Dans sa dernière tournée moyen-orientale, le vice-président des Etats-Unis a fait un forcing sans précédent pour convaincre les Etats arabes amis à se ranger aux côtés de son pays pour mettre fin à l'influence grandissante de l'Iran dans la région. Parallèlement, le secrétaire d'Etat, Condoleeza Rice, réussit à organiser une rencontre, le 28 mai prochain, à Bagdad entre des représentants de l'administration Bush et les adjoints de Manouchar Metteki, ministre des Affaires étrangères de la République islamique. Le premier ministre et chef de la diplomatie qatarie, cheikh Hamed ben Jassem ben Jabr Al-Thani, a été le seul responsable arabe à révéler, que le seul et unique objectif de la tournée du vice-président américain, qui avait commencé par l'Irak et suivi par l'Egypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite et l'Etat des Emirats Arabes Unis, consistait à avoir l'accord des dirigeants de ces pays, pour s'aligner sur la décision américaine visant à mener la guerre contre Téhéran. Pourtant, le numéro 2 de l'establishment américain, a exclu le Qatar de cette tournée. Ce même responsable politique chevronné confirme que Dick Cheney a, au début de chacune des discussions avec ses interlocuteurs arabes, fait comprendre, que l'affrontement militaire avec les Iraniens, est aujourd'hui plus éventuel que jamais. Ce qui a laissé les chefs arabes perplexes et inquiets. Néanmoins, l'artisan de la guerre contre l'Irak, a cependant laissé un petit espoir pour éviter la catastrophe, en soulignant que les rencontres prévues, avant la fin de ce mois dans la capitale irakienne, entre les représentants de son pays et ceux d'Iran, pourraient être la dernière chance pour éviter le pire. Surtout que le chef spirituel du régime iranien, Ayatollah Ali Khamenaï, a donné son feu vert à ces discussions à caractère sécuritaire. Quoi qu'il en soit, on apprend de sources concordantes à Amman et à Riyad, que Cheney s'adressait à ses interlocuteurs arabes sur un ton à la fois sûr et confiant. De plus, il a rappelé que l'implication des Etats-Unis en Irak ne veut pas dire qu'ils sont dans une position de faiblesse et incapable de déclencher une deuxième guerre en Iran. Le vice-président américain connu pour son arrogance, tenait à répéter devant chacun des responsables arabes qu'il a rencontré, «il ne faut guère oublier qu'il s'agit de la première puissance mondiale et non d'un petit Etat d'Amérique Latine». Il voulait leur faire comprendre, que celui qui estime que l'administration Bush s'est affaiblie, et que le compte à rebours a commencé, se trompe énormément. Afin de faire mieux passer ce message, Dick Cheney a provoqué une rencontre à bord d'un porte-avion dans les eaux de Bahr al-Arab avec les soldats américains pour leur confirmer sur un ton tranchant que les Etats Unis d'Amérique ne permettront pas à l'Iran de posséder les armes nucléaires. Et que le choix d'une frappe militaire n'est pas du tout exclu. La réponse de la part des Iraniens à ces menaces tous azimuts, n'a pas tardé à venir. En effet, le président Mahmoud Ahmedinejad, lors de sa visite surprise à Abou Dhabi, le lendemain même de celle du vice-président américain, a fait savoir, lors d'une conférence de presse, que «les Américains sont conscients, mieux que quiconque, que s'ils commettent cette erreur fatale ils regretteront cet acte» et de poursuivre sur un ton confiant : «Le monde entier, y compris leurs alliés européens, savent parfaitement qu'ils ne peuvent pas nous attaquer, car l'Iran est capable de se défendre». Pour rendre la monnaie à Cheney, Ahmedinejad a fini par lancer un défi selon lequel il affirma, « qu'aucune puissance ne pourra nous priver d'acquérir l'énergie nucléaire. » Guerre à l'horizon ? Parmi les indices qui laissent croire que les chances d'une guerre contre l'Iran sont plus fortes que les compromis qui aboutissent à la paix, les informations en provenance de Mascate, capitale du Sultanat d'Oman, que Dick Cheney n'a pas visité. L'entourage du ministre omanais des Affaires étrangères, le discret, Youssef Ben Alaoui Abdallah, indique que les pays du Golfe cherchent sérieusement des voies de remplacement du détroit d'Hermouz pour assurer l'exportation de leur brut. Il y a également des suggestions de certains experts pétroliers, notamment de l'Aramco saoudienne de mettre en place des pipe-lines qui transportent le pétrole jusqu'à la Mer Rouge et Bahr al-Arabe via le Yémen. Les pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) veulent anticiper sur la fermeture de ce passage géostratégique à travers lequel 18 millions de barils affluent quotidiennement. Les stratèges occidentaux et les conseillers des Etats du Golfe, s'accordent à dire que la riposte iranienne à toute attaque américaine, visera sans aucun doute la fermeture de ce détroit en premier lieu. Il sera suivi par la frappe de toutes les bases aériennes et navales américaines positionnées dans les divers pays de la région, notamment au Qatar, au Bahreïn et au Koweït. Enfin, incendier les puits de pétroles des Etats qui se rangent opérationnellement aux côtés de Washington dans son agression. Autres ripostes qui ne font que généraliser la guerre régionale, la frappe d'Israël par des missiles de longue portée, et pousser le Hezbollah à ouvrir un nouveau front à partir du sud Liban. Les mobilisations recensées, la semaine dernière, du mouvement islamique non loin de la ligne bleue contrôlée par la FINUL (forces onusiennes) sont un message adressé aussi bien à l'Etat Hébreu qu'à Dick Cheney. Ce dernier, qui voulait montrer la détermination de son administration d'aller jusqu'au bout de sa stratégie au Moyen-Orient, a souligné que la meilleure issue pour faire sortir du bourbier irakien est de frapper l'Iran. Ce dernier jouant jusque-là un rôle principal dans l'instabilité régnante. Cheney a, d'autre part, minimisé l'impact de la vengeance des chiites irakiens contre les forces armées irakiennes, au cas où une guerre serait déclenchée. Pis encore, il estime que l'inverse se reproduira. Cela dit, les formations de résistance sunnites pourraient soutenir l'attaque irakienne contre l'Iran pour régler leurs comptes avec le pouvoir chiite en place à Bagdad. A Riyad, on indique que Cheney aurait demandé à ses alliés arabes à rassurer les groupes sunnites en Irak ce, dans l'objectif de les gagner de leur côté. Et par là, faire passer le message en vertu duquel les Etats Unis avaient perdu totalement leur confiance vis à vis du Premier ministre irakien, Nouri al-Malki. Celui-ci n'a pas réussi à réaliser la réconciliation nationale ni offrir un rôle plus important aux sunnites sur le plan des décisions. Le vice-président américain a, dans le même ordre d'idées, rassuré ses interlocuteurs que les réacteurs nucléaires de Boushahr, situés sur l'autre rive du Golfe arabe, ne seront pas visés non seulement parce qu'ils ne constituent aucune valeur ni aucun danger, mais à cause de la présence des experts et ingénieurs russes sur ce site. D'autant que même si cela devait arriver par erreur, il ne polluerait pas les eaux du Golfe, car cette centrale ne contient pas du plutonium enrichi. Dans ce contexte, les pays du Golfe qui dessalent 90% de l'eau de mer pour répondre à leurs besoins en eau ne cachent pas leur inquiétude. En dépit de ce constat pessimiste, les espoirs de paix ne sont pas totalement écartés. A Abou Dhabi, de fortes rumeurs circulent, évoquant une demande du président iranien, Mahmoud Ahmedinejad, selon laquelle il a demandé la médiation des Emirats Arabes Unis avec Washington. Ces rumeurs font aussi état des idées présentées par le chef de l'Etat iranien, qu'une délégation émiratie transmettra aux Américains lors de sa visite actuelle, à Washington. Une délégation conduite par cheikh Mohamed ben Zayed, prince héritier et chef d'état-major d'Abou Dhabi.