Quinze jours après la convocation de l'ambassadeur américain au ministère algérien des Affaires étrangères, pour protester contre le comportement «inadéquat» après les attentats d'Alger, et par là, faire comprendre qu'une crise est belle et bien là, tout a soudainement changé avec la visite de Chékib Khélil à Washington cette semaine. Dessous d'un rififi contrôlé. Au Quai d'Orsay comme à Gaz de France, les responsables affirment qu'ils s'attendaient à ces «retrouvailles» qui n'ont pas tardé entre Algériens et Américains. Un des proches conseillers du nouveau président de la République française, qui l'avait accompagné lors de sa dernière visite dans la capitale algérienne, où il avait rencontré le chef de l'Etat, Abdel Aziz Bouteflika, indique, mercredi dernier à La Gazette du Maroc, que le pouvoir en Algérie, a reçu 5 sur 5 les messages adressés par l'administration américaine, et agit par la suite en conséquence. Pour preuve, les déclarations «purement économiques» émanant du ministre de l'Energie et des Mines devant l'US Algeria Energy Forum 2007. Propos que les observateurs les plus avisés, considèrent comme étant des concessions de taille, faites aux Américains. En effet, l'homme de Bouteflika et le grand ami des Etats- Unis, a laissé entendre, lors de cette manifestation, que les malentendus dûs à la nouvelle loi sur les hydrocarbures, qui n'était toujours pas entrée en vigueur, ni l'application de la taxe sur les profits exceptionnels (TPE), ne pourront envenimer les relations qui se développent à pas de géants, dans tous les domaines, entre les deux pays. En invitant des journalistes américains en marge de ce forum, le ministre algérien a tenu à préciser que la déclaration du ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, au lendemain des attentats, selon laquelle il parla de la responsabilité d'une «partie étrangère», ne désignait aucunement les Etats-Unis. Et pour montrer que tout ou presque est rentré dans l'ordre, il évoqua qu'un des indices significatifs de l'alliance stratégique avec Washington sera la signature, en juin prochain, d'un accord de coopération sur le nucléaire. Un accord du type Sister Laboratory, qui permettrait des échanges entre les structures de recherches des deux pays. En conséquence, Alger aurait ainsi cédé aux pressions des Américains, en se démarquant des Russes et des Français, qui avaient fait des propositions dans ce sens. Les premières, lors de la visite du président Poutine, il y a quelques mois à Alger, les deuxièmes, il y a quelques semaines, lors d'une déclaration faite par le candidat à la présidence, Nicolas Sarkozy. De plus, Khélil aurait annoncé, au cours de sa rencontre avec son homologue américain, Samuel Bodman, qu'une position émanant du gouvernement algérien ou de la Sonatrach sera officielle, dans quelques jours, pour mettre fin à tout espoir d'alliance avec Gaz de France. En effet, le mardi 15 mai, un haut responsable de la «poule aux oeufs d'or» de l'Etat algérien, affirma qu'une alliance entre les deux groupes est «économiquement irréalisable et politiquement incorrecte». Ce qui ne laisse aucun doute qu'Alger a fait marche arrière et accepté les conditions posées par l'administration Bush. Reste à savoir comment le pouvoir algérien fera pour absorber d'une part, les réactions de Paris et de Moscou et de l'autre, préserver quelques distances envers Washington, qui, après les concessions d'Alger, n'hésitera pas à demander encore plus, aussi bien au niveau politique, qu'énergétique, que géostratégique. D'ores et déjà, dans les milieux pro-français et pro-russes, au sein de l'armée et de la Sécurité militaire, on craint les conséquences de ces concessions sur le moyen terme. Des reculs qui réduiront les marges de manœuvre de l'Etat, d'autant qu'elles le forceront largement à s'aligner sur la stratégie américaine en Afrique du Nord. Parmi les effets attendus du deal conclu lors de la visite de travail de deux jours dans les BTP, de Chakib Khélil à Washington, l'octroi de nouveaux grands marchés aux entreprises américaines; notamment, dans le cadre de l'aviation civile, les logements et la sécurité informatique. De sources concordantes au sein de l'US Algeria Energy Forum 2007, on apprend qu'une forte délégation, formée des patrons des sociétés américaines d'armement, de Boeing et de Halliburton, se rendra au cours du mois de juin prochain à Alger. Les besoins de ce pays en la matière seront discutés, et cette délégation sera reçue par le président Bouteflika. Ce qui laisse entendre que les Américains insistent pour que l'establishment algérien, sa nouvelle alliance avec les Etats-Unis et que toute volte-face ne sera plus reproduite. Garanties données En réponse à la question posée par le secrétaire d'Etat américain à l'Energie, Samuel Bodman, sur l'histoire du Cartel gazier qui regroupera l'Algérie, la Russie, l'Iran et ultérieurement le Qatar, Chakib Khélil a réconforté son interlocuteur en affirmant que ce projet ne dépasse pas le cadre d'une idée qui «n'aura pas de suite» ni dans le moyen terme ni dans le long terme. Par ailleurs, en contre-partie du pilotage du processus de nucléarisation de l'Algérie qui lui permettra de superviser et surveiller cette technologie, Washington offrira au régime algérien une «assurance-vie». En d'autres termes, elle s'opposera dorénavant à toute tentative de son changement aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. D'autant qu'elle ne tolèrera aucune ingérence occidentale dans ses affaires ni la contestation de recourir à l'utilisation du nucléaire à des fins civiles comme c'est le cas avec l'Iran. L'administration américaine n'accepterait plus que la reprise campagnes britanniques envers les objectifs militaires des petits réacteurs de la base aérienne d'Aïn Oussera jusque-là, encadrés par les Russes. De source diplomatique française à Paris, on apprend qu'Alger s'est engagé à ne diversifier ses partenaires que dans les domaines non stratégiques. Cela s'appliquera-t-il dans l'avenir sur les secteur de l'armement et des hydrocarbures? Il est prématuré de s'exprimer là-dessus, répondit Mohamed Bedjaoui lors d'un déjeuner avec un haut responsable français à Paris, la semaine dernière. Dans ce même ordre de garanties données, un avis favorable aurait été octroyé par Washington concernant le développement d'un partenariat privilégié entre la Sonatrach et les compagnies pétrolières et gazières américaines permettant de renforcer la présence de cette dernière sur le marché américain. Mieux encore, le secrétaire d'Etat à l'Energie a fait savoir qu'il aidera l'Algérie à devenir un important fournisseur du bassin atlantique en gaz et lui permettre ainsi d'augmenter de 35% ses exportations vers les Etats-Unis. Offre suffisante pour laisser tomber à l'eau l'offre de Nicolas Sarkozy. Il est clair maintenant que L'Algérie sera de plus en plus dépendante de la stratégie américaine en Afrique du Nord quelques soient les déclarations sur la souveraineté et les décisions de diversification des partenariats. Néanmoins, il ne sera pas si facile de se démarquer de la Russie, le plus important fournisseur jusque-là en armements. D'autant que celle-ci possède toujours de forts réseaux aussi bien au sein de l'armée qu'auprès du système politique. Ce que Washington connaît parfaitement et n'essaye pas, au moins pour l'instant, de faire pression sur les Algériens afin de s'y démarquer. L'essentiel pour l'administration américaine, c'est que les dirigeants algériens ont compris, bon gré mal gré, qu'ils ne peuvent jouer solo en misant sur leur richesses en hydrocarbures ni sur leur alliance avec des géants tel que le russe Gazprom. Et, le plus important, réalisent que jouer avec les Européens n'est pas la même chose qu'avec les Américains.