La loi 16-99 prépare le secteur à la libéralisation en mars 2003. Trop de zones d'ombre pour se mettre à niveau restent non résolues à quelques mois de cet échéancier. Ce que l'Etat n'a pas fait pendant trois années de période transitoire, peut-il le faire encore pour réussir l'ouverture du secteur ? Les professionnels et les dirigeants de la Fédération nationale des transports routiers restent dubitatifs. Le secteur du transport routier des marchandises serait-il en train de jouer son va-tout ? Il est permis de le penser eu égard aux différentes sorties des professionnels et à l'amoncellement des difficultés qu'il vit aujourd'hui. Si, pour le législateur secourir ce créneau stratégique passe inéluctablement par la libéralisation en mars 2003, tel n'est pas l'avis des professionnels et des dirigeants de la Fédération nationale du transport routier. Pour ces derniers, le Maroc est loin d'être dans les conditions idoines pour une telle ouverture. Nonobstant les remontrances, un nouveau dispositif réglementaire dans le secteur du transport routier sera mis en place. Cette loi a été ratifiée par le législateur en novembre1999 et il lui a donné une période transitoire de trois années avant sa mise en vigueur. En principe, elle devrait signifier quelque chose dans la mise à niveau de ce secteur ô combien stratégique dans le développement du Maroc. Autrement dit, c'est la date qui correspondrait à la restructuration de tous les opérateurs dont l'Office national du transport (ONT) et le ministère. C'est aussi un temps où il fallait mettre les verrous, assainir les mécanismes de contrôle, etc. “Rien de tout cela n'a vu le jour. Pis encore, même les décrets et les arrêtés d'application qui sont pourtant censés garantir l'applicabilité du nouveau dispositif réglementaire qui se met en place, ne sont pas encore une réalité”, affirme avec amertume le secrétaire général de la Fédération nationale des transporteurs routiers de marchandises Abdelilah Hifdi. Dans ces conditions est-on en droit de libéraliser un secteur aussi porteur parce que certaines institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international) et l'Union européenne l'auraient demandé ? Ou bien faut-il voir où se situe l'intérêt du pays ? En tout cas, pour les professionnels et les dirigeants de l'Office national du transport, la situation est loin d'être mûre pour une libéralisation. Et ce ne sont pas les arguments qui manquent. “Cela encourage l'absence d'une flotte nationale TIR capable de faire le transport international et de prendre 50 % du fret généré par le parc local. Plus de 90 % de nos échanges sont faits par des pavillons étrangers ; et en ce qui concerne le TIR, la flotte marocaine n'en traite que 5 %, les 95 % étant réalisés par des transporteurs étrangers”. Les autres carences qui frappent le secteur sont, entre autres, la formation professionnelle. À ce niveau, il y a vraiment urgence concernant les chauffeurs marocains. Ils sont accusés de ne pas respecter le code de la route. Quant aux petits camions, ils sont loin de répondre aux normes internationales. À cet égard, parmi ces véhicules de transport, beaucoup d'entre eux sont bons pour la ferraille, justement à cause des problèmes qui ne cessent de se poser avec acuité comme les accidents, la pollution et le manque à gagner pour l'Etat et les concessionnaires (beaucoup de camions ont plus de 20, 30 ans d'âge et continuent de circuler). De plus, pour la mise en œuvre de la loi 16-99, ne faut-il pas d'abord combattre l'informel dans le transport routier des marchandises? Cette activité non réglementée dépasse largement le secteur structuré avec 70 % de parts de marché. Sans compter que le permis de circuler pour le compte d'autrui est devenu légion dans la profession (voir encadré titre III, article 11), la spirale baissière des tarifs ou les accidents de la circulation qui sont le corollaire de la surcharge technique … À voir ce chapelet de problèmes et de difficultés, le secteur du transport routier des marchandises est encore loin d'une concurrence loyale dans laquelle il pourrait tenir la dragée haute aux grands transporteurs internationaux, européens notamment. Libéralisation à tout prix “Le Maroc s'est inscrit dans une dynamique de libéralisation totale du secteur des transports”. Cette déclaration faite en 2001 par le secrétaire général du ministère du transport et de la marine marchande, Mohamed Mergaoui, était alors sans équivoque quant à l'avenir du transport routier. Mais en optant pour la voie de la libéralisation à tout prix, le législateur s'est-il demandé ce qu'il qu'adviendra de la profession des transporteurs routiers ? Certainement non si on s'en tient aux revendications des concernés à savoir les professionnels. Pour ceux-ci, le secteur est tellement atomisé qu'il faut lui apporter des solutions urgentes pour l'aider à s'organiser d'abord avant de parler d'une ouverture totale. Sinon, c'est mettre la charrue devant les bœufs ! Ceci d'un côté. De l'autre, près de 80 % des véhicules du secteur des transports routiers sont constitués de camions de 5 tonnes qui n'obéissent pas à l'obligation de l'agrément et travaillent dans l'informel. D'ailleurs, à ce niveau, il est dit que d'importantes mesures ont été prises. Ainsi, 2003 verra la disparition pure et simple du système des agréments et l'accès à la profession sera libre. Cette libéralisation aura pour corollaire la régulation. Pour Mohamed Mergaoui la profession sera organisée et l'Etat jouera pleinement son rôle de contrôleur tout en axant son action sur la formation. Mais ce qui n'a pas été dit dans ce cadre c'est de savoir comment rendre les transporteurs nationaux compétitifs dans une libéralisation où ils doivent tout apprendre pour se mettre au niveau des concurrents étrangers. Et surtout si ces derniers, notamment européens, obtiennent dans leur pays respectif, d'énormes subventions dont ne bénéficient pas leurs homologues marocains. Il faut beaucoup de punch de la part de l'Etat pour pouvoir réussir ce défi. Il est loin d'être gagné d'avance. En tout cas, la quasi totalité des professionnels abonde dans ce sens. Extrait de la loi 16-99 Titre III : Transport de marchandises transport pour le compte d'autrui Article11 : toute personne physique ou morale qui veut exploiter un service de transport de marchandises pour compte d'autrui toutes directions aux niveaux national ou international ou un service urbain, au moyen de véhicules automobiles d'un poids total autorisé en charge supérieur à 3.500 kilogrammes, ou exploiter un service de commissionnaire de transport de marchandises ou loueur de véhicules affectés à ces transports, doit : a) Être de nationalité marocaine ; b) Être âgé de 20 ans au moins ; c) Satisfaire aux conditions d'accès à la profession de transporteur, de commissionnaire ou de loueur de véhicules de transports de marchandises, pouvant porter sur l'honorabilité, la capacité financière et l'aptitude professionnelle ; d) Etre inscrit au registre spécial de la profession, tenu à cet effet par l'autorité gouvernementale chargée des transports. À ce titre, toute personne ayant satisfait aux conditions d'accès à l'une des trois professions précitées doit, dans les deux mois qui suivent la notification de la décision d'acceptation, justifier auprès de l'autorité gouvernementale chargée des transports de son inscription au registre de commerce et à la patente. À défaut de cette formalité, la décision d'acceptation peut être annulée. La radiation de l'inscription du transporteur de marchandises pour compte d'autrui, du commissionnaire de transport de marchandises ou du loueur de véhicules de transport de marchandises du registre spécial à chaque profession est prononcée si l'une des conditions de cette inscription n'est plus remplie. Les modalités d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. Article 11 bis : pour la mise en circulation des véhicules de transports de marchandises pour compte d'autrui, le transporteur doit faire, auprès de l'autorité gouvernementale chargée des transports, une déclaration précisant la mise en circulation ou le retrait de chaque véhicule.