Etant d'abord une terre d'émigration, le Maroc va-t-il devenir un pays d'immigration ? Le Maroc est-il prêt à supporter des quartiers comme le Bronx ou gérer des banlieux explosives ? C'est à toutes ces questions brûlantes d'actualité que tente de répondre ce dossier. Quartier “Lerac”. Fès. Un petit bouge, où on sert un café infect arrosé de joints de haschich de mauvaise qualité. Les clients sont essentiellement des “hommes de couleur”, pour rester dans le politiquement correct. Ce qui l'est moins, c'est que “les blancs” sont interdits de séjour, les marocains de souche, eux ont peur de s'aventurer dans ces ruelles mal famées. Des regards en biais, des remarques désobligeantes ont vite fait de décourager le plus audacieux des citoyens. “ Le quartier est en train de devenir un vrai no mans land où on a du mal à circuler; Les cas d'agression, voire de viols ne sont pas rares” rappelle cet habitant qui promet de quitter le quartier. Tous les clandestins qui débarquent d'Oujda trouvent à Fès et spécialement dans ce quartier, des compatriotes qui sont déjà installés. Vivant d'expédients, ces subsahariens travaillent quand ils le peuvent et plongent dans la délinquance quand les portes de l'emploi leur sont fermées. Jusqu'à présent, on les laisse prospérer dans ce quartier comme on feint de les oublier quand ils sqattent des agglomérations entières comme c'est le cas à Douar Lhajja à Rabat ou au quartier El Oulfa de Casablanca. Immigrés clandestins, travailleurs sans papiers ou émigrés en transit? Comment désigner ces masses de jeunes et de moins jeunes qui traversent souvent le Sahara au péril de leur vie pour échouer dans la banlieue de Fnidek ou encore de Tanger. Certains se sont heurtés à la forteresse de Sebta et Melillia. On se souvient encore des évènements sanglants de ces deux enclaves. D'une étape de transit, le Maroc est devenu en quelques années une terre d'accueil de milliers de subsahariens. Ils ne sont pas les seuls, on trouve de plus en plus de chinois, de Bengalais et même des indonésiens, rêvant de traverser la méditerrannée. Aujourd'hui, tout le monde laisse faire. Les sécuritaires se contentent de reconduire sporadiquement les clandestins à la frontière algéro marocaine. Aucun député ne s'est donné la peine jusqu'à présent de soulever les questions de fond dans l'enceinte du parlement. Quelle solution envisager dès maintenant pour ne pas se trouver submergé par des problèmes migratoires sans solutions ? Le Maroc a-t-il les moyens d'apporter l'assistance au développement aux pays concernés par l'exode ? Non, mais le royaume, situé en zone stratégique a le droit d'exiger que l'Europe mette la main à la poche. Dans la réalité complexe de l'immigration illégale, il n'existe pas une seule et unique réponse. Il y a d'abord un message à transmettre d'urgence aux organisations criminelles internationales. Il consiste à convaincre la mafia qu'aucune route ne restera ouverte au trafic d'êtres humains. Cela suppose que l'on ait trouvé une réponse à la corruption des personnes chargées de sécuriser les frontières Sud et Est du pays. Il faut aussi continuer à garantir la pleine protection aux personnes nécessitant un statut humanitaire, en accord avec la loi. La solution au problème de l'immigration implique autant la lutte contre les organisations criminelles internationales, que le rapatriement des immigrés illégaux dans leurs pays d'origine. La "suprême naïveté" et la myopie dont fait preuve nos hommes politiques sur cette question, nous fait penser qu'il viendra bien un moment où on aura uniquement le choix entre le blindage des frontières, le passage à tabac des clandestins ou la régularisation de tout ce beau monde. Ce qui ne mettra pas pour autant un terme au flux migratoire.