D'une voiture, garée sur le bord de la route qui mène à un douar dans les environs d'El Jadida, surgissaient des cris de femme. Deux employés communaux cherchèrent à savoir. Le scénario qui a suivi dépassait l'imaginaire. La nuit couvrait le paysage du douar, où deux employés communaux venaient de terminer une rude journée de travail. Ils réinscrivaient les habitants sur les listes électorales des dernières législatives. Le ronronnement du moteur d'une voiture, conduite avec hystérie a attiré leur attention. Puis des cris de femme surgissaient de l'intérieur du véhicule. Les deux employés ont accouru et sont apparus dans le rétroviseur de la voiture, dont le chauffeur a encore appuyé sur le champignon, pour s'arrêter quelques mètres après, et jeter le corps d'une femme sur les plans de blé tendre qui apparaissaient à peine. Par terre, la femme gémissait. Elle était tout en sang, vêtements déchirés, larmes aux yeux… Elle criait encore. L'ambulance de la commune est arrivée et la femme blessée a été conduite au dispensaire pour recevoir les soins d'urgence nécessaires pour arrêter l'hémorragie, puis à l'hôpital Mohammed V. C'était Naïma. L'histoire a atterri dans les bureaux des gendarmes qui ont fait le déplacement jusqu'à l'hôpital où Naïma était incapable de prononcer mot, pour se rendre par la suite au douar, d'où ils sont revenus bredouilles. Près d'une heure après, le médecin a autorisé les gendarmes à interroger la blessée qui a repris une partie de ses forces, pour déclarer être venue à El Jadida, après avoir été répudiée par son mari. N'ayant pas de ressources, elle a loué une petite chambre dans un quartier pauvre et a commencé, chaque jour, à chercher du travail, qui est devenu une denrée rare en ces temps durs. Ce matin-là, dit-elle, elle est sortie tôt, pour se rendre aux portes des usines de la zone industrielle, lorsqu'une voiture lui a barré le chemin. Un scénario bancal Le chauffeur et son compagnon sont descendus, et l'ont forcé à prendre place dans le véhicule, sous la menace d'une arme blanche. La voiture a roulé à vive allure et fait des dizaines de kilomètres dans des directions inconnues…Naïma reprenait son souffle pour lancer des soupirs et continuer son récit devant les gendarmes. Elle a passé la journée séquestrée dans le véhicule qui ne cessait de rouler jusqu'à la nuit, jusqu'au moment où elle a aperçu un attroupement de gens sur la route et a crié de toutes ses forces, pour que le chauffeur l'éjecte. La voiture en question a été identifiée. Elle appartient à un certain Ahmed, habitant du douar en question. Les gendarmes s'y sont rendus encore une fois, à l'aube, pour coincer Ahmed chez lui. Il n'y était pas. Mais le lendemain, c'est lui-même qui s'est présenté à la gendarmerie, pour connaître le motif des recherches engagées contre lui. Il a déclaré avoir passé la journée et la soirée de la veille avec sa femme à Azemmour et à Casablanca et qu'il avait prêté sa voiture à son frère Mohamed. La femme d'Ahmed a été convoquée et a donné une version autre que celle du mari : Nous étions ensemble et la voiture n'a pas bougé de sa place. C'est Mohamed qui est allé la chercher pour que les enquêteurs découvrent des traces de sang sur la banquette et les sièges. Ahmed ne pouvait plus continuer à nier en bloc, pour dire qu'effectivement, ce soir-là, en compagnie de Mohamed, ils avaient rencontré Naïma dans un café du centre-ville d'El Jadida. La connaissant auparavant, il lui a proposé de passer la nuit avec lui au douar, surtout que sa femme était absente. Ils ont fait leurs provisions et se sont rendus à trois à la maison où Naïma s'est complètement donnée à Ahmed. Au moment où il devait la raccompagner, il lui a glissé des billets que Naïma a refusés. Elle en voulait plus et commençait à crier pour créer le scandale parmi les voisins d'Ahmed, dans le douar. Marié, celui-ci a cru bon de l'éjecter et prendre la fuite…