La Gazette du Maroc : Quels sont les champs d'intervention réels de la Police Judiciaire ? Choukri Omar : Au niveau national, la Direction de la Police Judiciaire, est investie d'une mission d'orientation, de coordination et d'animation de l'activité de ses services sédentaires et de celle de ses services extérieurs (ou services actifs) représentés par les services préfectoraux, provinciaux ou régionaux de Police Judiciaire dont elle assure le suivi. Légalement, le travail de la police judiciaire tire ses fondements du code de procédure pénale. En clair, il s'agit pour ce département de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et de rechercher les auteurs. Enfin d'exécuter les délégations des juridictions d'instructions (commissions rogatoires) et déférer à leurs réquisitions. Selon les articles 16 à 18 du code pénal, toutes ces actions sont exercées sous la direction et le contrôle des autorités judiciaires. On sait que le renseignement et l'information permettent d'assurer l'information des autorités gouvernementales, de déceler mais également de prévenir, toute menace susceptible de porter atteinte à l'ordre public. Comment est organisée la récolte et le traitement du renseignement ? À cet effet, la Direction des Renseignements Généraux et ses composantes territoriales ont pour mission essentielle de collecter les informations d'ordre politique, économique et social et de suivre de près les différents faits sociaux. Enfin, il est impératif pour ce département de procéder à l'analyse des informations collectées et d'élaborer des prévisions de nature à offrir aux instances gouvernementales une certaine visibilité qui permette de prendre des décisions sur telle ou telle problématique. Du point de vue de l'organisation, la Direction des RG dispose de structures centrales spécialisées chacune dans un domaine de l'information, qui, en permanence, actionnent leurs agents opérant sur le terrain. Ces derniers, partout présents, usent de moyens appropriés pour rechercher l'information, la collecter, procéder à une première analyse à leur niveau pour la transmettre enfin à la Direction Centrale qui l'affine et la finalise, pour en dégager un produit fini utile pour les départements gouvernementaux concernés. La lutte contre la criminalité organisée, la grande délinquance et la drogue exigent des moyens importants, or, selon la majorité des policiers, la police manque cruellement de moyens, pourquoi ? D'abord, ce constat me paraît trop pessimiste. En toute objectivité, il faut relativiser. Il est vrai que la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes nécessite des moyens importants, mais la DGSN n'est pas à court de moyens puisque, au niveau de l'élucidation des affaires, par rapport à toutes les catégories d'infractions enregistrées sur le territoire national, les résultats ne déméritent pas. S'il y a quelques insuffisances quelque part, la DGSN, en fonction des possibilités offertes, devra les combler progressivement. D'ailleurs, lorsqu'il s'agit de grosses affaires, la DGSN n'hésite pas à envoyer du renfort. De nouvelles menaces sont apparues, tel que le terrorisme, pour protéger le pays contre la menace extérieure et maintenir l'ordre public, la police ne doit-elle pas développer de nouvelles approches ? Qui vous dit que la police marocaine n'a pas développé des nouvelles approches par rapport à cette menace terroriste ? Au contraire, depuis les attentats du 16 mai 2003 de Casablanca, voire depuis les attaques terroristes commises à l'hôtel Asni à Marrakech, tous les services de sécurité nationaux, concernés par cette nouvelle forme de criminalité, se sont attelés à la mise en place d'une stratégie intégrée de lutte, de prévention et d'anticipation dans une étroite coordination. La coopération internationale est largement prise en compte dans ce domaine. Les méthodes de lutte, en plus des convergences interservices, s'inspirent d'ailleurs de pratiques et d'expériences qui ont fait leurs preuves ailleurs, dans le cadre de la coopération internationale. Il faut souligner en tout cas, qu'à l'instar des modus opérandi des terroristes eux-mêmes, les méthodes des services de sécurité dédiés à la lutte anti-terroriste sont obligatoirement évolutives et c'est pourquoi, il est amplement fait appel aux nouvelles technologies et aux technologies de pointe pour pouvoir simultanément anticiper, prévenir et lutter contre ce phénomène. Les nouvelles approches lancées dans ce domaine sont évolutives et sont constamment soumises aux corrections qui s'imposent selon l'évolution de la menace. La lutte contre le terrorisme n'étant d'ailleurs pas l'apanage de la seule Sûreté Nationale, tous les services de sécurité du pays y participent. De ce fait, la stratégie mise en place est d'envergure nationale. Justement, l'un de ses rôles est de maîtriser les flux migratoires, quel est le rôle de la police des frontières ? Le rôle de la police des frontières (du moins au Maroc) n'est ni celui de maîtriser les flux migratoires, ni celui de lutter contre le travail clandestin. Sa mission consiste à contrôler les mouvements transfrontaliers, aux ports, aux aéroports et aux passages terrestres. Lorsque les policiers des postes frontières constatent une quelconque infraction (détention de faux titre de voyage, de drogue, d'un véhicule faussement immatriculé ou signalé volé, ou d'un visa contrefait ou enfin d'une fausse CIN (pour les nationaux), et lorsqu'ils ont affaire à une personne signalée recherchée à l'échelon national ou international, ils font appel à leurs collègues des services actifs, en fonction de la nature de l'affaire en présence (PJ ou RG notamment). La lutte contre l'immigration irrégulière proprement dite relève beaucoup plus des attributions de la police judiciaire que de celles des postes frontières. Bien sûr, les éléments des renseignements généraux peuvent apporter un soutien à leurs collègues de la police judiciaire en termes de renseignements, d'informations sur les clandestins, sur la préparation d'une opération, sur les membres d'un réseau d'organisateurs de cette activité pour l'élaboration du plan d'action et la planification des opérations à mener. On parle souvent d'affaires de corruption dans lesquelles sont impliqués des agents de l'ordre, comment s'acquitte de cette mission délicate l'Inspection Générale de la police nationale ? De prime abord, il faut souligner que le délit de corruption suppose, pour qu'il soit irréfutablement établi, le flagrant délit. Hors souvent, au niveau de l'Inspection Générale, la plupart des dossiers dits de corruption, se présentent en fait sous forme de simples accusations qui restent à prouver. C'est pourquoi, les enquêtes diligentées par l'Inspection Générale ne revêtent en fait qu'un caractère administratif. Dès que ses investigations révèlent un début de preuve donnant à l'affaire un caractère judiciaire, celle-ci se dessaisit automatiquement du dossier en transmettant ses conclusions à l'autorité judiciaire compétente pour trancher. D'autres formes de violence, comme la destruction des biens d'autrui, la violation de domicile, l'outrage, l'attentat à la pudeur, entre autres, font désormais partie intégrante du quotidien du Marocain. Comment expliquez-vous cette flambée de la violence ? D'abord il faut préciser que telle qu'elle est formulée, cette question paraît généraliser ces formes de délinquance à tout le territoire national, ce qui est faux. En réalité, sur un total de 18 Préfectures, Sûretés Provinciales et Sûretés Régionales, seules neuf parmi elles ont enregistré, au cours des dix premiers mois 2007, une hausse concernant certaines catégories d'infractions, les neuf autres ont par contre enregistré une régression pour la même période. En effet, à Casablanca, Oujda, Fès, Marrakech, Agadir, El Jadida, Béni Mellal, Safi et Al Hoceima, une progression de la criminalité a été constatée, notamment en ce qui concerne les tentatives d'homicides volontaires, les homicides involontaires et les coups et blessures à l'aide d'arme blanche. Quant à la régression, elle s'est située au niveau des homicides volontaires, des coups et blessures ayant entraîné la mort, des coups et blessures volontaires et des menaces et injures. On a souvent tendance à gonfler les statistiques et ce qui laisse apparaître cette tendance à la hausse ne relève que de la «petite criminalité» telles que les affaires d'émissions de chèques sans provisions, les litiges de mauvais voisinage, les coups et blessures légers réciproques, les incivilités et les dégâts à la propriété d'autrui qui représentent au bas mot quelques 54% de l'activité policière. Pourquoi la DGSN est-elle revenue sur la décision de créer des groupes d'intervention alors que l'on sait que l'intérêt de disposer d'unités de police capables de faire face à des situations de crise graves, est aujourd'hui une nécessité?? Non, la DGSN n'est jamais revenue sur une quelconque décision dans ce sens. Au contraire, des unités d'intervention viennent d'être créées, non seulement pour renforcer la sécurité et le maintien de l'ordre mais aussi dans le but de mieux lutter contre de nouveaux phénomènes de la criminalité. C'est le cas, par exemple, des unités de lutte contre les vols à l'arraché et agressions sur la voie publique à Casablanca et dont les éléments ont été baptisés par les citoyens «les faucons». Ces policiers en civil, dotés de vélomoteurs sillonnent toutes les artères de la ville y compris les ruelles naguère inaccessibles, à la recherche du flagrant délit. Leurs actions dans ce sens ont été d'un très bon apport, au point que l'expérience va être étendue à d'autres commandements où ces catégories de méfaits commencent à faire leur apparition. Suivant la même logique, il faut préciser que le futur organigramme prévoit justement la création de pareilles unités spécialisées. *Préfet de police, chef du département chargé des études organisationnelles et juridiques de la DGSN