Curieusement, on a cherché des témoignages de cette île très loin dans l'Atlantique sans jamais évoquer le débouché immédiat du Detroit de Gibraltar alors que Platon dit explicitement que l'île Atlantide se trouve : “ devant les colonnes d'Hercules ”. Nos connaissances sur cette région ont bénéficié d'études géologiques récentes dans la perspective d'un projet de construction d'un tunnel entre l'Afrique et l'Europe. Par ailleurs, de récentes campagnes de prospections actualisent nos connaissances sur l'archéologie préhistorique de cette région clé encore peu connue. Les préhistoriens s'interrogent à nouveau sur les sites préhistoriques immergés des côtes marocaines et ibériques et sur les rapports, encore mal élucidés entre les deux continents au cours du Paléolithique Supérieur. C'est à la suite de ces campagne, sur une suggestion d'A.Bouzouggar que nous nous sommes intéressés au Detroit de Gibraltar de la fin de la dernière glaciation. Détroit de Gibraltar Le paysage actuel du Detroit de Gibraltar est, à l'échelle des temps géologiques, récent : c'est l'héritage direct du réchauffement climatique qui a succédé à la dernière glaciation. Le niveau de la mer est remonté de 135 m en l'espace de vingt mille ans en submergeant les plateaux continentaux entre 19000 BP et le début de notre ère. L'absence de surrection tectonique de grande amplitude pendant les derniers 20 000 ans a été vérifiée par les géologues espagnols. Il suffit donc, pour reconstituer la géographie du détroit de Gibraltar de l'époque glaciaire, de faire descendre par la pensée la mer de 135 m (Figure 1). Cette profondeur est celle actuellement admise pour le niveau marin du dernier maximum glaciaire. Figure 1 Au nord-ouest du Cap Spartel, un haut fond (Banco Majuan ou Banc Spartel des cartes marines espagnoles, The Ridge des cartes marines anglaises), orienté NE-SW, formait alors une île (14 km de long sur 5 km de large). Son sommet culmine à -56m (Fig.1, n° 1). Cette île n'était pas isolée et faisait partie d'un archipel. Trois petits îlots constituaient autant de relais vers le continent ibérique (Fig. 1 : n°2, n°3, n° 4). La passe entre Méditerranée et Atlantique, très rétrécie par rapport à l'actuelle, était considérablement prolongée vers l'Ouest par l'émersion des plateaux continentaux européen et africain. L'île du Cap Spartel faisait face à ce goulet élargi vers l'Ouest en un havre protégé de la houle de l'Océan. Trois îles barraient l'accès au grand large (Fig. 1 n° 5, n° 6 et n° 7). Au total ce paleo-detroit du dernier maximum glaciaire (Fig. 1) se prolongeait par une mer intérieure baignant un monde insulaire. Ce sas vers l'Océan Atlantique s'étendait sur 77 Km d'Ouest en Est et de 20 à 10 km du Nord au Sud. On peut raisonnablement supposer que cette île, située à 5 km-8 km des côtes était occupée par les populations paléolithiques dont la présence est abondamment attestée sur les littoraux marocains, espagnols et portugais. La période d'émersion de l'Archipel du Cap Spartel coïncide avec des remplacements majeurs de populations. En Afrique du Nord et sur le continent ibérique, Le maximum glaciaire, voit l'élimination des homo sapiens archaïques par les hommes modernes du Paléolithique supérieur. Ces populations se répandent rapidement sur les côtes africaines et européennes entre 18 000 et 9000 avant notre ère avant de subir les contrecoups du réchauffement climatique et de la remontée de la mer sur leurs territoires insulaires et littoraux. Par Jacques Collina-Girard Source : futura-sciences.com