Le Forum Al Karama pour les droits de l'homme a présenté, mardi 30 janvier dernier, son premier rapport sur la situation des droits humains au Maroc au cours de l'année 2006. Ce rapport englobe, non seulement les différentes atteintes aux droits des citoyens, mais également, et c'est une première, les avancées enregistrées par le Maroc dans le domaine du respect des droits humains. Le Forum Al Karama (la Dignité) pour les droits de l'homme vient de souffler sa première bougie. à cette occasion, il a publié un rapport sur la situation des droits de l'homme au Maroc au cours de l'année 2006. Une fois n'est pas coutume chez les organismes de ce genre, la première partie de ce rapport, qui compte un peu moins de 100 pages, comporte les points positifs enregistrés par le Maroc dans le respect des droits humains. Ainsi, le Forum a rappelé l'adoption par notre pays, en février 2006, d'une loi interdisant la torture et la considération comme un crime à part entière. Aussi, cette réforme introduit une autre nouveauté de taille consistant à permettre à la Commission de lutte contre la torture, dépendant de l'ONU, d'examiner toutes les plaintes déposées par les citoyens. Le Forum n'a également pas oublié de mentionner l'importance d'un respect total de ces nouvelles dispositions légales, notamment par l'appareil judiciaire. Autre point positif : la création des Cours d'appel administratives, une mesure considérée par le Forum comme un premier pas vers une indépendance totale de la justice administrative, une nécessité pour la construction d'un Etat de droit. Par ailleurs, la création par le CCDH d'un comité chargé d'élaborer un plan pour la promotion de la culture des droits de l'homme, dans lequel participe quasiment tous les organismes de défense des droits de l'homme, excepté le CMDH qui fut écarté sans aucune motivation. Ceci dit, la deuxième partie du rapport, consacré à l'atteinte aux droits de l'homme, est ostensiblement beaucoup plus importante puisqu'elle occupe plus de 90% du rapport. Le Forum assure que certains anciens réflexes sécuritaires n'ont manifestement toujours pas disparu. C'est le cas des arrestations sans respect des procédures légales (informer la famille du lieu de détention, respect de la garde-à-vue…), considérées comme de véritables kidnappings. Le rapport donne des exemples précis en citant les noms des personnes ayant fait l'objet d'arrestations illégales et même de tortures. Le rapport 2006 du Forum Al Karama souligne également que bon nombre de tribunaux refusent d'ordonner des expertises médicales afin de s'assurer si certains prévenus ont bel et bien été torturés ou pas. En outre, le Forum a également détaillé le manque de respect de certains droits économiques et sociaux, notamment celui au Travail. Les rédacteurs du rapport ont mis l'accent sur la situation qu'endurent des dizaines de diplômés chômeurs qui ne cessent de manifester dans les principales artères des villes marocaines, allant même jusqu'à attenter à leurs vies pour faire entendre leurs voix. En conclusion, le Forum Al Karama a formulé plusieurs recommandations afin que cessent les atteintes aux droits de l'homme au Maroc. La principale recommandation concerne la libération de tous les détenus islamistes, sans aucune exception. A noter que le Forum Al Karama regroupe plusieurs figures du mouvement islamiste marocain (PJD, Al Badil Al Hadari et Adl Wal Ihssane). D'ailleurs, la présidence a été confiée à Abdellatif Hatimi, avocat attitré du cheikh de la Jamaâ d'Al Adl, Abdessalam Yassine. 3 Questions avec Abdellatif Hatimi, président du Forum Al Karama pour les droits de l'Homme : "L'Etat n'est pas notre ennemi" L.G.M. : Pourquoi avoir parlé des points positifs dans votre rapport 2006 ? Abdellatif Hatimi : Pour la simple raison que le Forum Al Karama pour les droits de l'homme ne considère pas l'Etat comme un adversaire. Nous sommes et nous voulons demeurer des partenaires de cet Etat. Tous les organismes oeuvrant dans ce secteur doivent être des canaux qui permettent aux autorités de détecter leurs points faibles, afin par la suite, et bien évidemment, rectifier les tirs et les corriger. Et lorsque l'Etat va dans le sens souhaité, il faut absolument que tous les organismes de défense des droits de l'homme soient objectifs et reconnaissent les avancées réalisées. Vous demandez la libération de tous les détenus politiques. Qui sont-ils exactement ? Comme nous l'avons précisé dans le rapport, il s'agit de tous les détenus politiques sans aucune distinction d'appartenance politique. Lors de la rédaction du rapport, nous sommes restés aveugles à toute considération politique. Nous sommes des praticiens de droits et notre analyse est resté fidèle au respect de la loi. Une bonne partie du rapport a été consacrée aux conditions de détention des prisonniers. Sur quoi vous êtes-vous basés ? Effectivement, nous avons relevé un nombre incalculable d'atteintes aux droits de l'homme les plus élémentaires lors des détentions. Nous nous sommes d'ailleurs basés, en ce qui ce qui concerne la garde-à-vue, sur un rapport réalisé en juin 2006 par la commission de la Justice à la Chambre des Représentants qui s'est rendue dans des commissariats de police à Rabat, Salé et Casablanca. De manière générale, dans tout ce rapport, nous nous sommes basés tout d'abord sur les plaintes que nous avons directement reçues des intéressés, ou de leurs familles, ou ayant droit, ainsi que sur des faits réels rapportés par des témoins, ainsi que sur des articles de presse et autres informations divulguées par des organisations internationales. Le tout n'ayant fait l'objet d'aucun démenti officiel de la part des autorités concernées.