Maintenant que les armes se sont tues au Proche-Orient, on reparle de paix, sous la pression conjuguée des Etats-Unis et des pays arabes modérés dont les arguments trouvent un écho aussi bien en Israël que chez les Palestiniens. La Secrétaire d'Etat américaine Condoleeza Rice a effectué sa première tournée au Proche-Orient depuis la fin des hostilités ente Israël et la Hezbollah. Il ne s'agissait pas d'une visite protocolaire. Elle manifestait clairement le soutien de l'Administration américaine à l'initiative de pays des pays arabes modérés, soucieux de parvenir à une solution du conflit israélo-palestinien pour contrer l'influence grandissante de l'Iran dans la région. C'est la raison pour laquelle Israël a observé un profil bas, se contentant d'affirmer sa nouvelle conviction et son désir de parvenir à un accord permettant la création en Terre sainte de « deux Etats pour deux peuples ». Quant à I'Arabie Saoudite, elle ne fait pas mystère de son intention d'intensifier sa pression sur George W. Bush pour inciter le chef de l'Exécutif américain à s'impliquer personnellement et effectivement dans le dossier palestinien dont il a jusqu'à présent délégué la gestion à sa Secrétaire d'Etat. Les Saoudiens entendent montrer, sur le papier, que les Palestiniens se sont engagés à mettre un terme aux violences, y compris à celles qui opposent actuellement le Fatah et le Hamas. Et ce d'autant plus que les Israéliens posent comme condition préalable à la reprise des pourparlers avec les Palestiniens le retour au calme. Le problème est que les Israéliens refusent toujours de négocier avec le gouvernement palestinien dirigé par le Hamas au motif que ce dernier n'entend pas reconnaître l'existence de l'État juif si ce n'est de manière allusive et indirecte. Pour une simple raison. Le Hamas et le Hezbollah estiment qu'ils ont le vent en poupe et ils ont marqué, ces dernières années, des points auxquels ils n'entendent pas renoncer. Les deux mouvements interprètent le retrait israélien du sud Liban et de Gaza non pas comme un geste décrété unilatéralement par Israël mais comme un aveu de faiblesse de celui-ci, incapable de faire face à leur pression. Comme le souligne dans Maariv Dan Margalit, ils se soucient peu du fait que leurs actions sont menées actuellement à partir de deux zones, le sud Liban et Gaza, où « la situation aurait été effectivement réglée selon les désirs des deux mouvements arabes». Ce n'est pas le résultat qui importe mais la manière dont il aurait été, selon eux, obtenu. Spécialiste confirmé des affaires militaires, Zeev Schiff s'intéresse plus particulièrement dans Haarerz aux affrontements inter-palestiniens, dont les principales victimes sont des badauds, affrontements qui méritent réflexion et permettent de mieux appréhender la manière dont ils sont interprétés par les parties en présence. Pour le Hamas, les difficultés économiques et sociales provoquées par le gel des subventions de l'Union européenne et de la communauté internationale n'ont pas entamé le soutien que lui apportent toujours les électeurs palestiniens, favorables dans leur majorité à la stratégie du refus prônée par le mouvement islamiste. Une stratégie qui serait payante comme le confirmerait à sa manière l'action du Hezbollah. On note bien entendu quelque divergence d'appréciation entre les tenants de la ligne dure incarnée par Khaled Mechaal, dirigeant de la branche extérieure du mouvement installée à Damas, et les partisans, au sein du Hamas de Gaza, d'un pragmatisme qui se résume à vouloir instaurer une trêve, une «houdna», afin de permettre au gouvernement palestinien d'asseoir son autorité et d'engranger les tésultats de sa victoire électorale. Mais les uns et les autres sont bien décidés à poursuivre la « résistance». Selon Zeev Schiff, à leurs yeux, «c'est Israël qui doit faire preuve de pragmatisme en acceptant les conditions posées par le Hamas. Le Hamas de Damas est de loin le plus radical en prônant l'instauration d'une simple trêve de dix ans avec les Israéliens, assortie d'une levée du blocus économique et de l'acceptation par Israël du repli sur les frontières de 1967, de la reconnaissance du droit au retour pour tous les réfugiés et de Jérusalem comme capitale de l'État palestinien. Une position qui n'a rien de très nouveau puisqu'elle fut déjà défendue sous la présidence de Yasser Arafat par le Hamas et par l'Autorité palestinienne elle-même comme un moyen de mettre un terme à « I'intifada al Aqsa». L'on voit mal Israël accepter de parler de « houdna » tant que le caporal Gilad Shalit, enlevé le 25 juin dernier au poste frontière de Karen Shalom, n'aura pas été libéré par ses ravisseurs. Mais celte libération doit obtenir au préalable l'aval de Khaled Mechaal et de ses protecteurs, la Syrie et l'Iran, bien décidés pour l'instant à bloquer le processus, en dépit des assurances données aux Egyptiens par Israël que cette libération provoquerait en retour celle de 800 prisonniers palestiniens, à commencer par les mineurs, les femmes et les détenus incarcérés depuis vingt ans dans les prisons israéliennes. Quoi qu'il en soit, si certains prônent la «houdna», il est clair que ce concept est un moyen indirect de parler de paix ou d'une certaine forme de paix et de tirer les leçons de l'échec patent de «l'unilatéralisme » pratiqué par Israël et qui a contribué à isoler cet Etat sur la scène régionale et internationale. L'unilatéralisme est aujourd'hui une idée du passé et, en Israël, toutes tendances politiques confondues, l'exception des religieux orthodoxes, les responsables n'hésitent pas évoquer la nécessité de négociations bilatérales même si des désaccords existent quant à leurs modalités et quant au choix des interlocuteurs. Du côté palestinien aussi, tant au Fatah qu'au Hamas, on parle plus ou moins ouvertement de paix, d'autant plus que le terme n'est plus tabou puisqu'il a été utilisé par le raïs syrien Bachar al-Assad. Celui-ci entend récupérer par le biais de négociations le plateau du Golan, ce qui renforcerait son pouvoir fragilisé par les accusations portées contre lui d'être l'instigateur de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri. Ce climat explique pourquoi les États-Unis ont parlé, lors de la tournée proche-orientale de Condoleeza Rice, d'une «fenêtre d'opportunité » que les dirigeants israéliens sont prêts à saisir car, selon 'analyste de Maariv, Nadav Eyal, «ils n'ont rien d'autre à proposer» pour préserver le principal acquis du sionisme, «la création d'une autorité politique juive ». C'est pour quoi l'on parle d'un « post-sionsme» après la création de l'Etat d'Israël. Même les plus réticents se raccrochent à l'idée de paix car il savent que c'est la seule solution pour sortir de l'impasse actuelle et répondre aux aspirations réelles des peuples de la région. D'autant que le président Hosni Moubarak, dès samedi dernier, a mis en garde: «La région est au bord de l'explosion !». Et le président syrien a confirmé : «Nous nous préparons à la guerre», sous-entendu « pour arriver à la paix » II est évident qu'Israël prend au sérieux ces avertissements, même si Bachar al Assad alterne, au fit de ses interventions, appels du pied à la reprise des négociations et menace de déclenchement d'un conflit armé pour récupérer le Golan. En réalité, la paix un prix pour les uns comme pour autres et s'en acquitter sera la preuve du sérieux des espoirs et des intentions des uns et des autres.