Causerie religieuse Libre exercice des cultes au Maroc L'article 3 de la constitution marocaine s'inspire de la Charte prophétique de Médine par PP Mohamed Abou Abdellah, rédacteur en chef du Journal de Tanger Dans le cadre de ses activités ramadaniennes, le Rotary club Tanger Doyen a organisé, mardi 15 Ramadan courant (16 août 2011), sa troisième soirée religieuse de ce mois sacré. Cette fois, c'est le past-président Karim Bouzoubâa qui a accueilli les membres de son club et plusieurs invités de marque autour d'un ftour-débat traitant d'un thème focalisé sur l'article 3 de la nouvelle Constitution marocaine stipulant : « L'Islam est la religion de l'Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes », animé par l'éminent professeur Khalid Samadi, enseignant à l'Ecole Nationale Supérieure (ENS), président du Centre marocain d'études et de recherches islamiques, et grand animateur de programmes religieux télévisés. Qualifiant ipso facto ce sujet de « complexe », le professeur Samadi a rappelé que la garantie du libre exercice des cultes n'est pas une nouveauté au Maroc puisqu'il était déjà spécifié dans l'ancienne constitution. Le conférencier a ensuite annoncé que la loi islamique repose sur de grandes valeurs dont deux de base : la Liberté et la Justice. « L'Islam est une religion qui garantit, sacralise et encourage la liberté de vie, d'opinion, de pensée et de conscience. Il défend de spolier cette liberté et interdit la pression et le conflit parmi les gens ». En matière de culte, Dieu a tracé la voie conduisant au paradis et l'Islam ne pose aucune contrainte aux humains pour l'emprunter. Le choix est laissé à chacun, selon son âme et conscience, explique le professeur Samadi, ajoutant que le Coran est explicitement clair à ce sujet, dans plusieurs versets tels que : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement » (2, 256) ; « Et dis à ceux à qui le Livre a été donné, ainsi qu'aux illettrés : avez-vous embrassé l'Islam ? S'ils embrassent l'Islam, ils seront bien guidés. Mais, s'ils y tournent le dos... Ton devoir n'est que la transmission du message. Dieu, sur Ses Serviteurs, est Clairvoyant. » Le Coran affirme, d'autre part : « Et si ton Seigneur l'avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens jusqu'à ce qu'ils deviennent croyants ? » (10, 99). « Et dis : la vérité émane de votre Créateur ; quiconque veut croire qu'il croie et quiconque veut ne pas croire qu'il le fasse » (18, 29). Pour ce qui est de la Justice, poursuit le conférencier, elle est considérée en Islam comme une qualité et une vertu morale et les normes coraniques de justice transcendent les considérations de race, de religion, de couleur et de croyances, car il est ordonné aux musulmans de se montrer justes autant envers leurs proches qu'envers leurs ennemis, et d'afficher la justesse à tous les niveaux. Du point de vue islamique, la justice signifie de traiter de façon égale tous les humains en ce sens qu'elle crée un équilibre dans la répartition des droits et obligations. Il s'agit d'un des objectifs de base de l'islam, si important que dans l'ordre de priorité, il vient tout juste après la reconnaissance du droit de Dieu d'être adoré de façon exclusive (tawhid) et la reconnaissance de Saïdouna Mohammed (paix et salut sur Lui) en tant que Prophète. Dans un verset du Saint Coran, la Justice est évoquée en ces termes : « Certes, Dieu enjoint la justice, la bienfaisance et l'assistance aux proches. Et Il interdit l'indécence, l'injustice et la rébellion. » (16:90). A propos de Constitution, l'éminent conférencier a rappelé que lorsque le Prophète Saïdouna Mohamed (psL) émigra de La Mecque à Médine, pour y établir le premier Etat musulman, il voulut assurer que ses habitants musulmans et non-musulmans pourraient y vivre en harmonie. Or, comme il y avait à Médine une communauté juive assez conséquente, le Prophète (psL) proposa un accord de coopération entre les musulmans et les 11 tribus juives, appelé Charte de Médine, qui serait la première Constitution écrite d'un Etat. Cette charte énonçait les droits des juifs en tant que citoyens non-musulmans dans un Etat musulman. Ainsi, le Messager de Dieu réussit à créer à Médine une communauté pluriconfessionnelle régie par un ensemble de principes d´application universelle. Les règles édictées dans la charte devaient maintenir la paix et la bonne entente, protéger la vie et les biens, prévenir l´injustice et garantir la liberté de culte et de déplacement pour tous les habitants, quelles que soient leurs origines tribales ou religieuses. L'allégeance à la communauté l'emportait ainsi sur l'identité religieuse. La façon dont le Prophète (psL) traite les peuples du Livre, est empreinte à la fois de tolérance religieuse et la charte établit le cadre dans lequel doivent s´insérer les relations futures entre musulmans et non-musulmans, et précise que les citoyens non-musulmans sont partenaires à égalité avec les habitants musulmans. La Constitution marocaine s'inspire donc de la conduite juste du Prophète Saîdouna Mohamed (psL) qui, Lui-même s'est inspiré des Directives divines édictées par le Saint Coran, indique le professeur Khalid Samadi, estimant que la Constitution marocaine ne s'écarte en rien de ce qu´est l´essence de l´islam et des modèles qu´il propose, sachant que le pluralisme religieux fait partie de la tradition de la religion musulmane généreuse et tolérante. Une fois le débat ouvert, l'éminent conférencier s'est attaché à répondre à plusieurs questions. Invité à définir la signification profonde et rationnelle de l'appellation « Etat musulman », le conférencier a expliqué qu'un Etat peut être défini comme une nation administrée par un pouvoir représentatif qu'on appelle gouvernement ou administration, chargé de la gestion des affaires au moyen de structures politiques, économiques et sociales, exerçant un pouvoir couvrant le territoire de la nation et veillant au respect et à l'application d'un ensemble de conceptions, de normes et de convictions. A partir de ces définitions générales, le conférencier a précisé qu'un Etat musulman comme le Maroc est tenu de gouverner selon l'idéal islamique, en tenant compte des contraintes du monde temporel en matière de relations aussi bien internationales qu'interpersonnelles, comme les libertés publiques, les droits de l'homme, etc. A une question pour savoir s'il était permis de convertir un lieu de cultes à la pratique d'une religion autre que celle à laquelle il était destiné, le professeur Samadi a rappelé que, lorsque Saïdouna Omar Ibn Al-Khattab libéra Jérusalem de l'occupation de la Rome Byzantine, il arriva qu'il fût à l'intérieur de la principale église chrétienne de Jérusalem au moment de la prière d'Al Asr. Saîdouna Omar refusa de faire sa prière dans l'église, de crainte que ce fait donne aux futures générations musulmanes le prétexte de confisquer l'église et de la transformer en mosquée islamique. Cependant, indique le conférencier, rien n'empêcherait la conversion d'un lieu de culte où est prononcé le Nom de Dieu, à condition que cela se fasse en douceur, en respectant les sentiments des occupants précédents et en préservant leur legs symbolique. En fait, il ne s'agit nullement de bâtisse, mais plutôt de conviction et de foi, estime-t-il A une autre question visant à faire la différence entre la « Jizya », et la « Zakat », le professeur Khalid Samadi a défini la Jizya comme étant une taxe perçue auprès des non-Musulmans en échange de leur protection et autres services fournis par un Etat musulman, mais, explique-t-il, quand les musulmans constatèrent qu'en se retirant de la cité d'Homs ils n'étaient plus en mesure de protéger la population comme ils y étaient engagés, ils remboursèrent la Jizya. Par contre, dira-t-il, la « Zakat » est une « aumône », constituant le troisième pilier de l'islam. Le musulman est tenu de calculer chaque année de l'Hégire un pourcentage défini sur sa rente annuelle et le distribuer aux personnes nécessiteuses de communauté. Invité à se prononcer sur la version répandue par certains, disant que l'Islam est la seule religion répandue par la force, et que la violence est un trait spécifique à cette religion, l'éminent conférencier a répondu que les termes silm et salâm, au sens de paix, par opposition à la guerre, reviennent dans 49 versets du Saint Coran. "Je voudrais d'abord commencer par dissiper quelques unes des conceptions erronées qui ont assombri la compréhension de beaucoup d'Occidentaux à l'égard de l'Islam. Beaucoup croient que l'Islam a été répandu par l'épée, et que l'Islam est synonyme d'oppression, de coercition et de dénégation des droits et libertés fondamentaux. De plus, beaucoup de nations occidentales font de l'Islam l'équivalent de l'intolérance et de l'extrémisme. C'est ce stéréotype qui doit être écarté pour présenter une image claire et fidèle de l‘Islam aux peuples occidentaux, sachant que l'Islam a, depuis le début, garanti aux non Musulmans les pleins droits au même titre qu'aux Musulmans pour leurs vies, leurs libertés et leurs possessions." Le Prophète saîdouna Mohamed (psL) a dit : « Celui qui maltraite un sujet non musulman ou l'accable me trouvera sur son chemin ». L'Islam a permis à des non Musulmans de vivre sur des terres Islamiques dans le respect et l'honneur. Il n'a pas imposé la ségrégation, mais au contraire a donné le droit aux non Musulmans de participer pleinement à la société et aux activités des Musulmans, en accord avec l'instruction de Dieu dans le Coran. Il est vrai que des guerres saintes ont été menées par les Musulmans, mais, dans tous les cas, c'étaient des batailles défensives et jamais offensives. L´histoire prouve que la voie de la tolérance ne s´est jamais écartée ce qu´est l´essence de l´islam. Enfin, concernant l'apostasie, le conférencier explique que l'attitude d'une personne, appelée un apostat, qui renonce publiquement à la religion musulmane, n'est pas explicitement illégale. Selon le droit écrit marocain, parler ou afficher sa nouvelle croyance peut être interprété comme du prosélytisme. Si ces actions ont lieu en présence d'un musulman, on peut alors être poursuivi sous l'article 220 du code pénal marocain.