Des pilules pour dormir, pour rester éveillée, pour tuer les douleurs psychosomatiques, pour que le cerveau accélère, embraye, recule, ralentisse, bascule dans d'autres réalités. Réalités fictives, impalpables mais réelles, désespérément réelles. Des pilules pour la mémoire, pour oublier, pour éviter les pèlerinages internes qui nous ramènent inlassablement à la date où tout s'est écroulé, dedans, tout au fond. Parce que l'on n'a jamais retenu les anniversaires, les horaires des rendez-vous, des trains, des avions, mais ces chiffres là, on vit avec. Heure, jour, mois, année, classés dans l'ordre, en pile, dans un coin de notre esprit. Inutile de ranger le bordel, autant faire en sorte de ne pas le voir. Des pilules pour gommer la panique, réguler l'angoisse, tristesse étouffée sous des couches de molécules. Stabilisateurs d'humeur, d'âme, de pensées. Chimiquement assistés. Le vertige quand la tête se renverse et que les cachets dévalent à toute allure la pente de la gorge. Enfin quelque chose qui bouge à l'intérieur, un mécanisme qui s'enclenche, tout ne doit pas être totalement perdu. On est seul avec cette euphorie momentanée qui n'appartient qu'à nous, et cette impression un peu conne que, finalement, on pourrait peut être s'en passer. Dans la minute qui suit, on ne voit déjà plus comment.