Mohamed El Kharraz a fait éclater l'une des plus spectaculaires affaires de drogue, d'abus de pouvoir et de complicité de quelques hauts fonctionnaires des autorités marocaines. Présenté comme le narcotrafiquant le plus influent de l'histoire du Maroc, ses aveux ont fait plonger gendarmes, commissaires de police, un préfet de police, directeur de la sûreté des palais royaux et d'autres membres de la DST. Une affaire aux allures de tremblement de terre dont voici quelques aspects secrets que la Gazette du Maroc publiera, en exclusivité, sous forme de feuilleton. D'abord la première révélation : Chérif Ben Louidane, de son vrai nom Mohamed El Kharraz, n'a jamais été arrêté dans le Nord. Le rapport du juge d'instruction, Jamal Serhane, est très clair à ce propos. Nous sommes le 11 septembre 2006. Il est exactement 11 heures trente minutes, quand des agents de la Gendarmerie Royale ont été avertis par un individu qui a tenu à garder l'anonymat, que dans la Range Rover, immatriculée 1 A 78364, de couleur noire, avec quatre personnes à bord, se trouvait «Chérif», dit Ben Louidane. La même personne qui a averti les services de la Gendarmerie Royale a expliqué aux agents qu'il a eu au bout du fil, qu'il s'agissait là d'un grand narcotrafiquant qui pourrait avoir des liens avec l'affaire Mounir Erramach. La voiture (la Range Rover) roulait sur la route nationale numéro 1, à destination de Casablanca, en provenance de Beni Ykhlef. Après avoir recueilli toutes les informations sur le déplacement de Chérif Ben Louidane, les agents de la Gendarmerie Royale se sont déplacés vers la nationale 1, exactement à l'entrée de la ville, tout près d'Aïn Harrouda. La Gendarmerie procède alors à la surveillance de toutes les voitures en direction de Casablanca. La voiture sera arrêtée quelques minutes plus tard, et les gendarmes vérifient les identités de toutes les personnes à bord. On découvre qu'il s'agissait bel et bien de Mohamed El Kharraz, connu sous le nom de Chérif Ben Louidane, Abdelaziz El Kharraz, le frère de ce dernier, Mohamed Tribek et Abdessalam Iyad. Mohamed El Kharraz était sous mandat de recherche depuis le 26 août 2003. Son nom figurait dans les rapports de police suite à l'affaire Mounir Erramach. Il était recherché pour trafic de drogue à l'échelle internationale. Les quatre individus sont menottés et on procède très vite aux interrogatoires. Chérif Ben Louidane est le premier à parler, sachant que l'étau s'était resserré autour de lui. Pensant que son sort était scellé, il se met à table. On apprend des rapports de la gendarmerie de Casablanca qu'il n'a jamais été scolarisé, qu'il a travaillé très jeune avec son père qui était vendeur de charbon dans le patelin de Tlat Taghremt, une bourgade nommée Ben Louidane, d'où son surnom. C'est à l'âge de vingt ans, qu'il découvre comment les trafiquants du coin faisaient leur business. Son premier boulot en tant que trafiquant, était celui de passeur de produits provenant de Sebta vers les patelins avoisinants. Un petit contrebandier qui avait ses entrées dans le préside occupé et qui avait l'habitude de graisser la patte à quelques commis du coin. Mais très vite, Mohamed El Kharraz se fait la main. Huit ans plus tard, après de petits boulots de larbin, il s'est rendu compte, suite à la rencontre de quelques Espagnols, qu'il pouvait tenter sa chance dans le trafic de drogue. Les Espagnols en question avaient leurs quartiers généraux dans la région, comme narcotrafiquants. Mohamed El Kharraz commençait à effectuer des sorties en leur compagnie, pour apprendre le métier et peaufiner ses acquis. Ses premières sorties sur le terrain avaient pour but d'aider au transport du haschich à bord de barques en bois vers l'Espagne et le Portugal. Après quelques succès, il décide de travailler pour son compte. La légende Ben Louidane est en train de prendre forme. Mohamed El Kharraz est un type très malin. Il passe du temps avec les trafiquants espagnols, apprend les ficelles du trafic et se met à son propre compte. Et quand il amasse une certaine somme d'argent, il le blanchi en le plaçant dans l'immobilier. Il se marie en 1998 avec une fille de la région. Ses affaires tournent à merveille, il fait la connaissance d'un individu nommé Iyad, connu pour être un trafiquant de drogue dans la région. Iyad résidait à l'époque à Sebta, dans le quartier de Pantera. Il avait la trentaine, et de bons contacts. De fil en aiguille, c'est un certain Ahmed qui fait son entrée dans le cercle du futur Chérif. Ahmed était connu dans la région sous le sobriquet d'El Batoul. Lui aussi habitait Sebta, ce qui était pratique pour les affaires. C'est avec ces deux complices, qu'il fera passer 250 kilogrammes et 300 kilos de drogue vers l'Espagne. C'est les premiers grands coups d'El Kharraz. C'est à la même époque qu'il prendra comme associés Mohamed connu sous le nom de El Gharrassi, qui habitait à Douar Laânasser à Bab Berred, province de Chefchaouen, un autre dénommé M'hamed, de la même région de Bab Berred, l'une des portes de Kétama, et el Mekki, du Douar Ghzaoua, de Bab Taza, l'autre porte d'accès aux contreforts de Kétama. Ce sont ces mêmes associés qui acheminaient le haschich à dos de mulet, à travers, cols et côtes, forêts et bois, jusq'à Saqiat Al Houta, Oued Rmel, Dalia, Snobra, à quelques encablures de Ksar Sghir. C'est là que les équipes d'El Kharraz chargeaient les cargaisons à bord de petites barques vers l'Espagne. Les affaires allaient bon train, jusqu'en 1992 où il sera arrêté par les services de la Gendarmerie avec l'un de ses complices, Lemfaddel Lesfer. Il sera condamné à Dix ans de prison ferme, très vite commués en deux ans de détention criminelle. Après sa libération, il reprendra, sans grand fracas, son petit trafic, jusqu'en 1995, où il se remet à nouveau à dealer à échelle plus internationale. C'est là qu'il rencontre Issa, connu sous le nom de Babaha, lui aussi domicilié à Sebta. Abdelah, ould Lefquih fera aussi partie de la bande (lui aussi a une adresse à Sebta). Après, c'est la fameuse rencontre avec Mohamed El Ouazzani, celui que l'affaire Mounir Erramach révéla sous le surnom de scène de Nini (incarcéré à la prison centrale de Kénitra). Tout le gang de Mohamed El Kharraz acheminait le haschich du Nord vers Algéziras, Toré Del Mar, Malaga, Cadix, dans le sud de l'Espagne. Celui qui recevait les cargaisons s'appelle Antonio, connu sous le nom de Sevillano (l'homme de Séville) ainsi qu'un certain Pedro d'origine espagnole, que Ben Louidane a connu à Sebta. Durant toutes ses transactions criminelles, Nini travaillait à son compte en racontant, souvent, à Ben Louidane, qu'il a jeté la marchandise dans l'eau pour ne pas se faire prendre et faire remonter la police jusqu'à lui. Ben Louidane a déclaré devant la gendarmerie royale qu'il avait toujours douté de Nini qui se sucrait sur son dos durant les cinq grandes affaires qu'ils ont menées ensemble. En 1994, Mohamed El Kharraz sort de prison. Il avait perdu beaucoup d'argent, à la fois à cause de sa disparition de la circulation pendant deux ans, avec tout le manque à gagner que cela représentait, et surtout à cause des manigances de son acolyte, Nini, lui-même impliqué dans l'affaire Mounir Erramach. Il ne touchera plus qu'au trafic de Chira en utilisant deux barques, dont l'une mesurait neuf mètres avec un moteur développant une force de 250 chevaux. Presque onze ans de travail sans relâche sans qu'il ne soit inquiété. Avec, à la clef, plus d'une trentaine de grosses et juteuses affaires avec des quantités de drogue allant de 150 kilos à 3000 kilos. Pour chaque kilogramme de haschich livré, il percevait la somme de 700 dhs. Quand il supervisait le transport, il recevait le montant de 300 dhs par kilo. Trente affaires, des tonnes de haschich, Ben Louidane devient le Chérif de la région, la Pablo Escobar local. Onze ans de travail où il tissera aussi une réelle toile de trafic qui couvrait tout le pourtour méditerranéen avec des complices tant sur le plan local qu'international. Onze ans de boulot acharné où il réussira à pénétrer les arcanes des autorités pour se faire couvrir et assurer la prospérité du business. Onze ans où pas une seule fois, il n'est arrêté ni inquiété. Jusqu'en 2006. bizarroïde quand même !!! Les liens de Ben Louidane Mohamed El Kharraz devait collaborer avec des étrangers pour assurer la longévité à son trafic. C'est comme cela qu'il a pu travailler avec un important réseau. Ce sont d'abord les relations de Sebta avec à leur tête Juanito, une espèce d'intermédiaire qu'il a connu depuis longtemps gràce à un ami à lui appelé Saïd, un proche collaborateur, qui habite Sebta. Il connaîtra le dénommé Pedro, un gros calibre de Malaga, Pépé de Cadix, El Batoul et Iyad de Sebta. Toute cette clique fréquentait les bars restaurants Canarias, Plaza et Prada à Sebta. Lors des échanges avec l'Espagne et le Portugal, il se liera d'affaires avec des trafiquants locaux comme Joaquim qu'il a connu en janvier 2OO5 à Algésiras grâce aux bons services du dénommé Mohamed, un trafiquant de sebta, qui avait à l'épqoue vingt-six ans et qui était appelé à devenir un ponte local. C'est dans le bar Le Tangérois que les deux barons de la drogue se sont retrouvés toujours par l'intermédiaire de Mohamed. C'était exactement à quelque 800 mètres du port d'Algésiras. Joaquim est Portugais, âgé de 4O ans, grand de taille, fort de carrure, résidant à Tavira entre la frontière espano-portugaise. C'est avec ce même Joaquim que Ben Louidane effectuera pas moins de sept grandes affaires dont le montant s'élévait à des millions de dirhams. Une collaboration fructueuses qui aboutira à d'autres liens et relations avec d'autres gros calibres du trafic de drogue entre le Maroc et l'Europe, tous Espagnols et Portugais.