Voila un nom méconnu des Casablancais, Rbatis et autres Marrakchis et Gadiris. Il ne fait pas partie de ce que l'on a tantôt appelé le Maroc utile. Lui est de l'autre Maroc. Il est de Berkane et donc d'un pays que l'on considère peu riche et peu important. Il ne comprend pas un traitre mot de Français, mais il fait preuve d'une intelligence et d'un sens des affaires dont la région de l'Oriental est très fière. Hoummad Kantari contribue à la création d'une valeur ajoutée de 400 millions de dirhams. Il avait commencé comme commerçant. C'était en 1970. Quelques kilos de fruits et légumes achetés ici et là seront vendus avec une marge modeste. Mais très vite, le jeune Hoummad flaire le filon et décide d'investir dans une petite ferme d'à peine un hectare. Il sera agriculteur à ses heures perdues et commerçant le plus clair de son temps. Quelques années suffiront à le convaincre à doper sa production de clémentines jusqu'à devenir aujourd'hui un acteur incontournable dans le secteur des agrumes marocains. Haj Hoummad est en effet à la tête d'un des plus grands groupes du pays et les chiffres en attestent à tous points de vue. Le groupe Kantari Berkane, c'est quelque 43.000 tonnes d'exportations, dont 24.000 produites dans les fermes du groupe. Ceci est possible grâce à ses 18 stations de traitement et de conditionnement soumises aux normes de qualité les plus strictes. Haj Hoummad, comme l'appellent affectueusement ses milliers d'employés, estime que ce n'est toujours pas assez. Il pense aux nombreux emplois qu'il est encore possible de créer, mais également à la balance de paiement qu'il faut redresser grâce aux exportations. Alors, il voit très loin, en dopant son activité actuelle, mais aussi en diversifiant sa production"Mon objectif est d'exporter jusqu'à 60.000 tonnes par an d'agrumes dans les quatre années à venir, c'est-à-dire d'ici 2010". A l'heure où l'agriculture marocaine doit faire face aux normes européennes, un tel objectif semble plutôt démesuré. Ce n'est pas ce que pense Haj Hoummad, dans la mesure où la mise à niveau de ses stations, mais aussi de ses fermes agrumicoles, est bien avancée. “En septembre prochain, nous obtiendrons la certification de nos neuf stations”. Des machines à la pointe de la technologie seront installées, grâce à un investissement de 110 millions de dirhams dans chacune des stations destinées à l'emballage et au traitement des fruits destinés à l'exportation. La ferme de Berkane est déjà certifiée. On est donc face à un agriculteur qui rompt complètement avec les stéréotypes. Son ambition est très grande, mais demeure réaliste et réalisable. Il compte sur l'augmentation globale de la production marocaine d'agrumes qu'induira le nouveau partenariat public-privé avec la cession des terres de la Sodea-Sogeta. S'il y croit tant, c'est parce que lui-même est bénéficiaire de ce partenariat. Haj Hoummad a cependant un grief envers l'administration chargée de la remise des terres. "Si la notification des résultats m'a été faite en septembre 2005, j'attends toujours la remise des terres pour enfin engager les investissements considérables que je projette", lance-t-il non sans une certaine colère. L'homme a sa petite opinion sur tout le secteur y compris les accords de libre-échange avec les Etats-Unis. "Les Américains sont impossibles", dit-il. Ils veulent une chaîne de froid à 1°, des gabarits variant entre 1 et 3, soit une infime partie de la production. "De plus la fenêtre d'exportation est très étroite vue que le Maroc a le même climat que le Sud des Etats-Unis", ajoute-t-il. Alors il préfère simplement se tourner vers la Russie, le Canada et les Pays scandinaves qui représentent 70% de ses exportations. "Adieu l'Oncle Sam". L'Europe prend les 30 restants. Aujourd'hui, Haj Hoummad Kantari dont les agrumes représentent le plus gros de son chiffre d'affaires pense déjà à la diversification. En homme d'affaires averti, il se tourne vers le maraîchage. Son manque d'expertise dans ce domaine est largement compensé par son ingéniosité, son âme d'investisseur invétéré et surtout son caractère de visionnaire. En effet, Il s'est associé à une société française qui possède l'expertise nécessaire pour garantir le développement de sa nouvelle activité dans les meilleures conditions ? Dès la campagne prochaine, les deux partenaires se lanceront dans l'exploitation de quelques 20 à 25 ha de production d'artichauts. Rien n'est laissé au hasard, comme dans tous ses projets. En effet, l'artichaut craint la gelée, alors que la zone est connue pour ses basses températures hivernales. Alors, Hoummad Kantari a fait recours à la technologie comme il a l'habitude de le faire. Ainsi des nébuliseurs installés garantiront la production d'artichaut quelle que soit la rudesse du temps.