Depuis de nombreuses années, le chanteur-compositeur Ahmed El Gharbaoui souffre d'une maladie chronique l'ayant contraint à rester chez lui et rompre, à contre-coeur, avec le domaine artistique. Dans cette pénible épreuve qu'il traverse dignement et sans jamais se plaindre, El Gharbaoui est, hélas, parvenu à situer le sens de la véritable amitié et de la sincère confraternité. Lui qui était tellement entouré et très sollicité, se retrouve aujourd'hui abandonné de (presque) tous et livré à un sort auquel il ne s'attendait nullement... Mais le monde est ainsi fait et il faut, tant bien que mal, s'y habituer Bref, sans sombrer dans le pessimisme, passons à l'entretien qu'il nous a accordé entre deux prises de médicaments que nécessite régulièrement son état de santé. La Gazette du Maroc : Tout d'abord, un mot sur votre état de santé. El Gharbaoui : ça s'améliore petit à petit, “lhamdou lillah”. Êtes-vous révolté par le comportement indifférent de certains de vos “amis” artistes alors que vous traversez cette cruelle épreuve ? Vous savez tout passe, les mauvais comme les bons moments. Personnellement, je ne tiens pas rigueur à ceux qui m'ont ignoré. Peut-être qu'ils ont leurs raisons… Il faut toujours savoir pardonner. Même à ceux que vous aviez toujours pris pour de bons et loyaux amis ? Oui ! On ne doit jamais accabler les gens. L'être humain est trop faible. Il en est de même pour son comportement face à différentes circonstances. Quoi qu'il en soit, les maladies, tout comme les mauvais moments passent. Seuls demeurent les bons comportements. Maintenant, une question un peu plus gaie afin de mettre fin à ce douloureux chapitre. El Gharbaoui, est-il un mordu des programmes de la télévision? Je n'irai pas jusqu'à dire “mordu”, mais j'aime bien m'instruire en regardant la télévision. Cela signifie-t-il que vous opérez un choix dans tout ce que vous regardez ? Effectivement. Je suis intraîtable là-dessus. Je choisis minutieusement ce que j'ai l'intention de voir. Cela doit ajouter quelque chose à mes connaissances. Sinon... Sinon, quoi ? Sinon, je me rabats sur la lecture de tout ce qui me tombe sous la main ; livres, journaux, revues. L'essentiel est de passer un moment agréable. Sur un tout autre chapitre, êtes-vous aujourd'hui aussi ouvert à la critique qu'au début de votre carrière, même en étant un peu éloigné du domaine artistique ? Bien évidemment que j'étais et je demeure toujours ouvert à la critique. Que ce soit en ce qui concerne l'art ou la vie d'une manière générale. Et ceux qui se croient au-dessus de la critique, sont simplement prétentieux. Ils ne s'améliorent jamais, ne font aucun progrès dans la vie. Si vous n'êtiez pas chanteur, pour quelles autres disciplines artistiques (par ordre de préférence) votre cœur aurait-il balancé ? Chanteur, chanteur ou bien chanteur ! A propos de choix, entre la Première et la Deuxième chaîne, avez-vous une quelconque préférence ? Aucune ! Dans cette quête de ce qui vous intéresse, les chaînes satellitaires arabes ont-elles une petite place dans votre programme ? Bien sûr, comme tout le monde. Nos deux chaînes nationales vous rendent-elles vraiment justice en programmant vos chansons comme il se doit ? (Un long silence, suivi d'un aussi long soupir). Je n'ai pas à me prononcer à ce sujet. “El Oula” et la “Deux” font ce qu'elles peuvent, selon les moyens dont elles disposent. Voilà tout ! Maintenant, parlons un peu argent. Qu'auriez-vous fait en premier si vous deveniez subitement milliardaire ? J'aurai crée une chaîne de télévision consacrée uniquement à la chanson marocaine. (rires) Argent toujours; si quelqu'un qui vous a fait beaucoup de mal par le passé sollicite votre aide (matérielle) aujourd'hui, répondrez-vous sans hésiter à son appel de détresse ? Sans la moindre hésitation. Devant le malheur de quelqu'un, on doit pratiquement oublier son mauvais comportement dans le passé. C'est une question de bonne conscience. A propos de conscience, que pensez-vous de ceux qui bâclent le travail qu'on leur confie; qu'ils soient artistes, fonctionnaires ou autres ? Ce sont des gens de mauvaise foi. Ils ne sont pas dignes de respect. Pardonnez-vous facilement aujourd'hui à ceux qui ont un jour dit du mal de certaines de vos chansons ? Mieux encore, je leur pardonne avec beaucoup de facilité. Les gens qui critiquent toujours, on doit les comprendre toujours... Ces derniers temps, on a organisé un peu partout des Soirées en Hommage à Ahmed El Gharbaoui, un mot à ce sujet ? D'abord, je remercie du fond du coeur tous ceux qui songent à honorer l'artiste marocain, tout comme l'écrivain d'ailleurs. C'est une bonne pratique, une reconnaissance méritée pour un effort fourni, des sacrifices consentis. Mais que ceci ne se transforme pas en moyen de propagande pour ceux qui organisent de tels événements. Qu'on se mette bien cette réalité en tête : le créateur marocain a surtout besoin d'un hommage matériel, compte-tenu de l'état de besoin, voire de pauvreté, dans lequel il vit. Un hommage moral, quelle que soit sa sincérité, ne peut en aucune manière le nourrir... Pour terminer, dites-nous quel est votre plus grand défaut ? C'est d'être naïf dans mes relations avec certaines gens qui prennent ma gentillesse pour de la faiblesse ! Et quelle est votre plus belle qualité ? J'ai vraiment horreur de la rancune. Quoiqu'il m'arrive, je pardonne toujours. Dans un monde où il y a trop de méchants, il faut savoir se montrer bon pour que cette petite lumière de générosité éclaire toujours le monde.