Lundi matin 8h15, le bus n°900 devant l'Université de Mohammedia est déjà bondé. On attend donc le suivant, quelques minutes plus tard. Même chose. Mais l'heure c'est l'heure, faut y aller. Foule compactée à la va-comme-j'te-pousse. Faut jouer des coudes à chaque arrêt le long de l'avenue Hassan II pour laisser monter les moins chanceux… Le préposé aux billets a bien du mal à se frayer un passage entre les gens qui commencent ainsi une journée dans des conditions plutôt médiocres. A quand un responsable intelligent de la compagnie pour augmenter le nombre de bus aux heures de pointe ? Grand coup de coude dans le dos. Merci au préposé tout dépenaillé dans son bel uniforme-costume tout neuf. Trop fatigué déjà pour râler. Le jeune homme devant, lui, a plus de «frite». Il n'apprécie pas le coup de stylo derrière l'oreille, ni la phrase dudit préposé pour se livrer un passage. Il répond calmement, mais fermement. Le préposé hausse le ton. L'étudiant répond… C'est parti ! Une altercation entre deux hommes qui aurait dû s'arrêter là avec les excuses du préposé. Mais non, le préposé hurle, insulte, tente de frapper le jeune homme qui, bien entendu, ne se laisse pas faire. Les voyageurs les plus proches s'en mêlent et tentent de calmer le jeu. Le bus s'arrête. La porte arrière s'ouvre pour laisser s'échapper le préposé qui regagne le devant du bus. On va repartir. Hé bien non, pour punir les voyageurs sans doute, le chauffeur, solidaire de son collègue, ne démarre pas. Hurlements de la foule qui commence à s'échauffer. Jusque-là les dames, en nombre dans les voyageurs, n'avaient pas pris part à l'escarmouche, mais maintenant elles donnent, elles aussi, de la voix. Le temps passe et on n'a pas que ça à faire, non mais… Le bus repartant finalement sous les quolibets, les voyageurs se calment, mais si au début tout le monde était plutôt endormi, maintenant, chacun y va de son commentaire. La compagnie de bus en prend pour son grade. Un monsieur veut descendre. Vu le nombre de personnes entre lui et la sortie avant, il tape avec une clé sur le montant pour signifier au chauffeur de s'arrêter. Que nenni. C'est qui, qui commande, non mais des fois ! Le bus roule imperturbable. Le monsieur s'énerve et traite de tous les noms d'oiseaux le chauffeur, le préposé, et la compagnie. Entre temps, comme le respect de la limitation de vitesse n'est pas vraiment le fort des chauffeurs de bus de cette ligne, il file à toute allure. D'autres personnes veulent descendre. Quelle idée : descendre à un arrêt de bus?? Cette fois la colère gronde et les plus près de la porte ont grande envie de tout casser et joignent le geste à la parole. La porte se ramasse de grands coups de pieds, mais elle tient le coup. On arrive à l'entrée de Aïn Sbaâ. Le bus, soudain, tourne sur sa gauche au carrefour central de la ville. Hurlements des voyageurs. On s'arrête devant le poste de police de la place. Le préposé sort comme un forcené et se précipite en hurlant dans le petit bureau où somnolait encore un agent de police, très vite dépassé par les événements. Le chauffeur est pris à partie par des dames qui sont maintenant en retard pour prendre leur poste à l'usine. Un monsieur très bien mis, calme jusque-là manque de casser son cartable sur la tête du chauffeur. Tout le bus est descendu pour prendre part à la bagarre verbale générale. Comment le policier, plus tout jeune, a-t-il réussi à tenir cette foule déchaînée sans que cela ne dégénère ? Mystère. Mais ça marche. Il réussit à faire remonter tout le monde dans le bus. On repart. Le préposé est dépité, le chauffeur se venge sur le compteur. On rattrape (presque) le temps perdu. Prochain arrêt. Les voyageurs comme un seul homme retiennent leur souffle. Le bus va-t-il s'arrêter ? Ben oui, il s'arrête et laisse descendre. On arrive sans plus d'encombre à bon port. Après plus d'une heure de trajet ! Voyage ordinaire ? Pas vraiment. Les gens en auraient-ils marre de se faire traiter comme du bétail par les transporteurs publics ? Il semble que oui?!