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Affaire Ben Louidane : Jamal Serhane envoie Ben Louidane et ses acolytes devant les juges
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 04 - 2007

Après cinq mois d'instruction, Jamal Serhane, juge d'instruction, de la Cour d'Appel de Casablanca, a déféré le 11 avril 2007, dix-sept (17) accusés dans ce qui est convenu d'appeler L'Affaire Chérif Ben Louidane. Neuf prévenus sont en détention et huit autres sont sous surveillance judiciaire. L'ordre de déférer les accusés dépasse les sept cents (700) pages où sont poursuivis Mohamed El Kharraz, alias Chérif Ben Louidane, accusé de corruption, détention, transport et exportation illégale de drogue et la complicité dans l'import et l'export illégal de drogue. Sont aussi poursuivis : Abdessalam Iyad, accusé de trafic de drogue, complicité dans le trafic humain et l'immigration clandestine, Abdelaziz El Kharraz, poursuivi pour corruption, détention et trafic de drogue, trafic humain par le biais de l'immigration clandestine. Mohamed Tribek, alias Aouita, accusé de corruption, Youssef Alami Lahlimi, poursuivi pour corruption, Abdelaziz Izzou, corruption et trafic de drogue, Mostapha Lakhlioui, accusé de corruption et d'abus de pouvoir. Il faut ajouter à cette liste les noms suivants : Farid Al Hachimi, Mohamed Moussaïd, Noureddine Zemrou, Samir Lili, Noureddine Boulghoudane, Abdelkader Essaffari, Mostapha Boukhlifi, Akka Ahbar, Mostapha Gharib,Abdelmoula Attetouani. Le juge Jamal Serhane est arrivé à la conclusion que le préfet Abdelaziz Izzou a construit 14 postes de police à Tanger ainsi que la restauration de la préfecture de police de la même ville grâce à l'argent du trafic de drogue pour un montant global de 3 millions de dirhams.
Cinq mois d'instruction auront suffi pour que le juge Jamal Serhane puisse réunir des preuves tangibles, qui ne souffrent aucune ambiguïté, que l'accusé Mohamed El Kharraz, surnommé Chérif Ben Louidane, a réussi à tisser des relations de corruption avec le chef de la police judiciaire et préfet de police de Tanger, Abdelaziz Izzou, l'officier de police, Mostapha Gharib, le directeur régional de la direction de la surveillance du territoire à Tanger, Mostapha Lakhlioui, un fonctionnaire de la DST, Mohamed Moussaïd, un commissaire de police dans le port de Tanger, Farid Al Hachimi, un officier de la Gendarmerie royale de Tanger, Youssef Alami Lahlimi, un Lieutenant-Colonel de la gendarmerie royale de Tanger, Akka Ahbar, un auxiliaire de la gendarmerie royale de Ksar Sghir, Abdelkader Esseffari, le Qaïd de Taghermet, Mostapha Boukhlifi, le Qaïd de Dar Chaoui, Noureddine Boulghoudane, le Qaïd de Lâouwwama Fahs Anjra, Noureddine Zemrou, ainsi qu'un gradé des forces auxiliaires, Abdelmoula Ettetouani. Dans le même dossier, d'autres personnes ont été poursuivies. Le président de l'arrondissement de Jbala, Boujemaâ Chafi, Mostapha Boukhlifi, Pacha de Témara, Belmahi, ex-wali, Mohamed Al Hardouze, directeur des affaires générales à Tétouan et gouverneur de Tata, tous accusés de complicité avec des barons de la drogue.
Les révélations de Boujemaâ Chafi
Devant le juge Jamal Serhane, Boujemaâ Chafi, chef de l'arrondissement de Jbala est très vite passé aux aveux. Il a déclaré que « le Qaïd Mostapha Boukhlifi était en relation avec Chérif Ben Louidane. Il le couvrait, car à chaque fois qu'il m'envoyait des messages d'informations sur les activités des barons de la drogue, il s'agissait toujours de faux rapports, pour que les trafiquants puissent exercer leurs trafics en toute liberté. » Il faut souligner ici, que les trafiquants de drogue, avec en tête, Chérif Ben Louidane, ont acheté des terrains pour y construire des maisons près de la mer, dans la région d'El Houma à Mostapha Boukhlifi, à Hamid Al Yaâcoubi, chef des affaires générales à Tétouan à l'époque, avant d'avoir un poste au sein du service central du ministère de l'Intérieur. « Les terrains ont été achetés à Abdessalam Al Hasnaoui, qui habite à Fnideq et y possède un café, un restaurant et des appartements meublés à El Houma, dans la commune d'El Mjaz, dans la Qiadat de Taghremt ». Boujemaâ Chafi poursuit ses déclarations en ajoutant que : «Mostapha Boukhlifi corrompait Hamid El Yaâcoubi par des sommes données par des trafiquants de drogue, pour garder le silence autour de ses activités. Je peux aussi ajouter ici, que les services de la Wilaya sont partie prenante pour masquer les activités des narcotrafiquants de Tétouan avec à leur tête le Wali Docteur Belmahi et le chef des affaires générales Mohamed Al Hardouz, ainsi que son adjoint Hamid El Yaâcoubi. Toutes ces personnes étaient contactées par le parlementaire Abdessalam El Biyari de Jbala, qui intervenait en faveur des trafiquants de drogue, parce qu'ils l'aidaient lors des élections ». Le même Chafi, qui donne d'autres détails croustillants du dossier, en révélant qu'une carrière, sise à Douar Chakrech, qui dépend de la commune d'Anjra, a été cédée en 1994 à Al Arbiti Kassem, connu pour être un grand trafiquant de drogue sur le plan international, contre la somme de 500.000.00 dhs, versée au Wali par le biais d'Al Arbiti Ahmed, lui aussi connu comme trafiquant de drogue, et qui possède une station d'essence dans la commune de Ben Kriche, à Tétouan. Il faut ici rappeler que les trafiquants cités plus haut ont tous été arrêtés en 1996 et condamnés à dix ans de prison ferme.
Dans le même ordre de révélations, on apprend qu'une autorisation a été «délivrée pour l'exploitation d'un restaurant et d'un complexe sportif en 1995, dans la commune de Martil, près de la route entre Tétouan et M'diq, à Al Arbiti Mohamed, connu aussi sous le surnom de « Birouka » contre une somme d'argent dont j'ignore le montant, précise le même Chafi. L'intermédiaire dans cette transaction auprès du Wali, était Al Arbiti Ahmed, le propriétaire de la station d'essence ». Il faut rappeler ici aussi que le même Birouka a été condamné en 1996 à dix ans de prison ferme pour trafic de drogue à échelle internationale. Sans oublier que tous les trafiquants de drogue de la région qui ont été identifiés en 1996 comme des narcotrafiquants de calibre moyen, «ont été couverts par le Wali et le chef des affaires générales et le Qaîd Mostapha Boukhlifi, ce qui a conduit à l'arrestation de ceux qui ont été présentés comme des barons, vite remplacés par les autres, dont Mostapha Tribek qui habite à Fnideq et Mohamed El Kharraz, dit Chérif Ben Louidane, Mostapha Ouled El Batoul, qui lui aussi habite à Fnideq, les frères El Hattach de la commune de Ksar Al Mjaz et qui sont de la famille du parlementaire, Abdessalam Al Biyari, ainsi que Hassoun Mohamed et ses frères qui habitent à Dalia, devenus les nouveaux barons de la région ». Ce qu'il faut savoir dans ce cadre, c'est que tous les bénéfices récoltés par les intermédiaires et les personnes influentes (Walis, policiers, gendarmes, parlementaires…) sont d'ordre matériel, essentiellement de l'argent, à l'exception des terrains précités. Et à la question des autres députés en dehors d'Abdessalam El Yibari, qui jouaient les intermédiaires entre le Wali Belmahi et le chef des affaires générales et les narcotrafiquants, Boujemaâ Chafi a livré quelques détails importants : «Parmi les intermédiaires, je peux citer le nom de Lhaj Hammadi, un investisseur dans la région de Tétouan dans le domaine du transport et des carrières, ainsi qu'Al Arbiti Ahmed. J'ajoute ici que les abus du Wali ont été jusqu'à l'extorsion lors de l'assainissement de 1996, puisqu'il a semé la terreur chez les investisseurs de la région, les obligeant à lui verser d'énormes sommes d'argent par l'intermédiaire de Lhaj Hammadi, en les menaçant d'ajouter leurs noms aux dossiers des trafiquants de drogue ».
Belmahi et consorts
Ce sont toujours les révélations étayées de Boujemaâ Chafi qui jettent la lumière sur les activités de tous ceux impliqués dans ce dossier. D'abord le cas du Wali Belmahi retient l'attention. Chafi nous apprend que « le wali Belmahi possédait une villa sur la plage de Restinga avant d'être nommé Wali de Tétouan. De son côté, l'ex-chef des affaires générales qui sera par la suite nommé gouverneur de Tata, Mohamed Al Hardouz, avait une villa, lui aussi, à M'diq, sur la route qui mène à Sed Asmir. Son adjoint qui l'a remplacé par la suite de1998 à février 2001, Hamid Al Yaâcoubi, quant à lui, possédait un terrain qui lui a été cédé par les trafiquants de drogue qui l'ont aidé à construire une maison à Fès, d'où il est originaire ». D'un autre coté, lors des élections législatives de 1997 pour lesquelles Abdessalam El Yibari s'est porté candidat pour la commune de Jbala ainsi que dans quatre autres communes, le wali Belmahi avait «donné ses ordres aux agents de l'autorité d'intervenir pour faire reporter les élections par Abdessalam El Yibari, qui a fini par devenir député au sein du PND( Parti national démocratique) » Il ne faut pas perdre de vue ici, qu'avant les assainissements de 1996, des barons de la drogue « tels que Al Arbiti Ahmed, Al Arbiti Mohamed, dit « Birouka», Al Arbiti Kassem, Al Arbiti Al Houcine, Tamsamani Rachid assistaient aux réunions officielles du Wali Belmahi. Je peux affirmer, précise, Chafi, que les barons de drogue finançaient les festivités religieuses et nationales, et là je peux citer l'exemple de l'Aïd Al Adha pour lequel le wali Belmahi recevait une grande quantité de moutons, dont une infime partie a été donnée aux responsables locaux, alors que le gros du lot allait aux grands responsables dans la capitale Rabat». Et là, il faut s'arrêter un moment devant les accusations portées par Ibrahim Dahbi, président de la chambre de commerce de Tanger et gendre de l'ex-directeur de DGSN, Hafid Ben Hachem, à l'encontre d'un parlementaire de la Mouvance populaire (MP) portant le nom de Mohamed Akbib qui finançait les campagnes électorales grâce à l'argent de la drogue provenant de Ben Louidane. «En 2001 ou 2002, Chérif Ben Louidane, après les célébrations d'une fête nationale (La marche verte) j'avais rendez vous avec Akbib pour un café. Ce dernier m'avait devancé, et une fois sur place, je l'ai trouvé avec un type qu'il m'a présenté comme Chérif Ben Louidane. En 2003, j'ai appris grâce à ce que disaient des membres du conseil de la ville, que Ben Louidane était Mohamed Al Kharraz, ami du parlementaire Mohamed Akbib, investisseur immobilier, propriétaire d'un garage de vente de voitures chinoises. C'est là que j'ai appris que c'est Akbib qui dirigeait les sociétés et les affaires de Ben Louidane. Ce dernier couvrait les frais des campagnes électorales d'Akbib, élu à deux reprises consécutives d'ailleurs ».
Les services rendus par Lahlimi
Youssef Alami Lahlimi est intervenu dans une affaire, où deux jeunes ont été arrêtés par la gendarmerie de Tanger, pour conduite d'un véhicule sans papiers, en état d'ivresse manifeste, sans obtempérer aux ordres de la police de la route. Après l'intervention de Lahlimi, les deux jeunes ont été libérés. Tribek apprendra de la bouche des deux jeunes, qu'ils ont versé la somme de 50.00 dhs au gendarme Adil Aït Omar. Lahlimi dit qu'il va mener son enquête mais le gendarme en question, le dénommé Adil, nie avoir touché cet argent. Lahlimi intervient en 2003 pour faire libérer Abdelaziz El Kharraz, le frère de Mohamed El Kharraz, alias Chérif Ben Louidane, qui était arrêté en compagnie de deux autres amis, dont l'un avait des antécédents judiciaires. Toujours en 2003, un zodiac est saisi avec à son bord trois individus.
Lahlimi demande à Ben Louidane si c'était le sien. Il s'avèrera plus tard que c'était le zodiac d'un autre trafiquant, un certain Jamal Hennach. Ben Louidane demande à Lahlimi d'intervenir, mais rien à faire, l'affaire avait pris son cours. En 2005, lors de la découverte d'un petit avion qu'on avait brûlé tout près de la ferme de Mohamed El Kharraz, le chef du centre de Dar Chaoui, Sitrou Larbi, a procédé à l'arrestation de cinq individu travaillant dans la ferme de Ben Louidane. Youssef Lahlimi sera contacté par Ben Louidane, qui lui demande d'intervenir auprès de Sitrou Larbi, pour faire libérer les cinq détenus. Chose faite, les cinq seront libérés. Sitrou sera présenté à Ben Louidane, et à son tour, il lui présente un autre agent, un certain Abdelghani qui, une fois affecté à Tanger, saisira une voiture, avec à son bord 30 kilogrammes de haschich. Après l'enquête, il sera révélé que la voiture appartenait à Al Bachir Al Khadir, qui n'est autre que le gendre de Mohamed El Kharraz, le Ben Louidane en question. Les choses s'arrangent pour Al Khadir, grâce à l'intervention de Lahlimi.


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