de l'IS ou de l'IGR durant les premiers exercices à compter du début de leur exploitation et d'un taux d'IS de 8,75 % ou d'un abattement de 80% de l'IGR pour les 10 exercices consécutifs. Enfin, les dividendes versés par ces entreprises à des non-résidents ne sont pas soumis à la retenue à la source au titre de l'IS. Que disent les textes en matière d'IS, d'IGR et de TVA concernant la réduction d'impôts relative au cycle d'investissement (acquisition, cession et renouvellement d'immobilisations)? La principale disposition encourageant l'investissement est celle relative à la provision pour investissement. Les entreprises ont la possibilité de constituer en franchise d'impôts une provision pour investissement destinée à l'acquisition de biens d'équipement, matériels et outillages, à l'exclusion des terrains, des constructions autres qu'à usages professionnels et les véhicules de tourisme. L'investissement devant se réaliser avant l'expiration de la troisième année suivant celle de la constitution de la provision. Cette provision est soumise à un double plafond de 20% du bénéfice fiscal avant impôt et de 30% du futur investissement. Nous notons que cette possibilité d'optimisation fiscale n'est pas automatiquement exploitée par les entreprises marocaines. Beaucoup d'investissements sont réalisés sans bénéficier de cet avantage fiscal. Dans le cas de cession ou retrait d'immobilisation, les entreprises bénéficient d'abattement sur le profit ou la plus-value réalisés et ce en fonction de la durée de détention desdites immobilisations. Ces abattements varient entre 25 % à 70% et peuvent atteindre 100 % en cas d'engagement de la part de l'entreprise à réinvestir le produit global de cession dans un délai de 3 ans à compter de l'exercice suivant celui de la cession. Le réinvestissement doit se faire en biens d'équipement ou en immeubles réservés à la propre exploitation personnelle de l'entreprise. Toutefois, lorsque l'entreprise réinvestit en terrains non bâtis, l'exonération est subordonnée à l'affectation desdits terrains à propre exploitation professionnelle de la société ou à l'édification de constructions destinées au même usage. Un autre avantage en matière d'investissements n'est pas systématiquement utilisé par les entreprises. Il s'agit de la faculté d'acquérir des biens d'investissement en exonération de TVA. L'exonération en question est accordée à condition que le bien acquis soit : ‡ inscrit dans un compte d'immobilisation ‡ affecté à la réalisation d'une opération imposable ou exonérée avec droit de déduction par ailleurs, il est à signaler qu'en vue d'atténuer l'impact de la patente et de la taxe urbaine et sur la charge fiscale globale des entreprises, le législateur a limité la base de leur calcul à 50 millions de dirhams et ce depuis le 1er janvier 2001. Concernant le cycle d'exploitation (produits et charges) qu'est-il possible de faire afin d'optimiser le résultat fiscal ou, plus généralement, de minimiser l'impôt à payer? Les techniques d'optimisation fiscale sont diverses et dépendent entre autres de la nature de l'activité de l'entreprise et de la structure de son actionnariat et de ses participations. Ainsi, il est plus aisé d'opérer des optimisations fiscales dans le cadre d'un groupe de sociétés car les conditions fiscales des sociétés en question peuvent différer ( taux d'impositions différents, crédit de TVA structurel chez une ou plusieurs des sociétés du groupe,…). L'optimisation fiscale peut également être réalisée à l'échelle internationale, notamment pour bénéficier de conditions d'imposition plus avantageuses dans un pays par rapport à un autre. A titre d'exemple, un contrat de prestation de services avec une société étrangère gagnerait à être conclu avec une filiale du groupe située dans un pays lié au Maroc par une convention fiscale présentant plus d'avantages. Certains choix fiscaux méritent d'être bien pensés par les managers car ils peuvent générer des gains d'impôts selon le résultat final de l'entreprise, je citerai à titre d'exemple : • L'option pour l'amortissement dégressif au lieu de l'amortissement linéaire. L'imputation des frais d'établissements sur le premier exercice bénéficiaire au lieu de leur étalement sur une période n'excédant pas cinq ans. Les entreprises ont tendance à considérer la constitution de provisions comme un outil de gestion fiscale. A ce titre, je voudrais préciser que la constitution de provision pour risque et charge et celles pour dépréciation des éléments d'actifs (stocks, créances clients, etc) est une nécessité comptable édictée par le principe de prudence, elle ne doit pas être utilisée à des fins de gestion de l'impôt. Une fois constituées, ces provisions nécessitent une attention particulière quant à leur traitement fiscal. L'entreprise doit, en effet, s'assurer que ces provisions répondent aux conditions de déductibilité édictées par la législation fiscale, dans le cas contraire, une réintégration extra-comptable de ces provisions s'impose. Que prévoient les textes en matière de crédit-bail et dans quel cas ce type de financement permet-il de réduire le bénéfice fiscal? Les principales dispositions concernant le crédit-bail portent sur la possibilité d'acquisition en exonération de taxe, par les sociétés de crédit-bail, des biens destinés à la location, ainsi que la possibilité donnée à ces sociétés de pratiquer des amortissements accélérés au titre de construction, objet de leasing. En ce qui concerne les entreprises ayant recours à ce moyen de financement, les principaux avantages en découlant sont les suivants : ‡ la redevance facturée par la société de crédit-bail est déductible en totalité chez l'entreprise. Ceci permet au preneur de bénéficier d'une manière accélérée d'une économie d'impôts vu que la redevance annuelle est généralement supérieure à la dotation aux amortissements. ‡ En cas de crédit-bail immobilier, la loi prévoit un droit d'enregistrement fixé à 300 dirhams, ce qui implique une économie d'impôts d'environ 2,5% de la valeur du bien concerné. Il est à noter qu'à la levée de l'option, l'acquisition de l'immeuble est soumise au droit d'enregistrement de 5% calculé sur la valeur résiduelle prévue par le contrat de leasing. ‡ En ce qui concerne les sociétés situées hors champ d'application de la TVA ou exonérées sans droit à déduction, le recours au crédit-bail peut se traduire par une économie en matière de TVA, vu que la société de leasing leur facture une TVA sur les redevances au taux réduit de 7% (étant donné qu'il s'agit d'un crédit).