De nos jours, les gens adoptent de plus en plus la devise “Je ne vois rien, je n'entends rien, je ne dis rien”. On voit les gens jeter leurs déchets au milieu de nos rues, on ne dit rien… on voit quelqu'un se faire voler, on ne bouge pas le petit doigt… on entend comme quoi des manifestants contre la hausse des prix se font battre par les forces de l'ordre, ou que les Palestiniens se font tuer par Israël ou autre catastrophe plus ou moins grave, nationale ou arabe ou musulmane, on fait la sourde oreille. On est devenu insensible à tout ce qui ne nous concerne pas, et parfois même à ce qui nous concerne de très près. Prenons par exemple la hausse des prix qui a commencé longtemps avant la hausse des prix du pétrole, et dont on ne nous a donné aucune justification plausible ; quelle était notre réaction ? On a tout accepté sans la moindre objection, à part des plaintes qu'on osait prononcer entre nous à voix basse, comme si c'était défendu de réclamer ce qui nous est dû. Il y a bien eu dernièrement des gens qui criaient haut et fort qu'ils en avaient marre, mais ils représentent un très petit pourcentage par rapport à la population entière. Il y a beaucoup de choses qui ne tournent pas rond dans notre cher pays, et dont on ne se soucie guère, la hausse des prix n'était qu'un exemple. On peut citer aussi l'état piteux des transports urbain et ferroviaires, dont on souffre presque tous les jours, surtout pour l'urbain, sans qu'il y ait la moindre réaction de notre part. Sans oublier cette mascarade politique qu'on nomme gouvernement dit élu, et dont les ministres nous sortent parfois des numéros si drôles qu'ils font pleurer : le ministre des transports veut acheter le TGV, le ministre de l'éducation veut que chaque instituteur ait un PC portable (sachant que beaucoup d'écoles n'ont même pas l'électricité), un ministre du tourisme qui compte amener 10 millions de touristes en comptant seulement sur le Couscous et Jamaâ Lefna, et des ministres qui donnent d'une main des millions de dirhams pour organiser des festivals qui frôlent souvent le désastre tellement ils sont mal organisés, et de l'autre main demandent l'aumône au pays de l'union européen et du golf… et d'autres petits trucs dont je ne me rappelle plus et qui font penser qu'ils font plus la comédie que la politique. C'est le gouvernement qui gouverne ce pays, notre pays, et on se contente de hocher la tête à droite et à gauche pour signifier notre désaccord, et on passe notre chemin comme si rien de tout ça ne nous concernait. En parlant ainsi, et en accusant les gens de passivité, je m'accuse aussi de la même chose, car je ne suis pas très actif pour changer les choses. On dit que l'union fait la force, et pour changer les choses, il faut qu'on s'unisse, mais hélas, les associations sont très peu nombreuses, et chacun dit qu'il est occupé à gagner sa croûte, et puis il y a aussi cette phrase qu'on entend depuis notre jeune âge, et combien elle est véridique : “Les arabes se sont mis d'accord pour n'être jamais d'accord”, et puisqu'on est dans un pays officiellement arabe, avec tout mon respect pour les amazighs, je crois bien qu'on sera d'accord au moins sur un point.