Les marocains lisent très peu ! C'est un fait accomplis. Les chiffres des ventes de livres par rapport à la population globale du pays sont alarmants. Selon le ministère de la culture, environ 900 livres sont publiés dans le royaume chaque année depuis 2002. La moyenne générale d'une première édition ne dépasse pas les 1.500 exemplaires. Cela veut dire que le marché des livres au Maroc se chiffre en moyenne à 15000 unités par an. C'est nettement loin du potentiel d'un pays qui compte plus de 30 millions d'habitants. Les professionnels du livre évoquent des problèmes comme la prépondérance de l'analphabétisme, la faiblesse des moyens des marocains et le caractère rudimentaire des structures de distribution (sociétés de distribution et bibliothèques). Mais, nous parlons peu des entraves culturelles à la lecture, qui constituent le véritable facteur expliquant le faible engouement des marocains pour les livres. Il est bien connu que le style narratif de la société marocaine est essentiellement oral. C'est encré dans nos mœurs de se raconter des contes, des légendes, des expériences entre générations. Les proverbes et adages populaires ont avant tout étaient perpétués par voie orale. Nos ancêtres se vantaient du volume de sourates (du saint Coran), de hadiths et de préceptes religieux qu'ils connaissent par cœur et qu'ils peuvent réciter à la demande. Ainsi, dans cette immense sphère orale qu'a marquée notre imaginaire collectif pendant plusieurs générations, la proportion de l'écrit était tellement faible que ça ne faisait presque pas partie de nos habitudes. On s'étonne donc pas de constater que les marocains préfèrent des ustensiles de cuisines et des décors aux livres pour agrémenter les vitrines dans leurs intérieurs. On ne sera pas choqué non plus, dans un train, par l'image des gens qui préfèrent se regarder mutuellement ou discuter des futilités à l'exercice (oh combien fastidieux pour certains !) de tenir un livre ou même un journal ! Le virus de la lecture est transmis avant tout lors de l'enfance. Le rôle de la famille, dans ce sens est primordial : c'est en encourageant les enfants à lire des petites revues, à investir leurs petites économies dans des livres et surtout à fréquenter des lieux comme les bibliothèques, les maisons de jeunes, les salons de livres… qu'ils développeront la passion de la lecture. La revalorisation de la lecture et du rôle du livre dans notre pays nécessite surtout une révolution culturelle profonde au niveau des croyances et habitudes de la société. Une révolution qui fera de la lecture et du livre le noyau centrale d'une éducation citoyenne appropriée. L'enjeu est crucial : une société qui lit est plus apte à développer et à recevoir des idées d'initiative, d'optimisme, de persévérance… et autres valeurs positives. Et l'inverse est malheureusement vrai. Il y va donc de l'avenir de notre société d'encourager la lecture et de cultiver l'amour du livre. Ce dernier cité par l'illustre poète arabe Al Motanabbi comme le meilleur compagnon à tout temps et à toute épreuve. Said EL MAZOUARI [email protected]