Ahmed Raïssouni, président du mouvement Attawhid wal Islah "Il est évident que toute évolution et tout changement sont le fruit d'un certain nombre de cumuls et que plusieurs raisons concourent à les faire prévaloir. Lors de la séance inaugurale de l'assemblée générale du mouvement Attawhid Wal Islah, un journaliste m'a demandé comment se fait-il que notre organisation tienne sa réunion dans un espace public. Je lui ai répondu que cela s'est fait au goutte-à-goutte. Pendant des années, le mouvement Attawhid Wal Islah et les organisations qui le composent actuellement se sont attachés au respect de l'action légale et pacifique. Ils ont tenu à respecter les lois et à agir en toute légalité, mais ce sont les autorités qui ont refusé d'appliquer la loi. Et dans ce cadre, je me souviens avoir été invité au bureau de monsieur le Wali de Rabat qui voulait me faire signer un procès-verbal attestant l'illégalité de notre organisation. J'ai, bien entendu, refusé de signer ce document tout en lui rappelant que nous considérons notre mouvement tout à fait légal et conforme à 100% aux lois en vigueur. Mais malgré les obstacles érigés par les services du ministère de l'intérieur et l'attitude hostile des services de sécurité, notre mouvement a continué à travailler pacifiquement et à soutenir l'action de proximité au vu et au su de tout le monde. Nous avons également continué à poser les ponts du dialogue avec les responsables et frappé à toutes les portes pour défendre nos droits. Ce que nous avons fait, d'autres aussi l'ont fait avec d'autres méthodes. C'est ce que j'ai appelé “le goutte-à-goutte”. Il est vrai, qu'aujourd'hui, le Maroc a connu une évolution significative dans le domaine de la démocratisation et du respect des droits de l'homme. Mais cette évolution demeure très fragile puisqu'elle est conditionnée par des calculs politiciens assez bas et par la persistance du souci sécuritaire. C'est pour cela qu'il ne faut pas se leurrer en prenant en compte certaines conditions relatives à l'évolution de la mouvance islamiste. De même qu'il ne faut pas s'y limiter pour crier la victoire de la démocratie. Nous avons encore besoin de beaucoup d'efforts pour rétablir la coexistence. Nous sommes toujours obligés de poursuivre la politique des petits pas et du “goutte-à-goutte”.