Une fois de plus la tension monte au sein de « Dar al Atfal » Sidi Bernoussi. Les pensionnaires dénoncent « la mauvaise gestion » de la direction actuelle. « On souffre du manque de denrées alimentaires, de médicaments et d'équipements. Le nombre des cadres pédagogiques existants ne suffit pas aux besoins des pensionnaires. Pis, on n'a pas le droit de critiquer cette situation, sinon le directeur menace de nous mettre à la porte », nous confie un pensionnaire de Dar Al Atfal Sidi Bernoussi. Par ailleurs, des résidants dans cet établissement de bienfaisance évoquent l'utilisation des petits pensionnaires afin de « soustraire » des dons à des associations étrangères sans en faire bénéficier les intéressés. Ils parlent également d'intimidation et de favoritisme au sein de l'établissement notamment dans la partie réservée aux adultes. « Dar Al Atfal Sidi Bernoussi regroupe des chômeurs, des diplômés et des personnes majeurs qui n'ont pas de cartes d'identité alors qu'ils n'ont pas le droit d'y être. Au sein de ce chaos, les pensionnaires les plus forts imposent leurs lois. D'ailleurs, un pensionnaire souffrant de troubles mentaux est actuellement en état de fuite par peur de représailles de la part d'autres garçons à cause d'une histoire banale », affirme l'un des pensionnaires. Et d'ajouter que malgré ces problèmes qui s'aggravent en permanence, la direction préfère garder le silence, et ferme les portes du dialogue. Un document rédigé par des résidents de l'orphelinat souligne que les dirigeants de cet établissement les poussent à opter pour la formation professionnelle au lieu de poursuivre leurs études, ce qui impacte l'avenir de cette catégorie sociale déjà défavorisée. La version de Dar Al Atfal Contacté à ce sujet, le directeur de Dar Al Atfal Sidi Bernoussi, Driss Elhamri, a nié en bloc ces accusations : « Ces accusations sont infondées. Les personnes qui les avancent ont déjà alerté la préfecture. Cette dernière a envoyé une commission d'inspection, mais nous n'avons rien à nous reprocher. En réalité, ces pensionnaires sont contre le directeur pédagogique. D'ailleurs, ils réclament, dans leur pétition, le départ de l'ancienne directrice pédagogique qui a démissionné et qui n'a pas été licenciée comme ils l'affirment alors que ce volet de gestion administrative ne les concerne pas ». Driss Elhamri refuse de se plier à ces doléances « injustifiées ». « Ces jeunes sont présents au centre pour une période limitée, ils devraient en profiter et bénéficier de ce qu'on leur offre et penser à leur avenir. C'est le conseil que je leur donne toujours, mais il est facile de contourner la réalité et de prendre des photos en créant des mises en scène de désorganisation », affirme-t-il. Selon le directeur de Dar Al Atfal Sidi Bernoussi, son établissement est de loin le meilleur au niveau de l'alimentation : « Tous les moyens dont on dispose sont mis à la disposition des pensionnaires. Certes, un budget de 6 millions de DH ne suffit pas à la gestion de l'établissement d'autant qu'on n'a pas le soutien des conseils de la ville et de la région, mais les jeunes ne manquent pas de produits alimentaires ni de médicaments ». Driss Elhamri confirme refuser des ordonnances de vitamines parce que ce « luxe » empiétera sur l'achat d'autres médicaments urgents comme les antibiotiques. « Je dois optimiser l'utilisation des ressources financières dont je dispose sachant que 55% de ces ressources vont à la masse salariale, 78 personnes. Les consultations médicales et l'achat de médicaments se font dès les premiers symptômes de la maladie. En outre, le restaurant de l'établissement ne manque pas d'équipements, mais les pensionnaires veulent manger dans leurs chambres. On essaie de les en empêcher, en vain ». Ce responsable de Dar Al Atfal Sidi Bernoussi pour garçons rappelle que son établissement est contrôlé également par un expert comptable et une commission qui vérifie les dépenses annuelles. S'agissant de l'orientation vers la formation professionnelle, Driss Elhamri affirme qu'il s'agit de jeunes qui ont épuisé toutes leurs chances de poursuivre leurs études. Pour lui, cette option leur permet de s'intégrer facilement dans le monde professionnel, quoique ce ne soit pas toujours facile : « Nous avons 800 entreprises au niveau de Sidi Bernoussi, si chacune d'entre elles emploie un seul pensionnaire, on n'aura plus de soucis d'intégration. Nous avons approché ces unités, mais on n'a encore que des promesses. Néanmoins, nous avons réussi à intégrer plusieurs jeunes dans le monde du travail même si cette mission n'est pas facile. Dans la plupart des cas, l'intégration échoue au bout de 2 à 3 semaines parce que le jeune est habitué à l'assistanat ». Selon la direction de Dar Al Atfal Sidi Bernoussi, les pensionnaires ont à leur disposition tous les moyens qui facilitent leur intégration socioprofessionnelle, dont des cours de langue, des cours de soutien scolaire ainsi qu'un soutien psychologique et un accompagnement de préembauche. Des dons de toute nature Dar Al Atfal Sidi Bernoussi abrite 267 pensionnaires âgés de 6 à 31 ans. Au cours de l'année précédente, 11 jeunes résidant à cet établissement ont passé l'examen du baccalauréat, neuf d'entre eux ont réussi. Dar Al Atfal a signé un accord de partenariat avec l'Anapec et d'autres associations afin de faciliter l'accès des jeunes à l'emploi. Dans ce cadre, l'établissement a réussi à faire intégrer des ingénieurs et des spécialistes en finance dans des établissements publics et privés. Selon le directeur de Dar Al Atfal, d'anciens pensionnaires ont réussi à devenir indépendants et à fonder un foyer dont deux ont déjà des enfants. Pour mener à bien sa mission, le directeur dit développer une politique d'implication des mécènes et bienfaiteurs. Il les incite ainsi à faire des dons autres que financiers. Dans ce cadre, il a établi une convention avec une association maroco-américaine qui a renouvelé le réfectoire des adultes. De même, d'autres partenariats ont permis aux pensionnaires de bénéficier de nouveau du « hammam » de l'établissement, d'un minibus et d'autres avantages. Dar Al Atfal continue sa recherche de partenaires notamment dans les fêtes religieuses, rentrée scolaire… À chaque fois que le besoin se manifeste, l'établissement organise un évènement à même de lui assurer les ressources financières nécessaires. Actuellement, les gestionnaires de cet espace travaillent sur un projet de financement pour assurer le soutien psychologique des pensionnaires. Repères : 6 MDH est le budget annuel de Dar Al Atfal Sidi Bernoussi. 1MDH est apporté par les fondateurs grâce à la location des biens qu'ils ont laissés à l'établissement. 1MDH est octroyé par la fondation Sekkat. Des aides sous forme de dons de produits parvenant de personnes morales comme les associations et les entreprises. Pour assurer le reste du budget de gestion, la direction de l'établissement fait appel aux âmes charitables. Par : Nadia Ouiddar, LE MATIN www.lematin.ma