Les deux belligérants, la majorité du 14 mars comme l'opposition du 8 mars sont arrivés au bout de leurs manœuvres politiciennes. Ils n'ont jamais été aussi coincés comme ils le sont aujourd'hui. Notamment, après le 11ème report de l'élection du président de la République, et la commémoration, jeudi dernier, de la cérémonie relative à la disparition de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Pour mobiliser les masses, dans l'objectif de battre le record du million que l'opposition -plus particulièrement le Hezbollah- atteint chaque fois qu'elle fête une occasion religieuse ou de confrontation avec Israël, le chef de file de la majorité, Saâd Hariri a été obligé de hausser le ton, menacer ses adversaires qui, selon lui, sabotent les efforts de la Ligue Arabe… et, jouent le jeu de l'axe syro-iranien. Hariri fils s'est cette fois approché de la ligne rouge, en affirmant qu'il était prêt à descendre dans la rue s'il était obligé de le faire. C'est-à-dire, une confrontation entre sunnites et chiites. Quoi qu'il en soit, selon les analystes politiques objectifs à Beyrouth, le discours menaçant du chef du Bloc Al-Moustakbal, est plutôt défensif malgré les quelques phrases de surenchères et de démonstration de force. Sâad Hariri qui, je présume, est conscient des rapports de force avec le Hezbollah, notamment dans la capitale libanaise, ne veut, en aucun cas, payer seul le prix d'une confrontation sunnite-chiite, dont les conséquences seraient sans doute dramatiques. Le deuxième fait marquant dans cette vague de tension, est venu du leader druze, Walid Joumblat. Ce dernier a dépassé les bornes en déclarant dans une conférence de presse, dimanche dernier, que la majorité est prête à faire une guerre qui ravagera tout. Il attaqua le Hezbollah, l'axe syro-iranien. La diatribe de Joumblat, encore moins sa colère, n'a convaincu personne. Ce qui a incité Hariri à calmer le jeu. Car, l'essentiel pour lui, consiste à réussir la cérémonie de commémoration de la disparition de son père. Et, rassembler plus d'un million de partisans et sympathisants. Surtout que la tenue de la première séance du Tribunal international qui doit juger les présumés coupables de l'assassinat de Rafic Hariri, doit démarrer très prochainement. Face à cette tension, le Hezbollah, principal visé du fait de sa force exceptionnelle aussi bien populaire que militaire, a réagi calmement, en appelant à l'entente nationale. Ce, pour éviter l'explosion. Sur le chemin, les dirigeants du Hezbollah, à part son Secrétaire général, cheikh Hassan Nasrallah, qui s'est abstenu de tout commentaire, se sont interrogés sur le fait que la majorité ne s'est attaquée qu'à la Syrie et l'Iran, préservant Israël et les Etats-Unis qui empêchent toute entente. A Beyrouth, où l'on croit toujours à une issue arabe, on laisse cependant entendre que les «2 S» (la Syrie et l'Arabie Saoudite) sont les responsables du report de l'élection du nouveau président et, par là, de la tension qui vient d'atteindre son apogée à la veille de la commémoration de la disparition de Rafic Hariri. Dans cette foulée, les Syriens, qui en même temps occupent, d'après la majorité, la première place des accusés de déstabiliser le pays du Cèdre, font profil bas. Ils ne répondent guère aux provocations, insultant parfois leur chef d'Etat, Bachar al-Assad. Comme c'est le cas avec Walid Joumblat. Damas n'a pas besoin de se «mouiller» directement. Ses alliés libanais le font à sa place, arrivant à tout bloquer. L'essentiel maintenant pour la Syrie, c'est d'assurer le succès du prochain sommet arabe qui se tiendra sur son territoire le 20 mars 2008. Toutefois, ce «sang froid» de la part du régime syrien, ne fait qu'irriter ses contestataires libanais, les rendant plus fragiles, moins objectifs pouvant les pousser à commettre des erreurs irréparables. L'opposition veut que la majorité tombe dans le piège, tue ses partisans et sympathisants comme cela a été le cas, il y a un peu plus de quinze jours, lorsque des officiers de l'armée ont tiré sur des manifestants civils mobilisés contre la coupure de l'électricité dans la banlieue Sud de la capitale. Et, comme par hasard, ils appartenaient au Mouvement Chiite Amal et au Hezbollah chiite. A Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ne cache pas que le cas libanais est devenu. Il va même jusqu'à rendre les deux parties responsables de cette situation qui ne tardera pas à exploser dans les prochaines semaines voire les prochains jours. C'est aussi l'avis de l'émissaire russe dans la région, qui a fini par conseiller les leadership de la majorité libanaise, d'éviter de provoquer la Syrie. En tout état de cause, force est de constater que les récentes menaces en provenance du chef druze, Walid Joumblat, ne sont intervenues qu'après les visites successives de ce dernier à Washington et à Riyad. Constatation rejetée par lui. Le grand meeting du jeudi 14 mars à Beyrouth donnera les réponses adéquates.