Cinq milliards de DH, a été le budget global alloué au projet de la marina de Casablanca, dont le coup d'envoi des travaux a été donné en mars 2006 par le Roi Mohammed VI. L'Etat participera à hauteur de 1,5 milliards de dirhams à ce chantier, qui, non seulement donnera un nouveau visage de la ville, mais surtout permet de réhabiliter la médina de Casablanca. Pour tous les spécialistes de l'urbanisme et du patrimoine au Maroc et même à l'étranger, la sauvegarde de la médina de Casablanca devait s'appuyer sur un chantier d'envergure. C'est d'ailleurs le cas dans d'autres pays, comme l'Espagne et le Portugal, nos voisins, dont le sort de plusieurs villages a été rattaché à des projets plus larges, qui visaient une région dans sa globalité ou alors une ville et sa restructuration. Ce fut le cas pour Barcelone, Séville, Lisbonne, Algarve, Bilbao… pour ne citer que quelques exemples proches de nous à la fois dans le temps et dans l'espace. Casablanca s'inscrit aujourd'hui dans cette même logique urbanistique. Le but premier d'un tel projet comme celui de la Marina, est de doter la ville d'une nouvelle impulsion au développement économique, créer une dynamique moderne de l'espace et de sa rentabilité, offrir aux citoyens et partant, aux touristes une ville moderne digne de ce nom, une ville qui a la chance d'être juchée sur un beau littoral et qui l'intègre dans sa vision urbanistique. On a certes mis du temps pour amorcer une telle vision, mais aujourd'hui plus que jamais, la médina de Casablanca pourra bénéficier d'un tel voisinage, pour retrouver une âme et échapper à la négligence et à l'oubli. D'abord un premier point retient l'attention de plusieurs spécialistes qui se sont penchés sur le projet : comment allier le moderne et l'ancien dans une vision homogène ? Question purement urbanistique qui émane d'une réflexion sur l'espace. Car il ne s'agit pas de donner corps à un complexe marin ultramoderne et de négliger les à-côtés de ce même espace, ce qui en fait la continuité, le prolongement et surtout l'assise historique. Restituer l'histoire des Casablancais Dans une zone située sur l'Atlantique, entre le port de la ville et la Mosquée Hassan II, il est question (et les autorités de la ville en sont conscientes) de la réhabilitation «de la vocation océan de Casablanca», en lui apportant un port de plaisance et en offrant à ses habitants une promenade piétonnière tout le long de son front de mer, sur près de 1,5 Km. Le projet, tel qu'il a été décrit par le Conseil de la ville, «sera en mesure également de participer à la revalorisation de l'ensemble du secteur environnant, qui comprend le port et l'ancienne Médina.» Autrement dit, c'est un plus que la médina soit voisine de la mer. C'est un luxe aussi pour les futurs plaisanciers d'être au cœur de la ville, tout en profitant de l'escapade qu'offre un port de plaisance. Et c'est un boulevard qui sépare désormais deux monuments de l'histoire de la ville : le berceau qu'est la médina avec tout ce qu'elle comporte comme indications sur l'histoire et l'héritage des Casablancais, et la modernité dans ce qu'elle permet comme projections vers l'avenir. Deux locomotives donc pour une seule vision : faire de Casablanca une ville aux multiples attraits, où l'économique et le culturel vont de pair. Les chiffres du projet de la marina sont éloquents et montrent à quel degré il est important que la mise en valeur de la médina, doit accompagner cet élan : 242000,00 m2 dont environ 25 000,00 m2 de domaine public portuaire dont environ 1 hectare est gagné sur le bassin du port et 2,2 hectares de zones portuaires sont reconvertis et intégrés au projet, avec en face, de l'autre côté du boulevard, les maisons en front de mer, qui n'ont pas besoin d'une débauche de travaux, mais d'une restauration en bonne et due forme. Pour les spécialistes, les principaux axes de la réhabilitation sont identifiés: les espaces verts qui concordent avec la caractéristique «dominante verte», du projet de la Marina qui est complémentaire au Bleu de l'Atlantique. «Dans ce sens : le projet prend forme au niveau des jardins de la Sqala, juste devant la Médina, comme une porte d'entrée vers le nouvel espace à naître. Ce sont 500 mètres par 50 de large de coulée verte dans sa partie médiane, qui se prolonge par les jardins de la Grande Mosquée Hassan II. Ce qui crée une ceinture verte entre la mer et la médina. Nous sommes en plein dans l'urbanisme écologique. La mer restitue à l'espace de la ville sa part de nature et la ville se déverse dans la mer, qui en devient une continuité. Non comme aujourd'hui, puisque la ville est conçue tournant le dos à la mer, alors qu'elle devrait en être l'interface.On imagine bien ce bord de mer avec ses hôtels, ses bureaux, ses commerces, ses loisirs et lieux d'animations, ses logements...pour un projet complet qui compte quatre niveaux d'approche architecturale et urbanistique : le secteur Marina incarné par le port de plaisance, le secteur Remblais qui comporte toutes les activités commerciales et le travail, le secteur Portes Océanes destiné aux loisirs et le secteur Jardins de la Grande Mosquée, incarnation de l'espace vert dans son acception spirituelle. Sans oublier que la médina verra toute sa structure interne restructurée : assainissement, espaces publics, marchés, murailles, grandes demeures et petits quartiers, cimetières, bref, une remise en forme, qui peut aussi participer au concept de la plaisance, comme une étape, un préambule. Le cinéma Mauritania sera sauvé C'est officiel : le cinéma Mauritania est désormais la propriété de la ville de Casablanca. L'annonce en a été faite lors de la conférence de presse du Festival de Casablanca, mardi dernier. Et c'est dans le cadre du même festival, que la réhabilitation du légendaire cinéma est programmée. En octobre 2007, c'est le festival Casa Ciné qui est lancé, un festival à part entière, dédié au septième art et qui permet du même coup de sauver des monuments de l'histoire cinématographique de la ville de Casablanca. Une synergie importante, qui vient mettre en valeur le travail à plusieurs niveaux, qui fait que le moteur du développement humain passe aussi par la sauvegarde de l'héritage des individus. Et le cinéma Mauritania fait partie de cet héritage à plus d'un titre. Réel cinéma de quartier, architecture typique et unique, emplacement stratégique au carrefour de plusieurs quartiers et axes de la périphérie de la ville, le cinéma peut accueillir le festival du cinéma et l'ouvrir sur d'autres zones urbaines. C'est là l'un des buts de ce festival. Aussi, faut-il souligner que c'est là une première étape, puisque d'autres cinémas pourront être acquis par la ville de Casablanca et seront ainsi sauvés de la démolition comme tant d'autres ont déjà disparu. Restituer les espaces urbains aux populations, c'est là une philosophie citoyenne, une vision urbanistique qui s'inscrit dans une approche plus large de faire de Casablanca un réel pôle de culture. C'est tout le mal que l'on souhaite aux Casablancais. Le Maroc ancré dans l'Histoire C'est une semaine très riche de bonnes nouvelles pour le patrimoine marocain. Mais cette découverte archéologique dépasse de loin tout le reste. Des chercheurs ont découvert des mollusques marins perforés de type Nassarius, dans la grotte des Pigeons à Tafoghalt, dans l'Oriental. Une région connue pour ses grottes magnifiques, qui recèlent des trésors du patrimoine humain. Datés de 82 000 ans, ce sont des pièces qui comptent parmi les plus anciennes représentant des parures dans le monde et qui placent le Maroc, comme un pays où la civilisation a fait son apparition, bien avant d'autres régions du monde. Car, pour les chercheurs, de telles parures sont l'indice d'une grande avancée sur le plan de la vie sociale des habitants de la région. A la fois un témoignage de progrès et de grande maîtrise technique. Ces objets donnent aussi une indication de taille, qui remet en cause beaucoup de partis pris archéologiques, dans le monde : ils indiquent très clairement, selon les grands spécialistes qui ont salué cette découverte, que les humains ont utilisé des symboles en Afrique, 40 000 ans avant l'Europe. Selon l'un des scientifiques : «une telle découverte permet de clore le débat sur l'origine africaine des objets de parure et place l'Afrique du Nord, et notamment le Maroc, comme l'un des plus anciens centres de diffusion des premiers objets de parure au monde.» D'ailleurs, pour l'Académie des Sciences aux Etats-Unis, qui a fait un large commentaire sur cette découverte importante, cela préfigure d'autres trouvailles, qui pourront aider les chercheurs à revoir certaines dates et surtout résoudre quelques énigmes liées aux datations dans certaines régions. Quoi qu'il en soit, la découverte de Tafoughalt a démontré l'emploi de quatre méthodes de datations différentes, ce qui a permis de remonter à l'âge de 82 000 ans de ces objets de parure, dont certains ont été couverts par de l'ocre rouge. C'est simple, grâce à ses techniques de datation, c'est un pan entier de l'histoire de l'archéologie de l'Afrique du Nord et du Proche-Orient qui est revisité : la parure de la grotte des Pigeons à Tafoughalt est plus ancienne que ce qui a été découvert auparavant en Algérie, en Afrique du Sud et en Palestine. Il faut aussi souligner que l'équipe composée de chercheurs de l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine (INSAP) du Ministère de la Culture au Maroc et de l'Université d'Oxford, a bénéficié de plusieurs collaborations nationales et internationales, ce qui a permis de réaliser des fouilles exactes et d'aboutir à des résultats qui font office de bombe dans le milieu de l'archéologie mondiale. L'INSAP, le Laboratoire des Recherches, d'Analyses Techniques et Scientifiques de la Gendarmerie Royale (LARATES, Maroc), l'Université d'Oxford, le Centre National de la Recherche Scientifique en France (CNRS), le Römisch-Germanisches Zentralmuseum Forschungsbereich Altsteinzeit (RGZM) et de l'Université Nationale d'Australie à Canberra, toutes ces compétences pour certifier de la plus grande découverte de l'année, voire de ces dix dernières années. Il faut aussi savoir que les recherches dans la grotte des Pigeons à Tafoughalt, ont été en partie financées par le Programme Thématique d'Appui à la Recherche Scientifique (PROTARS P32/09) du Ministère marocain de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et ont bénéficié de l'appui logistique sur place, de l'Association des Amis de Tafoughalt (AAT). L'équipe internationale a été dirigée par Abdeljalil Bouzouggar, enseignant-chercheur à l'INSAP et Nick Barton d'Oxford University en Angleterre.