Le «Mouvement pour tous les démocrates» continue son bonhomme de chemin doucement mais sûrement. Le 26 avril dernier, le mouvement a marqué une pause à Tanger. La veille de la rencontre du dimanche 26 avril dernier, des centaines de participants ont afflué de toutes les régions du Nord et du Rif. Pour accueillir plus de 700 personnes à Tanger, la machine organisationnelle du réseau d'Ilias El Omari a fonctionné à merveille. Des hôtels ont été réservés pour tous. Tout le monde a participé à la logistique, chacun par ses propres moyens. Les invités ont été triés sur le volet. Par contre, aucune invitation écrite n'a été remise aux participants. La veille même de la rencontre, un président d'une commune rurale à Al Hoceima paraissait déboussolé. À quelques heures du début de la rencontre, il ne savait pas encore de quoi il s'agissait. Etait-ce un nouveau parti créé par de hauts dignitaires du régime ou une association comme bien d'autres ? L'Homme a tout vu dans sa carrière. L'organisation d'une rencontre, avec un tel nombre d'acteurs politiques et associatifs de la région du Nord, est assez particulière pour le Mouvement d'El Himma. La région regorge de potentialités. Elle est aussi la région d'origine de quelques membres du bureau du Mouvement. Selon Fouad Omari, le frère d'Ilias Omari, qui s'est occupé de gérer les coulisses de la préparation de la rencontre avec quelques amis : «Aucune invitation n'a été envoyée à la presse, mais ceux qui ont souhaité assister à la rencontre, on leur accorde la possibilité de le faire dans les meilleures conditions». Même si Ilias El Omari ne fait pas partie du bureau du MTD et des signataires de l'appel fondateur de cette association, il demeure un des piliers idéologiques de ce groupe, qui tourne autour de l'ex-ministre délégué à l'intérieur, Fouad Ali El Himma. Il bénéficie du réseau des anciens gauchistes du mouvement des démocrates indépendants et de militants au sein de diverses associations de gros calibres comme le FVJ, ARID, l'AMDH… Et bien d'autres. Selon une source bien informée, l'origine même des idées formulées par les membres fondateurs de l'appel pour tous les démocrates, trouve son origine avant même le début du processus de réconciliation avec l'IER et la création du FVJ. Plusieurs acteurs de la transition démocratique, comme Driss Benzekri, Ahmed Herzenni, Driss Yazami et d'autres avaient participé d'une certaine manière aux idées formulées aujourd'hui par le Mouvement, pour tous les démocrates. L'idée de la société démocratique et moderniste émane des discussions ayant déclenché le processus de réflexion sur le dépassement des années de plomb et du Maroc possible avec le rapport du cinquantenaire, dont un de ses architectes était Ahmed Hezenni, l'actuel président du CCDH et successeur de Driss Benzekri. Herzenni ancien chef de fil des «sensibilité de gauche», a été aussi derrière le rassemblement de la gauche unifiée (GSU), avant de prendre ses distances avec le PSU dès l'entrée du courant de Mohamed Sassi et fidélité à la démocratie, lors d'une opération de fusion tumultueuse. Bien avant la rencontre de Tanger, le MTD avait commencé le cycle des rencontres régionales de la ville d'Agadir où Aziz Akhannouch joue le rôle de coordinateur pour la région de Souss Massa Draa. Plus de 400 personnes avaient assisté à cette rencontre. Comme à Tanger, le Mouvement pour tous les démocrates (MTD) a fait salle comble à Agadir. Certains étaient même venus de loin pour découvrir ce qui anime les fondateurs du mouvement de Fouad Ali Al Himma, comme le cas de la coordination de la société civile de Sidi Ifni Ait Baamrane, qui mène depuis 2006 une bataille revendicative avec les autorités locales. Le MTD, avait fait appel à deux universitaires pour expliquer la régionalisation aux personnes présentes. Mohamed Tozy et Ali Sedjari avaient fait un cours magistral devant des gens venus écouter autre chose que des académiciens. L'attente de la population est grande et les problèmes aussi. Après la fin de la rencontre Aziz Akhannouch a fait rencontrer des représentants de la société civile à Fouad Ali El Himma. Lors de la rencontre de Tanger, les erreurs de la rencontre d'Agadir n'ont pas été répétées. Ahmed Akhchichen, le ministre de l'Enseignement, en bon pédagogue, a fait un exposé très terre-à-terre sur les objectifs du mouvement. L'idée essentielle formulée aux acteurs locaux de Tanger, est que le Mouvement n'est pas le FDIC et n'est pas une action du Makhzen. Objectif 2009 Il ne dispose pas non plus de baguette magique pour la résolution des problèmes, mais il propose un partenariat avec les différentes potentialités pour un pacte pour le changement et la démocratie. Une chose que plusieurs participants à la rencontre n'ont pas pu assimiler. Difficile de changer les modes de pensée du jour au lendemain, réplique un membre du mouvement, c'est un travail de longue haleine. Fouad Ali El Himma enfonce le clou : «ceux qui cherchent un tremplin ou une carte de visite se sont trompés d'adresse». La rencontre de Tanger a été entourée du plus grand secret. Le soir même, plusieurs participants qui discutaient entre eux dans leurs hôtels, ne connaissaient pas encore le lieu où allait se dérouler la rencontre. Des fausses informations ont même été divulguées pour brouiller les pistes. À part quelques initiés, le lieu est resté secret jusqu'au dernier moment. Même Fouad El Omari, le responsable de l'organisation, n'a rien voulu dire à ce sujet. Malgré cela, des journalistes venus de Rabat spécialement, pour «couvrir» l'évènement. La présence de 700 personnes qui parlent politique, ne passe pas inaperçu. Finalement, c'est le très sélect club de criquet qui a été choisi pour l'évènement, loin du centre de la ville. Ce cercle fermé dispose d'ailleurs de son propre service de sécurité. Au fur et à mesure que les communales de 2009 approchent, les objectifs de Fouad Ali El Himma et du MTD se précisent. Le groupe parlementaire «Modernité et authenticité» s'est réuni il y a deux semaines en présence des chefs de partis politiques qui forment la coalition. Le groupe veut préparer les prochaines communales. Une commission permanente de coordination pour baliser le terrain pour 2009 a été mise en place. Dans un communiqué rendu public après cette rencontre et remis aussi aux participants de la rencontre de Tanger, le MTD a appelé «tous les acteurs politiques à adhérer au processus de création de grands pôles sur la base de valeurs et programmes fédérateurs et répondant aux aspirations des citoyens, sans aucun référentiel idéologique ou d'appartenance à une famille politique donnée». Une option circule déjà, celle des listes des communes, lors des élections communales de 2009. Ces listes réuniront les candidats issus des partis composant le groupe «Authenticité et Modernité» comme le parti Al Ahd, le PED, PND… D'autres partis pourraient également se joindre à cette initiative, ou des «potentialités» qui n'appartiennent à aucune formation politique. Selon la même logique, d'autres partis, comme le RNI, le MP et l'UC, pourront rejoindre ces listes. Selon Ilias Omari, le MTD est né comme une réalité objective grâce à la rencontre de diverses volontés dans divers secteurs pour le Maroc de demain. Le MTD est appelé à militer pour un Maroc pour tous les Marocains. Le processus de rencontre avec les régions va se poursuivre jusqu'au mois de juin prochain, selon une source au MTD. Après cette date, aucune rencontre ne sera programmée. Les régions de Rabat, Casablanca, Laayoun, Khenifra et Oujda sont concernées à court terme. Pour le choix des coordinateurs, les noms de Salah El Wadie, Mohamed Cheikh Biyadillah, Khadija Rouissi circulent. Néanmoins pour la région de Tanger le choix entre Talbi Alami et Hakim Bénchemasse n'a pas été tranché. Le MTD avait déjà entamé une série de rencontres avec les partis politiques, un seul parti avait refusé de rencontrer El Himma, le PSU en l'occurrence. Au sein même du parti, cette décision avait semé la zizanie entre Mohamed Moujahid et les amis de Mohamed Sassi qui avait démissionné du bureau politique du PSU, après les élections du 7 septembre dernier. Mohamed Hafid était favorable à la rencontre, tandis que l'ancien camarade d'Ilais El Omari au sein des démocrates indépendant, Mohamed Moujahid, était contre. Dans le même élan de rencontre, il y a un mois, Fouad Ali El Himma s'était déplacé à Paris en compagnie d'Ahmed Akhchichine, de Salah El Ouadie et de Hassan Benaddi pour vendre «le Mouvement pour tous les démocrates» aux représentants des Marocains de l'hexagone. Durant toute la rencontre, les initiateurs du MTD ont essayé de convaincre l'assistance que le MTD ambitionne de participer à la modernisation de la vie politique au Maroc. Un long chemin attend El Himma devant ce projet. 3 questions à Ibrahim Sballil, Acteur associatif à Sidi Ifni «Les partis politiques ont de quoi avoir peur» La Gazette du Maroc : Vous avez participé à la rencontre d'Agadir organisée par le MTD, comme représentant de la société civile, qu'attendez-vous de ce mouvement ? Ibrahim Sballil : Oui, en effet j'ai été invité comme d'autres personnes à cette rencontre, mon objectif premier était d'écouter ce que ces gens avaient à nous dire. Quoiqu'ils nous ont invités pour la même raison (nous écouter). L'impression avec laquelle je suis sorti du débat, c'est que les partis politiques ont de quoi avoir peur de ce mouvement, vu l'élite qu'il a réussie à intégrer et la dynamique qu'il a créée. Un des points positifs que pourrait avoir ce mouvement, c'est de faire l'effet d'un catalyseur qui pousserait les partis politiques à quelques mois des échéances communales, à revoir leur stratégie. Dans le contexte actuel à Sidi Ifni Ait Baâmrane, les élections communales sous l'étiquette du MTD sont-elles une option réalisable pour vous au sein de la coordination? C'est encore trop tôt, je pense, de parler de la nature que prendrait notre participation aux communales. Un point est communément admis, c'est que nous n'avons pas le droit de laisser les gens irresponsables qui dirigent la chose locale actuellement, continuer. Ils ont nuit à la région et les communales seront pour nous l'occasion de les punir. Cependant, il n'est pas dans notre agenda d'intégrer ni le MTD, ni aucun autre parti politique d'ailleurs, d'autant que le MTD ne se déclare pas comme parti politique et qu'il n'a pas non plus décidé de la nature de sa participation aux communales. Nous avons des points communs, c'est sûr : la volonté de faire bouger les choses et bousculer un peu la vieille élite qui n'a rien fait pour la région, mais nous verrons comment on pourrait travailler sur la base d'une plate-forme commune. Dans la région de Sidi Ifni, quelles sont les différentes représentations que les acteurs locaux font du MTD ? Cela dépend de la position de chacun, pour les partisans des partis politiques ( toutes tendances comprises), c'est un nouveau FDIC, pour d'autres c'est une façon pour le «NewMakhzen» de créer une nouvelle dynamique, certains diront une nouvelle illusion. Pour moi, le MTD est là, entre la diabolisation du mouvement et l'adhésion, je préfère suivre le processus qui vient de s'entamer avec l'œil critique du sociologue.