"Volonté, patience et espoir". C'est avec ces mots que le ministre d'Etat aux affaires étrangères du Qatar, Ahmed bin Abdullah al-Mahmoud, a annoncé le maintien du rendez-vous de dimanche prochain, devant en principe réunir à Doha les représentants du gouvernement soudanais et ceux des Mouvements armés du Darfour. -Par Mohamed REDDADI- Mais en faisant cette annonce en début de semaine, le responsable qatari faisait également part aux journalistes du report sine die de l'autre rendez-vous qui devait réunir, mardi et en prélude à la conférence de dimanche, les représentants des Mouvements armés et ceux de la société civile du Darfour. Ce report d'une échéance longuement préparée, est perçu par les observateurs dans la capitale qatarie comme une illustration de plus des difficultés auxquelles la Médiation Qatar-ONU-UA ne cesse de faire face, pour poursuive sous de bonnes auspices un processus de paix mené dans les grandes règles de la concertation et du multilatéralisme. Si la référence du ministre qatari à la "patience" en dit long sur ces difficultés, qui se traduisent en particulier par des reports comme celui de mardi ou par des retards sur la concrétisation des objectifs stratégiques fixés comme l'unité et la cohésion entre acteurs du processus de paix, il n'en demeure pas moins que des progrès ont bien été enregistrés. L'hospitalité, le sens de l'écoute et la totale discrétion ont fait gagner aux Qataris la crédibilité requise pour le rôle de médiateur et à leur capitale la légitime réputation de hub pour grandes rencontres internationales. Le plus récent de ces progrès, et non des moindres, est la rencontre qui a eu lieu la semaine dernière à N'Djaména entre le négociateur soudanais Ghazi Salah Eddine, conseiller du président Omar Al-Bachir, et Khalil Ibrahim, dirigeant du Mouvement Justice et Egalité (JEM), une des plus importantes factions armées du Darfour. De l'avis de maints observateurs, ce tête à tête est en soi un événement de taille, et n'aurait pu avoir lieu sans le rapprochement de ces derniers mois entre le Tchad et le Soudan. Et, faut-il le rappeler, c'est bien à Doha que ces deux pays avaient signé, en mai dernier, une entente qui semble aujourd'hui porter ses fruits. En effet, nul n'imagine une quelconque solution au dramatique et meurtrier conflit du Darfour, si les relations entre Khartoum et N'Djaména perdurent dans l'inimitié et la malveillance. La volonté de mettre un terme au conflit du Darfour est certes celle de toute la communauté internationale, mais la diplomatie d'aujourd'hui, comme l'économie, appelle à "penser global et agir local". C'est dans ce contexte que se situe la réunion d'experts internationaux tenue lundi dernier à Doha, et au cours de laquelle la Médiation Qatar-ONU-UA, d'un côté, et les représentants des Etats membres permanents du Conseil de Sécurité, l'Union Européenne, l'OCI, la Ligue des Etats arabes et d'autres pays épris de paix et engagés dans la recherche d'une solution au Darfour, de l'autre, ont procédé à un large échange d'informations combien utile à la marche du processus. Seule la concertation menée consciencieusement et sans relâche par le burkinabé et chef médiateur ONU-UA Djibril Bassolé avec une profonde et précieuse implication du Qatar, serait en effet à même d'aider les intervenants à venir à bout d'un conflit où se mêlent à la fois de grands enjeux économiques, de lourdes rivalités ethniques, d'acerbes luttes pour le pouvoir et la volonté de vivre dans la dignité de millions d'habitants souvent pris en tenailles entre des belligérants toujours prêts à en découdre les uns avec les autres. Améliorer la situation sur le terrain, avec ses volets sécuritaire et humanitaire, autant que préserver l'intégrité territoriale du Soudan tout en garantissant une perspective de démocratie et de respect des droits de l'Homme au Darfour, sont en effet les défis que médiateurs et négociateurs se trouvent aujourd'hui dans l'obligation de relever. Mais force est de constater qu'en ne se rendant pas à la rencontre qui devait les réunir avec la société civile de leur province, les Mouvements rebelles se mettent de nouveau à marquer leur terrain, voulant s'imposer davantage, et à la veille de la conférence de dimanche prochain, comme acteurs principaux de toute négociation. Ils font ainsi cliqueter les armes sur le terrain, y compris en se combattant mutuellement, chacun cherchant à imposer son approche vis-à-vis des négociations. Ils critiquent aussi la représentativité des délégués de la société civile, et feignent de craindre des tentatives de vouloir les supplanter par ces délégués de la société civile, si ce n'est de la part de la Médiation, qui s'en garde bien, c'est de la part du gouvernement central à Khartoum. Quant à ce dernier, qui subit de fortes pressions internes et externes, il s'évertue pour sa part à montrer toute sa volonté d'aller vers des solutions, en préparant des élections générales, qu'il promet "transparentes" en avril, et en affirmant son choix de promouvoir la démocratie et les droits humains sur tout le territoire de la République du Soudan. Voir les Mouvements armés se donner un leadership et accepter enfin de s'asseoir, dimanche prochain à Doha, à la table des négociations avec les représentants du gouvernement soudanais est aujourd'hui le désir de tous notamment celui des Qataris qui, comme en témoignent les propos du ministre Al-mahmoud, préfèrent l'espoir à l'illusion, et optent pour l'optimisme contre toute résignation au fatalisme. "Le chemin sera long, il s'agit du conflit le plus compliqué du siècle", aime à dire le même ministre, avant d'assurer qu'avec le soutien de Dieu et celui de la Communauté internationale, "nous y arriverons". Autant dire une médiation laborieuse pour une paix plutôt lointaine.