Un petit cube empilé sur un autre petit cube, Empilé sur un cube légèrement plus grand, Avoisinant des rangées de cubes identiques, Elles-mêmes placées près de centaines d'autres cubes mis bout à bout, Formant ce qu'on appelle une ville industrialisée. Chaque cube contient, suivant ses proportions, entre 1 et x humains. Il y a aujourd'hui 7 milliards d'humains sur Terre. Étant donné la petitesse de son échelle, l'humain ne peut que tenter D'imaginer le reste de cette foule à laquelle il appartient. Mais jamais il ne pourra réellement se rendre compte de cette multitude Car cela dépasse ses capacités. Malgré sa bonne volonté et sa générosité, une seule chose restera certaine Envers et contre tout : il existe. Il habite dans ce cube là. Il possède un corps en état de fonctionnement dont il peut user à sa guise. S'il se renseigne un peu, il constate que grâce à la machine à laver, le linge se lave tout seul, Que le lave-vaisselle se charge de faire la vaisselle, Que le robinet et les tuyaux amènent l'eau, que le chauffe-eau la rend chaude, Que le supermarché regorge de denrées, que l'ascenseur monte les escaliers à sa place, Que l'interrupteur lui procure de la lumière, et cætera. Son quotidien se résume à appuyer sur des boutons, lire de petites écritures, Tourner d'autres boutons, bouger des objets, se déplacer le plus rapidement Possible d'un endroit à l'autre en se fatiguant le moins possible. Il n'a en définitive pas grand-chose à faire. Il s'agite dans tous les sens, boit, mange, se déplace, parle à profusion. Il guette toutes les occasions de pouvoir se soustraire à ce quotidien plat. Il se fixe des objectifs, connaît des amours malheureux, regarde les productions Des autres humains, écoute les productions des autres humains, bavarde, s'achète Des lits douillets et des canapés moelleux. Il se vautre, s'affale, s'engonce, se complait, se rend victime, s'apitoie sur son sort, s'amollit, se gave, se plaint, gémit, se détruit. Il s'ennuie.Il se demande quand il sera "heureux". Il se dit que les autres ne le comprennent pas, qu'il est seul. Il contemple avec amertume son idée du bonheur, si belle, si parfaite, Si intouchable, si lointaine. Et il recommence : Il se vautre, s'affale, s'engonce, se complait, se rend victime, s'apitoie sur son sort, s'amollit, se gave, se plaint, gémit, se détruit. Parfois, il trouve une autre alternative : il s'abrutit. De cette manière il oublie de s'apitoyer sur son dantesque sort un instant. Il se dit malheureux, se pense malheureux, se définit comme malheureux. Lorsqu'il réfléchi un instant il peut, dans un éclair de lucidité, se rendre compte de la microscopie de son malheur face à l'immensité de la misère humaine. Cette révélation le gène, le dérange, l'effraie vaguement. Il culpabilise. Cela le rend triste. Mais il ne veut pas, non. Il veut être heureux. Si on lui demande ce qu'il entend par être heureux, Il va marquer un temps d'arrêt. Il va chercher un élément qu'il convoite. Fier d'avoir défini la cause de son malheur, il va l'articuler nettement, tête haute. Il veut CA, il ne l'a pas, il est donc malheureux. Vraiment ?