Journaliste et romancier, Hafid Fassi Fihri écrit comme il respire. Sans s'embarrasser de précautions de traits de plume ou chercher à plaire par des tournures singulières. L'auteur de son premier ouvrage intitulé « Une saison de tourmente » s'exprime dans la spontanéité la plus réactive, mettant à nu son être, ses troubles, son émoi, ses angoisses d'une société qui l'a vu naître et grandir et dont il n'arrive toujours pas à saisir la trame. Le livre signé est un petit chef d'œuvre de littérature réaliste, directe, transparente qui dénonce un mal-vivre d'une jeunesse marocaine peinant à trouver ses repères. L'écrivain l'annonce d'ailleurs en guise d'avertissement à ses lecteurs : «cette histoire a été écrite comme on avale, d'un seul trait, un brûlant verre de thé». Et au risque de paraître «misanthrope» plongé dans un pessimisme irréductible sur la société dans laquelle il évolue, Hafid Fassi Fihri persiste et signe en écrivant : «Je renie les frontières de l'impossible. Je veux voir jusqu'où peut aller l'imposture». «Une saison de tourmente» est le récit d'un rêve et d'une fugue, l'errance d'un jeune homme qui se perd dans les labyrinthes de sa mémoire assaillie par mille et une agressions de la vie sociale. L'auteur s'insurge contre une société dont les injustices le révoltent au plus haut degré et exprime sa détresse d'un monde qui ne cherche à faire de lui qu'un «vil être humain corrompu». Hafid Fassi Fihri tente, ce faisant, de se faire le porte-parole de toute une génération vivant dans la tourmente en essayant d'échapper «à la triste réalité d'une société hostile et hypocrite, faite d'incompréhensions et d'incompatibilités». Dans un style violent, poétique et tout en métaphores, le journaliste professionnel, quadragénaire r'bati,se considère comme «un naufragé qui jette une bouteille à la mer. C'est le cri de désespoir d'un insoumis, l'histoire d'un ras-le-bol d'un homme libre qui, pour échapper à l'hypocrisie des hommes et aux injustices de la société, choisit de se réfugier, à travers son imagination, au fond de son être mais finit par se perdre dans le labyrinthe de sa mémoire». C'est le choix du «rêve comme antidote» en plaidant pour une philosophie d'un monde plus juste, plus humain, plus tolérant et plus moral. Les randonnées sans destination précise, les voyages à l'aventure, un comportement «déboussolé», les longues flâneries dans les artères et les médinas, périple dans le Sud du Royaume et le Haut-Atlas, la nostalgie d'un hiver à Fès, rencontres fortuites, étonnement face aux conditions de survie des pauvres, contemplations, méditations, interrogations, le parcours retracé dans ce premier roman de l'auteur se veut un miroir fidèle aux pensées profondes qui le tenaillent et un reflet transparent de la personnalité tourmentée de l'écrivain. Cet état d'esprit décrit parfaitement la tendance d'une jeunesse qui a toujours rêvé de s'expatrier pour faire valoir ses mérités non reconnus dans son propre pays. L'auteur tente de l'exprimer avec une rageuse déception de ne point réussir à dénicher cet havre d'exil : «j'ai longtemps cherché ce pays, lointain et inaccessible, ce pays de nulle part, pays du néant et de l'oubli. Ce pays de l'exil où tout n'est qu'harmonie, ordre et volupté. Je me suis fatigué à le chercher, mais jamais je n'ai eu le privilège de le trouver».