Peut-être sont-ils sadiques. Le sarcasme est pour eux un pur humour et le cynisme un art pour vivre. Pour voir se dessiner un sourire, on torture. Ce rire sardonique qui est la grimace de ceux qui meurent de faim et tombent sur une caméra cachée, finement et délibérément mise en scène, contre service sonnant et trébuchant. L'art de vivre humoristiquement est troqué contre un bol insipide, servi chaque jour que Dieu fait. Autrement, vaut mieux leur signifier qu'ils doivent cesser d'essayer de nous faire rire au point de prêter à rire. Eux, ce sont nos comédiens du Ramadan. Bien qu'un comédien pour rompre le jeûne est une chose un peu hilarante, on n'arrive pas, cependant, à tirer un seul sourire des fidèles. Renfrognés les Marocains ? Au contraire, ils boivent des soupes avec des poils dedans sans se plaindre. À dire que le rire sur les deux chaînes est un vrai exercice d'amertume et d'endurance. On finit toujours par rire, tellement rire est une jouissance d'un préjudice comme philosophait un Allemand du nom de Nietzsche ; réputé très en colère la plupart du temps. Il devait être un homme auquel on a imposé des sitcom juste après le muezzin pour être aussi irascible et amer. Oui, on peut devenir philosophe de désespoir. Ou, après une sitcom de Khyari et Fahid. Digérer beaucoup et ne jamais rire, et vous voilà en posture du fameux penseur de Rodin : figé, de marbre et bien triste pendant un mois, et le pire dans tout cela, c'est que toute cette bouillabaisse est servie la nuit. Bonsoir les cauchemars ! On méritait bien autre chose, nous les fidèles. Rien n'y fait (j'allais dire : rire n'est fait !), nombreux regrettent les temps où on ne faisait pas des images aussi bêtes, idiotes mêmes. Là où le rire est au Marocain mouslim ce que la pression est à la bière : un interdit et un supplice. Imaginez donc mon sourire ! A y voir de plus près, les émissions présentées pour nous faire marrer, rigoler, dérider et j'en passe sont faites par des gens qui ne savent pas faire rire des gens, nous donc, soit dit en s'amusant, qui ne savent nullement que faire. Le flou artistique, pour sûr ! Encore une semaine à souffrir, et bon dieu, tous nos péchés, seront absous. L'enfer on y goûte avec, en extra, des spots cathodiques dernier cri. Le nec plus ultra, c'est que c'est le seul enfer, après l'exécution des peines capitales en Chine, où on vous demande de payer votre supplice en redevance en fin de chaque mois. Même un enfer ne saurait être exonéré, encore moins gratuit. Pourtant le mal nous est infligé gratuitement, sans qu'on ait commis d'autres crimes que celui d'être des Marocains au mauvais moment, au mauvais endroit : devant la télé après le ftour. Quel régal pour des fantasques !