La catastrophe qui s'est abattue sur Mohammédia interpelle toute l'opinion publique. Quelles sont les mesures qui doivent être prises dans l'immédiat, dans le moyen et le long terme et quels sont leurs degrés de fiabilité ? Oualla Abdelaziz, ingénieur à l'agence du bassin hydraulique du Bouregreg et de la Chaouia répond à ces questions. • La Gazette du Maroc : Le barrage est rempli actuellement à 100% de sa capacité. Quelles sont les mesures d'urgence à prendre pour éviter qu'une autre catastrophe ne se produise, au cas où les éléments se déchaînent dans les jours à venir ? - Oualla Abdelaziz : Dans l'état actuel des choses, nous ne disposons que de l'effet de laminage et d'amortissement. Le laminage c'est la vidange du barrage qui prend beaucoup de temps. L'effet d'amortissement, quant à lui, permet de réguler le débit en amont de façon à ce que le débit déversé maximum ne dépasse pas les 170 m3/s. C'est ce qui s'est passé lundi dernier. Le débit en amont était de 450 m3/s et le débit versé par le barrage de 170 m3/s. Ce qui nous laisse une marge de manœuvre assez restreinte. Toutefois, les mesures d'urgence qui ont été d'ores et déjà prises concernent la prévention. Il s'agit du suivi régulier de la situation hydrologique au niveau du bassin. Je persiste à signaler que le grand problème qui se pose est que l'objectif du barrage n'est pas de faire face aux crues. Par conséquent, il ne répond pas à la fonction qui lui a été assignée depuis quelques années et qui consiste en la prévention contre les inondations. • Quelles sont les mesures à prendre à moyen et long terme afin de sécuriser la ville de Mohammédia contre les risques d'inondations causés par les crues de l'oued El Maleh ? - Sécuriser la zone de Mohammédia nécessitera des aménagements en aval et en amont. En aval, il s'agira de reconstruire un nouveau pont «portugais» avec une hauteur plus importante afin d'éviter un blocage au niveau de l'écoulement des flots. Le curage du lit majeur afin d'élever sa capacité à 140 m3/s. et l'aménagement par la Lydec du canal de délestage calibré à 90 m3/s. Avec ces nouvelles mesures, le seuil critique d'inondation de la ville sera portée à un débit de 140 m3/s. En amont, on avait le choix entre plusieurs éventualités. Entre autres, la construction d'un nouveau barrage en amont (barrage Boukerkour). Ce barrage aura pour fonction la protection contre les risques de crues et aura, par conséquent, une capacité de vidange et de stockage très importantes. La seconde possibilité est de surélever le barrage de l'oued El Maleh. Mais là encore, une étude sérieuse doit être réalisée pour voir si les fondations peuvent supporter la nouvelle capacité de stockage, compte tenu de l'âge du barrage. La dernière option est la construction d'un barrage en aval. Les trois possibilités sont envisageables, reste à choisir la meilleure. A titre informatif, l'étude du barrage Boukerkour a déjà été faite depuis quelques années, reste à la mettre à jour. D'ailleurs, tout porte à croire qu'on s'oriente vers cette dernière option. Si cela se concrétise, la réalisation complète de cet ouvrage exigera deux années. • Concernant le canal de délestage prévu pour 2003 et qui canalisera un débit de 90 m3/s, pensez-vous que cette mesure est suffisante, sachant que lors des dernières iprécipitations Mohammédia a été envahie par des inondations dont le débit était de 200 m3/s ? - En ma qualité de technicien en hydraulique, mon rôle consiste à réaliser des études selon des niveaux de protection et à évaluer un coût de protection pour chaque niveau. Et c'est aux pouvoirs publics de faire leur choix. En plus, un niveau de protection n'est jamais définitif. A Grenoble par exemple, pour ce qui concerne la rivière Isère, le premier niveau de protection était un niveau centennal (100 ans). Des réaménagements ont été faits et le voilà aujourd'hui à un niveau de protection de 500 ans. C'est tout simplement une question de coût. Avec ce nouveau canal de délestage, on table sur un seuil critique d'inondation de 140 m3/s. Opter pour un seuil critique d'inondation de 200 m3/s. représente un coût exorbitant. Précisons par ailleurs que ce qui s'est passé la semaine dernière a un caractère exceptionnel.