L'Ambassadeur du Bénin au Maroc, Issiradjou Ibrahim Gomina, nous explique dans cette interview l'importance que donne les Béninois à leur coopération avec le Maroc. Bénin reste toujours un grand ami du Maroc. Il soutient toutes les initiatives, et notamment celles concernant l'affaire du Sahara marocain. La Gazette du Maroc : Quelle est la stratégie de développement de la coopération bilatérale maroco-béninoise, spécialement sur les plans économique et commercial ? Issiradjou Ibrahim Gomina : D'abord il nous faut renforcer le cadre d'éthique, de confiance et d'amitié qui existe déjà. En témoigne l'échange important de délégations entre nos deux pays, la visite de Sa Majesté le Roi au Bénin en juin 2004. C'est une visite hautement symbolique, et la commission mixte qui se réunit depuis juin 2004 (au Bénin) en est le résultat. La quatrième session s'est réunie les 17 et 18 juillet 2006 à Rabat, cela sur le cadre juridique et formel, maintenant, après que nos deux états ont fait leur travail, c'est aux hommes d'affaires des deux bords de faire le leur sur le point de vue de la coopération économique et commerciale. Vous savez jusqu'ici les relations entre nos deux pays n'ont pas atteint le niveau espéré, or il y a beaucoup de potentialités et d'occasions à saisir d'un côté comme de l'autre, c'est pourquoi nous invitons les acteurs commerciaux des deux pays à s'engager sur la voie de la coopération. Quelles sont vos propositions pour la mise en valeur des échanges commerciaux entre le Maroc et le Bénin? Comme je vous l'ai dit, il est essentiel que nos deux pays mettent en valeur les potentialités à même d'aider à développer cette coopération. Depuis mon arrivée au Maroc, je suis bien informé sur ces potentialités. Je n'ai de cesse de présenter à nos hommes d'affaires les occasions d'échange commercial à saisir. Le Maroc doit faire de même en envoyant des délégations d'hommes d'affaires au Bénin pour s'enquérir à leur tour des possibilités de partenariat entre nos deux pays. Quels sont les accords de coopération entre les deux pays ? Il y a des accords en préparation. Il nous reste à les peaufiner, bien qu'en juin 2004 nous avions déjà signé trois accords, un accord aérien (avec le RAM), un accord sur la reconnaissance des permis de conduire (qui permet aux citoyens des deux pays de rouler librement grâce à leur permis de conduire livrés dans leur pays d'origine, en l'occurrence le Maroc ou le Bénin), et un accord sur la suppression des visas entre les deux pays pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service. Vous n'êtes pas sans savoir que le Maroc souffre du phénomène de l'immigration clandestine, et vous avez pu suivre récemment le congrès sur l'immigration et le développement à Rabat, comment pensez-vous que les pays d'Afrique peuvent aider le Maroc à résoudre ce problème ? Vous savez, j'ai suivi avec amertume ce qui s'est passé en septembre et octobre 2005 lorsque des ressortissants africains ont essayé de passer outre les lignes frontalières avec Sebta et Mellilia pour arriver en Espagne, et le drame qui s'en est suivi. Le Maroc, de par sa position géographique, se trouve être un pays de transit, et se voit supporter un lourd fardeau, que les forces de l'ordre à elles seules ne peuvent maîtriser. Ce que les pays africains peuvent faire, pour revenir à votre question, c'est d'abord assumer leurs responsabilités et rapatrier leurs ressortissants impliqués dans des aventures de ce genre, puis penser sérieusement à un développement économique durable qui puisse endiguer ce flux de ressources humaines qui ne prend la voie de l'immigration clandestine que pour améliorer sa situation économique et financière. De fait, avec un appui extérieur, il devient important de créer une commission chargée de remédier à cette situation. Vous êtes au Maroc depuis cinq ans, et vous avez pu suivre de près la situation au royaume, notamment les séries de réformes entreprises par le roi Mohammed VI, que pensez vous donc de l'expérience marocaine dans le domaine des droits de l'homme et du développement humain ? J'ai suivi de près les efforts entrepris par l'instance Equité et Réconciliation qui se trouve être le fruit de la décision courageuse de Sa Majesté le roi Mohammed VI, portant sur l'auscultation du passé douloureux. Aussi, j'ai pu suivre avec intérêt la création de l'INDH (l'initiative nationale de développement humain) qui accorde aux citoyens la place qui leur revient de droit, les mettant au centre de toute décision de développement, en fait, il n'est nul besoin de dire qu'en ce sens le Maroc est un exemple à suivre. Le Bénin est un des pays qui oeuvrent pour la recherche d'une solution pacifique et acceptée par toutes les parties concernées, au problème du Sahara Marocain, que pensez vous de la situation actuelle de ce conflit surtout après le refus de l'Union africaine d'aborder ce sujet lors du dernier sommet d'Angola ? Vous savez, cette situation dure depuis trente ans, et je crois qu'il est temps de trouver une solution à ce conflit qui a contribué à tourmenter tant de familles. Vous connaissez la position du Bénin qui ne peut qu'appuyer toute initiative qui tend à trouver une solution définitive, durable et acceptable par toutes les parties Pensez vous que la reconstitution du CORCAS pourra contribuer à trouver une solution définitive à ce conflit ? Il est certain que cette initiative est une bonne chose, c'est un début qui doit être encouragé et soutenu. Nous attachons de l'importance à la proposition marocaine, courageuse en ce sens qu'elle est ouverte à de nouvelles propositions, et nous espérons que les parties concernées pourront s'aligner sur une position finale, unanime. vous savez que la roi Mohammed VI a toujours été pour le renforcement et l'élargissement de la coopération sud-sud, comment voyez vous cette initiative de développement interafricain ? Il est vrai que le Maroc a avancé plusieurs propositions qui vont dans ce sens. Concrètement le Maroc accueille plus de 200 étudiants béninois qui sont en cours de formation dans divers centres d'études supérieures, nous savons ce que ça coûte au Maroc pour former des cadres et nous apprécions sa coopération dans ce domaine, car la formation de cadres et leur mise à niveau veut dire un avenir meilleur pour notre pays.