Politique étrangère Trois chantiers politiques marqueront, certainement, la politique étrangère du royaume dans la prochaine décennie: le Sahara, l'Europe et la mondialisation. La politique étrangère est parmi les domaines réservés du Roi, surtout quand il s'agit de l'intégrité territoriale du pays, sa souveraineté nationale ou encore sa stratégie de coopération internationale. Pour aller plus loin, il serait intéressant de s'interroger sur les grands défis que doit relever l'Etat marocain pour faire face aux nouvelles donnes de la politique internationale. Arbitrairement, trois chantiers politiques figurent parmi les grandes priorités dans l'agenda politique de la diplomatie marocaine : la résolution du conflit saharien, la consolidation du partenariat Maroc/Union européenne et l'ancrage à l'économie mondiale. Le conflit saharien : la voie vers la pacification ? Le conflit saharien semble de loin le défi stratégique majeur que doit relever l'Etat marocain, en vue de préserver son intégrité territoriale et sa stabilité politique. À cet égard, le Roi s'est exprimé en faveur de l'accord-cadre qui octroie au Polisario une large autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine, et avait même déclaré caduque et non applicable la voie référendaire. Une solution que rejettent catégoriquement les parties prenantes dans le conflit : le front Polisario préfère l'organisation d'un référendum populaire, alors que l'Algérie s'est exprimée en faveur d'une partition du territoire entre les protagonistes. De fait, les parties en jeu sont revenues à une situation de “statu quo”, qui retarde considérablement la solution diplomatique du conflit. D'autant plus que l'ONU peine à entretenir le financement de la mission de la Minurso. Pourtant, le Maroc avait capitalisé un avantage politique non négligeable sur ses adversaires dans la région, à l'image de l'Algérie qui a été citée par le SG de l'ONU, comme étant, pour la première fois, impliquée dans le conflit saharien. Une mise en accusation qui rendra certainement les manœuvres politiques en off de l'Etat algérien plus que difficiles. Bien plus, le Maroc a réussi à apaiser la tension avec l'Espagne et la Russie, en faisant jouer “la carte de la pêche” : à l'Espagne, le Roi avait autorisé aux chalutiers galiciens de pêcher dans les eaux marocaines, suite au naufrage du pétrolier “ prestige”. À la Russie, le Roi avait signé, lors de son voyage à Moscou en octobre dernier, un accord autorisant les bateaux russes à revenir pêcher dans les eaux marocaines. Cette manœuvre pourrait s'avérer très efficace pour modérer la position politique de la Russie sur le dossier. Et également, en vue de s'assurer du soutien de l'Espagne qui sera promue prochainement membre non permanent du conseil de sécurité de l'ONU. Bref, à l'instar de son partenariat avec la CEE, le Maroc vient d'adopter la même approche “régionale” pour la solution du conflit. Une approche qui allait de concert avec la politique de l'ONU, qui vient de charger son représentant au Sahara, James Baker, d'effectuer, très prochainement, une visite officielle au Maroc, en Algérie et en Mauritanie. Sur le terrain, la réunion des ministres des affaires étrangères de l'UMA vient d'amorcer le “ dégel politique ” du conflit saharien, en attendant la décision du conseil de sécurité. Maintenant, c'est au Maroc de faire montre d'un haut degré de “tact politique” en activant son “networking diplomatique ” Maroc/CEE : l'avenir commun Le Maroc est ouvert. Les Européens y sont les bien placés ; Espagnols et Français y sont les mieux représentés : à chacun de savoir en profiter dans le cadre de l'évolution des relations du Maroc avec la Communauté européenne. C'est d'ailleurs la conviction politique de feu Hassan II, qui prôna le long de son règne un recentrage de la politique marocaine extérieure vers le monde européen. Dans ce sens, il formula même en 1987, une demande d'adhésion du Maroc à la CEE, sachant au préalable qu'elle allait être refusée. Sous le règne de Mohammed VI, cette conviction a été inscrite dans le cadre d'une approche plus globale : l'ancrage du Maroc à l'Europe passe par un “partenariat” entre le Maghreb et la CEE. Certes, le Maroc est déjà lié par un accord de libre-échange avec l'Union européenne, qui devrait se traduire par un démantèlement douanier complet d'ici 2010. Mais, il n'en demeure pas moins que le chemin conduisant à un partenariat Maroc/CEE demeure semé d'embûches qui entravent les projets de coopération en vue. À cet égard, plusieurs défis doivent être relevés par la diplomatie marocaine : la normalisation des relations régionales maroco-espagnoles, la consolidation de la politique euro-méditerranéenne (PEM) et l'éradication de l'immigration clandestine... La concrétisation de ces objectifs dépend de deux éléments principaux : d'une part, la volonté politique de la CEE de rompre avec l'option sécuritaire à l'égard des pays du sud. Et de l'autre, l'implication active de la société civile marocaine dans le dialogue politique avec l'Europe. Sinon, tout processus de développement socioéconomique serait marqué d'insuffisances. Maroc/USA ou la mondialisation “assistée” Dans le registre d'une vieille alliance stratégique, il semble établi que le royaume s'est fixé comme objectif stratégique la réalisation de l'ancrage à l'économie mondiale, en faisant appel à “l'assistance” des Etats-Unis. En effet, dans la lignée de son père, le Roi Mohammed VI s'est toujours exprimé en faveur d'une politique de “partenariat stratégique ” avec les Etats-Unis. Cette politique avait doublé d'ampleur après que l'administration Bush ait déclaré sa “guerre” contre le “terrorisme”. Curieusement, les Etats-Unis n'hésitent plus à proposer leur “assistanat” économique et logistique contre une “coopération sécuritaire ” de la part des gouvernements du monde, dont fait partie le Maroc. C'est d'ailleurs dans ce cadre que le Roi Mohammed VI, lors de sa visite à Washington au mois d'avril dernier, avait annoncé officiellement le projet d'établissement d'une zone de libre échange ; qui devrait être finalisé à l'horizon 2004. Du même type que ceux déjà conclus avec Israël et la Jordanie, cet accord s'inscrit dans “la politique préventive”, menée par les Etats-Unis, contre la montée du “'terrorisme”. En plus, il serait le premier accord du genre passé entre les Etats-Unis et un pays du continent africain.Cet accord est une forme d'échange de don et contre-don, qui traduit parfaitement la “real politik” américaine: d'un côté, l'instauration d'une zone de libre échange maroco-américaine renforcera les liens économiques et politiques des Etats-Unis avec la région ; surtout avec la montée spectaculaire de l'Islam politique au Maghreb. De plus, l'engagement des Etats-Unis à parvenir à un tel accord avec le Maroc, enverra un signal fort à toute la région : le royaume soutient les pays tolérants et ouverts. Et par conséquent, il ne figurera pas sur le short-liste des pays à risque. Sans compter la volonté américaine de bousculer l'union européenne dans la région maghrébine. De l'autre côté, l'accord offrira au Maroc la possibilité d'accélérer le processus d'ouverture économique sur le monde moderne. Autant dire que la diplomatie marocaine aura la lourde charge de garantir la sécurité économique tout en sauvegardant la souveraineté du royaume, les droits de la communauté et surtout les libertés de ses membres. Dure épreuve. La sécurité économique du Maroc passe par une coopération sécuritaire avec les USA : la zone de libre échange contre une coopération avec les services de renseignements américains.