Il y a de ces concepts polysémiques qui couvrent un large champ sémantique dans le discours politique et dans les médias. Parmi ceux-ci, la notion Makhzen soulève des discussions passionnantes voire passionnées. Qu'entend notre élite administrative par makhzen et quel est l'impact de la culture makhzenienne sur les autres segments de l'élite au Tadla ? Pour l'élite administrative régionale, le Makhzen se limite à « Dar El Makhzen » qu'est le palais ou pouvoir central et aux grandes familles Caïdales du siècle dernier qui ont joué le rôle d'aristocratie féodale. Pour elle, ce que connaît notre pays et notre région comme problèmes, est tout simplement le fruit d'une mauvaise gestion dont sont responsables des "voyous'' ! Et de toutes les façons ajoute t-elle, notre problème est lié au sous-développement que connaissent les pays du sud et qui n'a rien à voir avec le Makhzen. Cette élite, de par sa position dans le système makhzénien, cherche t-elle à faire avaler aux autres, non pas une vision objective de la réalité, mais une image à son avantage, pour servir ses propres intérêts ? En réalité, le Makhzen est un système institutionnel et de pensée qu'il convient de le traiter en théorie makhzenienne. « Le makhzen est tour à tour pouvoir, manifestation de pouvoirs, rouage de l'Etat, ordre, une façon d'être, devoirs, un style de vie des coutumes et traditions. Il a diffusé dans la vie publique dans les canaux de pouvoirs des règles de conduite et une façon particulière et propre de gérer les collectivités et les affaires de l'Etat ». En somme une culture politique. Celle-ci s'est développée par une socialisation politique qui a ignoré l'instruction civique tout en développant un ensemble durable de schèmes communs de pensée, de perception d'appréciation et d'action que l'Etat/Makhzen s'est attelé à inculquer à travers l'école, les médias et les appareils de l'Etat. Ce nouvel habitus s'est développé essentiellement après la moitié des années 70 sur les vestiges d'une culture tribale, avec un comportement de l'élite lié à la permanence des valeurs ayant survécu aux structures sociales. Des valeurs pour contrecarrer toutes les velléités de changement et maintenir notre pays dans l'immobilisme politique, qui est plus manifeste dans la région du Tadla Azilal. Ensuite, cette dernière est à la traîne de ces pairs parce que son élite censée défendre son image et ses intérêts, est fortement imbue par cette culture. D'ailleurs, les associations -qui constituent l'espace de prédilection de l'élite- sont inféodées au makhzen quand elles ne végètent pas et disparaissent. Et les exemples sont nombreux. Enfin, le Tadla fait partie de la grande région historique du Fazzaz qui était un espace où se rencontraient deux types de société : « celle postulée par le pouvoir central et celle constituée par les tribus et dont les habitants ont subi à la fois les contradictions internes et la répression du Makhzen ». Il en est sorti une mise en échec des villes -espaces favorables à la genèse des élites- par les tribus et par le makhzen. Ce dernier invoquant de contenir la menace des premières. Aussi, faut-il ajouter que la cohabitation amazigh/arabe dans la région n'était pas simple et facile, du fait que l'amazigh était assimilé dans le discours officiel à la Siba, comprise comme anarchie ou Jahilia. L'amazigh apparaissait comme l'autre. Cet héritage social et culturel a t-il marqué le brassage des populations et le subconscient collectif Tadlaoui, tout en exacerbant les contradictions et la méfiance des uns vis-à-vis des autres pour rendre l'élite régionale plus permissive à la culture makhzenienne ? C'est là une hypothèse de travail pouvant expliquer le retard relatif de l'élite et de la région.