A la lumière du budget de l'Etat, notamment les dépenses de la caisse de compensation, et celles allouées à l'enseignement, la Banque Mondiale considère le développement durable dans le pays comme étant trop timide. Comment stimuler la croissance en harmonie avec la problématique sociale ?» Vaste programme que se sont assignés les experts invités par HEM, ce jeudi 27 mars. Il est bien de retenir un taux de croissance frôlant 6% et une maîtrise du taux d'inflation, à hauteur de 2%. Mais il faut dire que malgré les croissances quantifiées annuellement, on assiste à une répartition de richesse non équitable. La vraie question a été posée : le Marocain profite-t-il de la croissance économique ? Réponse : José Lopez Colix, une grosse pointure de la Banque Mondiale, ne s'est pas empêché d'exprimer son exclamation, devant le fait que toutes les régions du Maroc n'ont pas partagé les bénéfices considérés comme le fruit de ladite croissance : le taux d'analphabétisme est de 47% et le taux de pauvreté est disproportionné par rapport à une croissance supposée satisfaisante. A ce niveau, la question concerne directement les équilibres fondamentaux d'un système socio- économique, qui subit les conséquences de l'accumulation d'un ensemble de prises de positions et de mesures, quant à des dossiers épineux. Sous les feux, la politique budgétaire marocaine parait aux yeux des responsables internationaux chargés du développement structurel des pays en voie de développement, loin d'être un véritable instrument de distribution de richesses, et les lois de Finance sont incapables de jouer un rôle déterminant, comme levier socio-économique. Lors de son exposé, José Lopez Colix n'a pas manqué d'épingler le moindre indice d'essoufflement, pour réclamer le risque du Maroc. Ainsi, deux rubriques du budget de l'Etat marocain, ont été soulignées en rouge, du fait de la gestion défectueuse, à savoir : Les dépenses de fonctionnement et le budget alloué à l'enseignement «55% du budget de l'Etat, alloué rien que pour les dépenses de fonctionnement ! Pourquoi faire ? Pour quelle rentabilité ? Quels sont les marocains qui profitent de ces 55%». A peine son souffle repris, il s'interroge : «Et l'enveloppe budgétaire dédiée à l'enseignement et qui pèse lourd sur le budget de l'Etat ! 26% pour quel résultat ?» La déclaration du représentant de la Banque Mondiale présume parfaitement la situation socio-économique marocaine : un décor stable et serein, mais la face cachée est douloureuse. Sans doute, il y a de la matière grise au Maroc, mais le principal bémol est que cette matière n'est pas exploitée pour un développement durable qui est loin de s'inscrire dans une logique de pérennité. Quelles sont donc les solutions proposées et les actions pouvant être menées, afin que le Maroc soit sur les rails de développement socio-économique d'ordre structurel et pérenne. C'est dans ce sens, que Hassan Abou Ayoub, Ambassadeur itinérant fit son intervention, pour affirmer qu'au moment du débat sur la bonne gouvernance, le Maroc subit les conséquences de certaines gestions défectueuses. Pour obtenir les meilleurs résultats, rien de tel qu'une forte alliance Etat-privé-société. Cette relation tripartite sera le garant d'une bonne gouvernance, elle est même la condition sine qua non pour mettre en place des systèmes productifs locaux, et par là même, un développement intégré. Révision du système d'allocation Au-delà du déséquilibre dans les comptes, Hassan Abou Ayoub, a remis en question le rôle, la mission et les prérogatives de la caisse de compensation. Ce vieux débat surgit et la révision du système d'allocation de la caisse de compensation, est encore une fois devant la scène. Faut-il ou pas supprimer la caisse de compensation ? Ce n'est pas la première fois que le problème de subvention est soulevé. Quand une rubrique budgétaire, réduite à une simple passation d'écriture comptable, engrange le gros du budget de l'Etat, sans pouvoir toucher à sa raison d'être, à savoir le maintien et le soutien du pouvoir d'achat du marocain pauvre, les dépenses compensatoires ne peuvent qu'interpeller toute personne responsable. D'après l'ambassadeur itinérant, la caisse de compensation est fortement souhaitée, dans le sens où elle peut accomplir sa mission noble de soutien réel du pouvoir d'achat. Mais du fait que rien de concret n'est réalisé sous cet angle, cette caisse qui engloutit presque 36 milliards de dollars du budget de l'Etat, doit être repensée, quant à son allocation. Comme il a rappelé, qu'il y a déjà plus de 7 ans qu'une délégation marocaine dont il a été membre, ayant représenté le Maroc à Washington, a suggéré la suppression de la caisse de compensation et proposé des aides directes aux marocains pauvres, via un chèque de main à main et en fonction d'un système d'informations adéquat, pouvant présélectionner la tranche des pauvres, méritant l'aide directe. Investissement productif D'après Hassan Abouayoub, une telle opération ne nécessite guère la mobilisation d'une dépense budgétaire qui caresse 36 milliards de dollars, mais 7 milliards sont largement suffisants. Le différentiel budgétaire pourrait être drainé par l'Etat entrepreneur vers l'investissement en infrastructure, base de tout investissement productif. Bref, la caisse de compensation doit constituer une source de financement des grands projets de l'Etat et donc accompagner l'activité économique par la poursuite des chantiers déjà initiés dans le domaine des ports, des aéroports, des réseaux de transports terrestre et ferroviaire et des structures d'accueil pour les investissements industriels et touristiques. Cette déclaration a été corroborée par l'intervention de Mohamed Berrada, professeur universitaire en Economie et Finance et ex-ministre des Finances. Il est vrai que la caisse de compensation n'est plus un sujet tabou, mais est-elle correctement traitée ? Les nouvelles règles de l'économie mondiale abolissent toute notion de protectionnisme et limitent l'intervention de l'Etat dans l'imposition des prix. La politique des subventions va à l'encontre de l'esprit de libéralisation des prix et de l'encouragement de la concurrence loyale. Il est temps de reconvertir le rôle assigné à la caisse de compensation. Rien ne mènera le marocain à vivre mieux qu'un système de production compétitif intégré et donc à forte valeur ajoutée. C'est l'implication du marocain dans la production qui lui donnera droit à une part de la richesse. Cette part prendra de l'ampleur, avec l'accroissement de la richesse nationale. Rappelons le fondement de la théorie économique : Il n'y a pas de richesse sans Homme. L'ère est donc à l'économie «cognitive». L'intervention de Mohamed Berrada a fait monter le ton du débat. Il ne faut pas remettre en cause le seul système d'enseignement. Il semble que la responsabilité de plusieurs acteurs se trouve impliquée. Pour conformer les dires de Hassan Abou Ayoub, il s'agit de remettre en question la relation tripartite l'Etat- privé-société. Sans aucun doute, notre université marocaine produit des éléments brillants, voire même des cerveaux, mais il faut se poser la question : quelle est la part du tissu économique dans cet état de fait ? Si l'argentier de l'Etat, Salah-Eddine Mezouar, a déclaré qu'il poursuivra le programme de formation pour 15 000 ingénieurs, 30 000 médecins… nous sommes en droit de nous poser la question : pour quel tissu productif ? Il est clair que la formation ne peut qu'être asphyxiée, en l'absence d'un tissu de production créatif, pouvant mobiliser les forces de celles et ceux formés. Faute d'un système productif, les dépenses en formation ne sont-elles pas un gaspillage pour le budget de l'Etat ? Combien sont les marocains, ayant un savoir compétitif renforcé par un sentiment de marocanité, qui prennent la fuite, faute d'un tissu entrepreneurial qui est loin de s'aligner avec une intelligence de compétitivité interstitielle, fondée sur la politique de niche. L'exemple du secteur aérospatial est significatif. N'est- il pas temps de travailler sous des labels mobilisant les forces novatrices et innovatrices. Il parait que ce n'est pas le savoir qui est en faillite, mais le système productif qui est en gestion défaillante. Ce système est appelé à revoir sa politique concurrentielle, en pointant du doit l'avantage comparatif et donc compétitif. Dans son mot de la fin, Hassan Abou Ayoub confirme qu'une croissance économique, n'ayant pas comme fin le bien être de l'humain, ne peut être que trompeuse. Et le Maroc parait aujourd'hui avoir tous les atouts pour asseoir une croissance durable dans le temps et dans l'espace. A ce niveau l'ambassadeur itinérant insiste sur le rôle des parlementaires et confirme qu'avec le niveau actuel de nos parlementaires, on ne peut aboutir à grand-chose. Hassan Abou Ayoub déclare, tout en assumant ses dires, qu'il faut rehausser le niveau de l'élite parlementaire, qu'il juge médiocre. Enseignement L'économie du savoir Tous les intervenants l'ont confirmé, le facteur humain constitue un élément déterminant dans la course à la compétitivité et donc à la croissance durable. Face à cette vérité, le représentant de la Banque Mondiale n'a pas pu dissimuler sa réaction exprimant la perplexité, du fait que le système d'enseignement au Maroc, engloutit 26 milliards de dollars pour des piètres résultats. Oui, le tiers du PIB marocain s'évapore à cause d'une école, un collège, un lycée et une université, jugés en faillite. Un point noir a été soulevé : la discordance entre la formation et les impératifs d'une croissance économique. Déjà, l'absence d'un lien entre l'université et le monde des affaires, et plus particulièrement industriel, atteste le blocage d'une économie compétitive et différenciée et la non-conformité du capital humain aux besoins d'une croissance, bâtie sur l'innovation. Au moment où 70% du budgets des universités américaines proviennent des grosses entreprises privées, et la région et l'entreprise contribuent à hauteur de 45% au financement des universités françaises, le Maroc demeure loin de ce modèle de financement. Pis encore, la relation Université-Entreprise, échappe à toute disposition réglementaire.