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MOHAMED EL BOUÂANANI : «C'est une horreur pour moi d'entendre des mots vulgaires de la bouche de gens que je respecte !»
Publié dans La Gazette du Maroc le 26 - 01 - 2008

Figure emblématique de la télévision depuis les années soixante, Mohamed El Bouâanani a été le premier à introduire l'art de l'humour dans la boîte à images à travers une émission conçue en 1965 en compilicité avec Mehdi Zeryouh et Med Hassan El Joundi. Parmi ses autres émissions les plus célèbres à la télé, il y a lieu de citer les fameuses “Khamiss el hadh” et “El mafatih essebâa”. Pour la radio, il a conçu aussi de nombreux programmes dont “Al âalam yadhak” et toute une série dédiée à la mer et à la pêche. Bouâanani a pris “officiellement” sa retraite en 1989. Son montant, il n'ose même pas en parler ! Néanmoins, il n'est pas resté les bras croisés ! Il continue à être présent, en tant que collaborateur externe, sur les ondes et dans les Soirées publiques. Cédons-lui la parole
L.G.M : Tout d'abord, y a-t-il une raison bien précise à votre longue éclipse de la scène qui s'est trop étalée dans le temps????
Mohamed El Bouâanani : Cette disparition est dûe principalement aux conditions dans lesquelles la RTM préparait le terrain, une fois transformée en Société Nationale de la Radio et de la Télévision.
Votre retour a donc été dans quel programme ?
Une série de 30 épisodes afin de faire connaître les mystères de la mer, intitulée “laou yahki el bahr” présentée l'année dernière.
Ne croyez-vous pas qu'à force d'attendre trop longtemps, on risque d'être oublié de son public ?
Je ne le crois pas. Mon public je le rencontre chaque jour dans les avenues de la capitale et dans celles d'autres villes que je visite.
On vous connaît assez intelligent et assez rusé (excusez le terme), Etes-vous du genre qu'on fait rire facilement ?
Vous savez, l'homme qui rit avec facilité, est celui-là même qui pleure avec la même facilité. Et, «el hem idahhak» était le titre de l'une de mes émissions hebdomadaires présentées durant plusieurs années.
Un petit mot sur la dignité qui commence à se perdre malheureusement de nos jours ?
Dans le domaine où j'ai le plus de relations (communication, littérature, art) la dignité n'est plus, hélas, ce qu'elle était. Ce qui fait que toutes les cartes sont mélangées maintenant. Et une certaine “démagogie” a cédé la place à la véritable création.
Toujours à propos de dignité, s'il vous arrive d'entendre des mots grossiers dans la rue, quelle attitude adopteriez-vous ?
Jeune, je ne supportais pas d'entendre des mots égratignant le respect et la dignité. C'était une horreur pour moi. A notre époque où cela est devenu chez certains presque monnaie-courante, je ferme les oreilles suivant le verset du saint Coran qui dit: “oua ida khatabahoum el jahiloune kalou salamane”.
Supposons que vous devenez subitement milliardaire, quelles seraient vos premières mesures à prendre ?
Cette question me fait rire ! Mais, je suis l'un des plus riches au monde avec le peu que j'aie ! Le matériel ne m'intéresse pas. Et comme a dit notre Prophète que le salut soit sur lui : “El Ghina houa ghina ennafss”. Et rien d'autre.
Tant que l'on parle de moyens matériels franchement, votre (vraie) situation vous permet-elle de joindre les deux bouts ?
En toute franchise, si je n'avais pas vendu ce dont j'avais hérité et sans l'aide précieuse de mon épouse je ne serais pas capable de mettre le nez dehors ! Tout ce que je gagnais le soir, je le dépensais le jour...
On sait de vous que malgré les hauts et les bas de la vie, vous demeurez toujours un homme très digne et généreux et vous ne refusez jamais de rendre service.
Et vous, ne vous arrive-t-il pas d'avoir besoin d'autrui ?
Ce que vous avez dit est vrai.
Je demande toujours à Dieu de me donner à moi pour que je puisse donner aux autres. Et quand je n'ai rien, je trouve quelques amis sincères prêts à me prêter même des millions et sans aucune garantie, parce que je les rembourse... même avec un petit retard.
Avez-vous beaucoup d'amis, de vrais, parmi vos confrères les journalistes et les artistes ?
Les confrères et les proches sincères, j'en ai beaucoup dieu merci. Quant aux véritables amis, mes enfants les verront un jour après mon départ ! J'ai été à maintes reprises déçu par certaines amitiés...
Bouâanani est-il du genre nerveux, qui se laisse emporter facilement. Si oui, lui arrive-t-il de le regretter par la suite ?
Effectivement, je suis très nerveux même ! J'explose facilement... mais je reviens toujours pour m'excuser, même si je ne suis pas fautif. Néanmoins, ce que je ne tolère nullement, ce sont la bassesse et l'hypocrisie. Là, je deviens intraîtable.
Vous vous excusez même lorsqu'on a cherché à vous priver d'un droit légitime ?
Malheureusement, oui ! Car, Il m'a été arraché. Alors, j'explose, et je pardonne après. Je laisse chacun face à sa conscience.
Que signifie pour vous ces trois termes : la Solitude, Le Bonheur, la Rancune ?
La Solitude : assassine. Le Bonheur : il se réalise avec le repos de la conscience et l'existence d'une personne qui le partage avec vous. La Rancune : une arme tranchante à même de blesser celui qui l'utilise.
En tant que personnage connu, donnez-vous une certaine importance au côté vestimentaire ?
Le meilleur habit, c'est l'honneur et la propreté du corps et de l'âme.
Etes-vous le genre de personnage qui fait les cent pas sur le boulevard pour “voir de plus près” son public ?
Je suis souvent dans la rue, mais pas pour “m'exposer”. Je me mélange aux gens parce que je les aime et je les respecte.
Depuis presque cinquante ans que vous êtes sur scène, quel est votre plus mauvais souvenir?
C'est le jour où le directeur m'a convoqué dans son bureau pour m'annoncer l'arrêt de mon émission satirique “El âalem yad'hak”...
Etes-vous un bon cuisinier ? Si oui, quel est le plat que vous aimez préparer. Si non, quel est celui, préparé par les autres, que vous aimez déguster ?
Oui ! Je suis mieux que mon ami Bargach et Choumicha réunis ! (rires). Mais, j'excelle dans la préparation des plats de poisson. Je concurrence ma femme dans ce domaine.
Loin du poisson et de la cuisine, avez-vous un mot à souffler à l'oreille de ceux qui n'aiment pas ce que vous faites ?
Je leur demande de faire “au moins ce que je fais”. Je ne dirai pas “mieux” ! Il faut savoir que dans ce monde, personne n'est parfait. C'est tout.
Avant-dernière question, trouvez-vous que nos deux chaînes s'acquittent convenablement de leur devoir vis-à-vis des artistes de l'ancienne génération ?
Seule la 1ère était et reste le refuge des anciens. Quant à la 2ème, elle commence à l'imiter, non dans le fond, mais afin d'éviter les critiques...
Pour clore cet entretien, cela ne vous dérange pas qu'on aborde le sujet concernant votre pension de retraite ?
Alors, là... vous me mettez dans l'embarras???! Tout ce que j'ai à vous dire, c'est que son montant est tellement dérisoire que j'éprouve toutes les hontes du monde à en parler...


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