Ousmane Sembène est parti rejoindre quelques belles étoiles dans le firmament des hommes qui ont laissé une part d'eux, pour que l'humanité ait un sens. Sembène est décédé samedi 9 juin, à Dakar, à l'âge de 84 ans. Natif de Ziguinchor en Casamance, Sembène Ousmane est considéré comme l'un des pionniers du cinéma africain. uand en 1956, il publie son premier roman, Le Docker noir qui relate son expérience de docker, on découvre alors un grand bonhomme habité par le destin des autres. La fibre africaine de ceux qui attendaient le soleil des indépendances, avait trouvé un porte-étendard. Suivent : Ô pays, mon beau peuple, les Bouts de bois de Dieu. D'autres pans de l'Afrique en friche remontent à la surface sous la plume d'un sourcier. Et le cinéma, né des images qui l'ont hanté toute sa vie, devait faire son entrée dans l'univers de l'écrivain. En 1961 Borom Saret (le bonhomme charrette) et Niaye donnent déjà une idée sur ce que sera son cinéma, plus tard. Et avec le long-métrage, La noire de... Ousmane Sembène prend la place qui est la sienne et devient le cinéaste de la critique sociale et politique. Un homme engagé prend corps. Un cinéaste de grande qualité exporte l'Afrique aux quatre coins du monde. L'aventure devait mener vers la consécration, et on s'y attendait de la part d'un artiste récidiviste, rebelle, retors, décidé à en découdre avec les hypocrisies locales et à tordre le cou aux mensonges : le Prix de la Critique Internationale au Festival de Venise pour Le mandat, sorti en 1968, et l'après indépendance africaine, prend un autre visage. Ousmane Sembène est drôle, jubilatoire. C'est en 1979 que Ceddo est interdit au Sénégal par le président Léopold Sédar Senghor : tâche noire pour le président , éclat artistique pour le cinéaste avec cette histoire qui relate la révolte à la fin du XVIIe siècle des Ceddos, peuple aux convictions animistes qui refuse de se convertir. Il s'attaque aux intrusions dangereuses du catholicisme et de l'islam en Afrique de l'Ouest. Il stigmatise leur rôle dans le délitement des structures sociales traditionnelles. Et marque avec virulence la complicité de l'aristocratie locale, sur laquelle se sont appuyés les missionnaires de tous poils. Bref, premier coup d'éclat qui sera suivi par tant d'autre, jusqu'à son dernier film : Moolade, qui aborde de front le thème de l'excision. Sembène fait le tour du monde avec son film électrochoc et se voit fêté partout : : prix du meilleur film étranger décerné par la critique américaine, prix Un Certain Regard à Cannes, prix spécial du jury au festival international de Marrakech entre autres. Aujourd'hui, l'Afrique perd un autre grand chantre de la liberté. Après Ali Farka Touré, c'est un autre griot, un autre chaman qui tire sa révérence, après avoir marqué de son empreinte un continent souvent en manque de repères.