Jusqu'aux années 60, l'histoire du cinéma africain ne constituait, sauf de très rares exceptions, qu'une annexe de l'histoire du cinéma américain ou du cinéma de quelques pays européens. La colonisation à outrance de ce continent l'a maintenu sur tous les plans, y compris le plan cinématographique, dans un état de retard considérable. Ou même dire que, jusqu'à l'accession à l'indépendance, aucun film vraiment et entièrement africain n'avait été tourné, sauf en Afrique du Sud par un illusionniste qui avait volé un projecteur au « Théatrograph » de Londres. En 1905, il existait des cinémas ambulants autour de Dakar et de quelques autres villes du continent. En 1914, on compte déjà un nombre impressionnant de documentaires et de films à sujets concernant l'Afrique. Avec l'accession à l'indépendance, les cinématographies des pays africains produisaient elles-mêmes des films réalisés par des Africains, mais sans obtenir l'indépendance financière et technique dont elles avaient besoin pour s'épanouir. Hormis certains Etats, dont aucun n'est riche, et quelques réalisateurs, producteurs de leurs propres œuvres, l'Afrique ne compte aucun producteur solide. Son infrastructure technique est insuffisante, ce qui la rend dépendante de laboratoires étrangers. Les déficits budgétaires et la priorité d'autres impératifs expliquent évidemment la situation. Mais ces obstacles n'ont pu que ralentir, non arrêter, des cinéastes dynamiques et volontaristes. Quantitativement, le pays où le cinéma s'est le mieux développé, pendant des décennies, reste le Sénégal où a dominé Ousmane Sembene, le pape du cinéma en Afrique noire. Ce pays fut aussi le premier à se manifester. « Afrique sur seine », daté en 1955, est le premier film signé par un Africain, outre Sembene, Mahama Traoré, Djibril Diop Mambety, Ababacar Samb Makharam et Momar Thiam. Le même Ousmane Sembene réalisa quatre années plus tard, cette fois en terre d'Afrique, « Borom Sarret » (l'homme à la charrue ), illustrant avec détermination la lutte des classes telles qu'elle sévit en cette partie du monde. Un petit film en noir et blanc, court-métrage de fiction, presque sans parole mais d'où jaillit une force à vous couper le souffle et vous inscite sans cesse à la révolte tant enfouie. Certes et paradoxalement, le cinéma africain est né ailleurs, plus précisément en France, mais n'eut ses véritables armes et n'arrive à se déployer authentiquement qu'en sa terre légitime : l'Afrique. « La noire de… » constitue la première expérience à laquelle se livre un cinéaste africain, en matière de long-métrage, toujours sous la houlette de son pionnier reconnu, Ousmane Sembene, son griot éternel. Le chemin est désormais balisé par le Fesbaco, un festival de cinéma aux spécificités purement pûrement africaines qu'accueillera la capitale Ouagadougou en 1969 ; en vue de côtoyer la production africaine dans toute sa diversité économique, sociale et culturelle. Le cinéma africain est né dans la difficulté et continue d'en vivre.