L'homme faisait l'objet d'un avis de recherche au Maroc, en Espagne et en Belgique, où il a été finalement mis hors d'état de nuire. Extradé au Maroc en octobre 2005, et plus précisément à Tétouan, il a été condamné par le tribunal de première instance de la même ville à 6 ans de prison ferme, pour trafic de drogue à l'échelle internationale, avant que sa peine ne soit réduite quelques mois plus tard à 3 ans par une décision de la cour d'appel. Une légère condamnation qui n'a pas suscité beaucoup de commentaires malgré les charges gravissimes qui pèsent sur ce parrain du Nord telles, le trafic d'armes, de devises et de drogue. Lui, c'est Mohamed Zerhouni, (alias Ouled Lakbir ou Sehfoute), l'un des «boss» des cartels de Tanger les plus influents dans la région. Bras droit de Chrif Bin Louidane, Mohamed El Kharraz de son vrai nom, avec qui il a trempé dans des affaires de drogue et de blanchiment d'argent à la Costa Del Sol, en Espagne, Mohamed Zerhouni purge paisiblement sa peine à la prison de Tanger. La saga de ce Pablo Escobar marocain continue malgré le fait qu'il soit sous les verrous à Tanger où il bénéficierait d'un traitement préférentiel très spécial contrairement à tous les détenus. À Tanger, comme à Tétouan ou à Sebta, Mohamed Zerhouni, surnommé Sehfoute, était craint et jouissait d'une sale réputation avant qu'il ne prenne la poudre d'escampette, en 2003, en direction tout d'abord de l'Espagne où il est resté un bon bout de temps avant de changer par la suite son point de repli en Belgique où il a été mis hors d'état de nuire en mars 2005. Et pour lui mettre le main dessus, le caïd de la drogue a mobilisé plusieurs polices européennes, qui, après plusieurs mois d'enquête et de filature, ont réussi finalement à le coffrer dans la banlieue de Bruxelles pour l'extrader quelques mois plus tard au Maroc, son pays d'origine. C'est que Mohamed Zerhouni n'est pas n'importe qui. Au contraire. Au Maroc, comme en Espagne ou en Belgique, l'homme est connu pour être l'un des parrains de la drogue qui a donné des insomnies aux autorités des trois pays. Pour saisir l'importance et la dangerosité de ce petit Pablo Escobar marocain, il faut remonter à une affaire qui a éclaté en Espagne tout d'abord. Le nom de Mohamed Zerhouni a été cité, pour la première fois, lors du démantèlement par la Garde Civile espagnole d'une dangereuse mafia qui comptait dans ses rangs une quarantaine de criminels en cols blancs, notamment russes, ukrainiens, finlandais, français, espagnols et marocains, impliqués dans le trafic de drogue, la prostitution, l'extorsion de fonds et la vente d'armes. En Belgique, Mohamed Zerhouni, qui alimentait le pays en drogues diverses, dispose également d'antécédents judiciaires dans des affaires de drogue similaires qui lui ont valu une arrestation très médiatisée (une bonne partie de la presse belge en a fait l'écho) et une extradition immédiate vers son pays d'origine. Réclusion criminelle de 3 ans ! Et pour clore ce joli tableau, le personnage est fiché enfin au Maroc pour ses accointances avec des réseaux dont les membres ont été soit déjà condamnés à de lourdes peines, c'est le cas de Mounir Erramach qui purge une peine de 23 ans, soit en détention préventive, tel Chrif Bin Louidane, Mohamed El Kharraz de son vrai nom, arrêté en août 2006 à Ksar Sghir au Nord du Maroc. Pourtant la saga du parrain du Rif, très riche en rebondissements couleur polar, ne lui a coûté finalement qu'une réclusion criminelle de 3 ans de prison ferme, pour insuffisance de preuves, prononcée contre lui par la cour d'appel de Tétouan en 2006 après que le TPI de la même ville a décidé un verdict de 6 ans de prison ferme quelques mois auparavant. Mohamed Zerhouni s'en tirera à bon compte dans son procès puisque les magistrats ne trouveront pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n'est le trafic de drogue. Cultivant à merveille l'art de la manipulation, principale qualité requise pour faire un baron de la drogue idéal, Mohamed Zerhouni s'est hissé à la tête de la pyramide en sacrifiant ses propres compagnons qu'il n'hésite pas à balancer pour sauver sa peau. Le premier à faire les frais de la duplicité du personnage est le trafiquant de drogue Mounir Erramach qu'il n'hésitera pas à «donner», en complicité avec Chrif Bin Louidane et Abdelaziz Izzou, l'ex-préfet de police de Tanger, en août 2003. De l'avis même de Mounir Erramach, Zerhouni était le principal instigateur de la mise en scène qui l'a conduit derrière les barreaux. Protecteurs insoupçonnables «Alors que j'étais en fuite, il m'avait appelé sur l'un de mes cellulaires et m'avait fixé un rendez-vous dans une villa à Tétouan que nous fréquentions pour me faire sortir discrètement du pays. Il n'a pas cessé de me harceler pour me faire tomber finalement dans le piège qu'il m'avait soigneusement préparé en connivence avec Chrif Bin Louidane et Izzou», révèle, dans ces mêmes colonnes, Mounir Erramach dans une interview qu'il nous avait accordée la semaine dernière. Une fuite négociée, contre un supposé silence. Honorant sa part du contrat, Mohamed Zerhouni quittera aussitôt le pays par la frontière de Sebta grâce à ses protecteurs, hier encore insoupçonnables, qui ont fait le nécessaire pour que le précieux parrain se réfugie à l'étranger, en Espagne en l'occurrence. Il avait pris le large en compagnie d'une dizaine d'autres “barons”, très connus dans les milieux du trafic de stupéfiants le lendemain du déclenchement de l'affaire Erramach, échappant de peu à la prison au Maroc. Portant bien la quarantaine, la nationalité ibérique en poche, le petit loubard analphabète de la campagne du Rif choisira, comme la plupart des gros narcotrafiquants du Nord, la Costa Del Sol comme sa première terre d'accueil, en attendant que les vents lui soient plus favorables. Mohamed Zerhouni utilisera d'ailleurs cet exil forcé pour renforcer et étendre son réseau. En cavale, Mohamed Zerhouni continuera sur sa même lancée et réussira à effectuer de grosses commandes de drogue auprès de Chrif Bin Louidane et autres frères Echaïri sous les ordres de réseaux mafieux internationaux, avec une affection particulière pour la mafia de Marbella, qui bénéficiaient d'une complicité avec les autorités espagnoles (voir encadré). Il sous-traitait les parrains de la drogue au profit de la mafia espagnole qui se montrait particulièrement généreuse avec lui en lui offrant le gîte et le couvert avec honneur et gloire. La gestion de tout un réseau international de trafic de drogue contre des sommes faramineuses. Il travaille dans ce domaine en étroite liaison avec son mentor, Chrif Bin Louidane, installé en toute quiétude au Maroc. L'argent que lui drainait son activité était méticuleusement blanchi dans d'innombrables affaires (sociétés écrans, agences diverses, restaurants, villas…) disséminées principalement entre la Costa Del Sol et Sebta. À Marbella, comme à Sebta où il avait un pied-à-terre, le personnage était très connu pour son train de vie pharaonique, ses largesses lui assurant un large public dans la faune qui hante les cabarets et lieux publics la nuit. C'est là où il fait son numéro favori pour séduire les filles, gruger les friqués et se rapprocher des cercles des mafias internationales. Un petit prétentieux qui n'a pas froid aux yeux. Obsédé par le goût du luxe et du lucre. Look branché, il arbore l'air insolent de ceux qui sont persuadés que tous les avantages leur étaient dus grâce à l'argent de la drogue. Aussi ne fréquente-il que la bourgeoisie de Marbella, là où il vivait et opérait en même temps. En deux ans seulement, Mohamed Zerhouni est devenu une grosse pointure du trafic de drogue et a réussi à narguer pendant longtemps les enquêteurs espagnols qui n'arrivaient pas à trouver trace d'un trafic qui se faisait sous leur nez. Il fallait attendre le mois de mars 2005 pour que Mohamed Zerhouni, Sehfoute de surnom, soit cité dans une très grosse affaire de démantèlement d'un réseau international de blanchiment d'argent et dont la somme saisie est estimée à plus de 600 millions d'euros. Traitement préférentiel à Tanger Baptisée «Baleine blanche», cette gigantesque opération, aux pots-de-vin suffisamment élevés pour acheter le silence en haut lieu, a mobilisé pas moins de 300 policiers d'Europol et d'Interpol qui ont réussi à mettre la main sur 47 prévenus, de différentes nationalités, dans toute l'Europe, notamment en Espagne, en France, En Russie, en Finlande… Pour rappel, l'éclatement de l'affaire a eu de graves conséquences sur la classe politique espagnole allant jusqu'à dissoudre le conseil municipal de Marbella et l'arrestation du maire de la ville, Mme Marisol Yague, ainsi que plusieurs de ses adjoints, des notaires, et des avocats accusés de complicité avec le crime organisé. La ville du sud de l'Espagne prisée par la jet set et les mafias de la drogue s'est vu même retirer ses compétences en matière d'urbanisme par le gouvernement espagnol qui veut absolument y freiner le blanchiment d'argent. En bout de course, traqué inlassablement par la police espagnole, Mohamed Zerhouni fuit le pays. Démasqué et réputé très dangereux, très lié au clan Chrif Bin Louidane, Sehfoute n'avait d'autre choix que de prendre la fuite, une fois encore, à destination de la Belgique, à Bruxelles précisément, où il se terra pour un bon bout de temps. Ce n'est que quelques après qu'on entendra parler de lui de nouveau. Après des tribulations qui ont duré plus de deux ans en Europe, Zerhouni, alias Sehfoute, est enfin tombé le mois d'octobre 2005 dans les filets de la police belge saisie doublement de son cas par les autorités espagnoles et marocaines. Fin d'une cavale qui n'avait que trop duré. Il n'existe pas de planque sûre quand on a des choses à se reprocher. Les fiches d'Interpol et d'Europol indiquent, en effet, que Mohamed Zerhouni est impliqué dans cette opération de blanchiment d'argent qui a éclaté en Espagne. Zerhouni a participé activement à ce trafic et au blanchiment d'une montagne d'argent de la drogue. L'interrogatoire poussé révélera sans conteste ses accointances dans le banditisme international. Extradé au Maroc, après quelques semaines de détention, le cas Mohamed Zerhouni ne suscitera pas toutefois trop d'intérêt, malgré les charges très lourdes qui pèsent sur lui, et n'écopera finalement que d'une légère peine avec un traitement préférentiel à la prison de Tanger.