Une nouvelle famille de silicates extra-terrestres a été découverte dans la météorite de Murchison par une équipe de chercheurs français. Cette famille, des micro-grains (≤10 micromètres) d'oxyde de silicium piégés dans un polymère organique, a été identifiée sur la base de sa composition isotopique en oxygène. Cette composition, qualifiée « d'extrême », est plus différente du Soleil que toutes les compositions reportées actuellement dans les objets du système solaire. Contrairement à ce que montrent tous les travaux réalisés depuis 20 ans sur les anomalies isotopiques dans les micro-grains extra-terrestres, elle ne peut pas être expliquée par une origine dans d'autres étoiles mais requiert des réactions nucléaires dues à une activité très intense du Soleil jeune. L'oxygène : un traceur de la formation du système solaire L'oxygène est un constituant majeur des roches et du gaz du système solaire. Il possède 3 isotopes, l'oxygène O-16 (8 protons et 8 neutrons) étant près de 1000 fois plus abondant que l'O-17 et O-18 (respectivement 1 et 2 neutrons de plus). Dans les météorites primitives qui n'ont jamais subi les processus géologiques conduisant aux planètes, la composition isotopique de l'oxygène nous renseigne sur l'origine des premiers solides du système solaire et sur leur mode de formation. L'écrasante majorité des objets du système solaire ont une composition identique à quelques % près à celle du Soleil, ce qui nous indique qu'ils se sont formés par condensation d'un gaz solaire isotopiquement homogène. Pourtant quelques grains de tailles infimes (inférieurs à 1 millième de millimètre) présentent au contraire des compositions qui différent fortement du Soleil : ce sont des grains formés autour d'étoiles ayant vécu avant la formation de notre système solaire. Ils ont transporté en eux dans le milieu interstellaire la signature nucléaire du site stellaire où ils ont été synthétisés (Géantes rouges, Novae, Supernovae...), avant d'être incorporés dans le jeune système solaire en formation, il y a 4.56 milliards d'années. Découverts il y a plus de 15 ans, ils ont été baptisés "grains présolaires", et leur étude permet de comprendre le fonctionnement des étoiles et l'origine des éléments dans notre Galaxie. L'oxygène le plus « lourd » de la galaxie dans une nouvelle famille de grains extra-terrestres Des chercheurs du CRPG, du LEME (CNRS-MNHN), du CSNSM et du LCBOP ont découvert dans la météorite de Murchison, une météorite primitive tombée en 1968 en Australie, une nouvelle famille de matériaux extra-terrestres possédant des compositions isotopiques d'oxygène extrêmement surprenantes : ils contiennent proportionnellement près de 100 fois plus de O-17 et de O-18 (oxygènes « lourds ») que la matière solaire normale. Un tel écart à la composition solaire est supérieur à tous ceux observés à ce jour dans des grains présolaires et aucun processus de nucléosynthèse stellaire classique ne peut les expliquer. Ces compositions sont les plus « extrêmes » observées dans notre Galaxie et n'ont été observées auparavant qu'une seule fois dans du gaz orbitant autour d'une géante rouge anormale (HR4049). Ces grains sont riches en silice (ils sont constitués presque uniquement de silicium et d'oxygène), ils représentent près d'un millionième de la météorite totale. Ils possèdent deux spécificités uniques : d'une part, ils sont formés d'un mélange d'oxygène « extrême » et d'oxygène solaire et d'autre part, leur silicium a une composition isotopique solaire. Une nouvelle preuve de l'irradiation intense émise par le soleil jeune Une première hypothèse serait que le jeune Soleil ait croisé la route d'une géante rouge anormale semblable à HR4019 lors de sa formation et que cette étoile ait ensemencé le système solaire. Cette hypothèse soulève de nombreuses questions sur l'environnement immédiat de notre étoile lors de sa formation ainsi que sur la nucléosynthèse dans les géantes rouges qui ne permet pas d'expliquer les compositions observées. Cette situation énigmatique a conduit les chercheurs à proposer une explication alternative : la condensation dans le jeune système solaire d'un réservoir d'oxygène « anormal » produit par irradiation. Les observations des étoiles jeunes de masse solaire ont montré que la plupart de ces étoiles possèdent un disque de gaz et de poussières orbitant autour de l'étoile centrale. Ces étoiles passent par un stade très actif associé à une intense émission de rayons X et des éjections violentes de matière appelées jets moléculaires. Lors de cette phase agitée, le jeune Soleil a pu produire d'intenses flux de particules légères (des noyaux d'hydrogène et des noyaux d'hélium) accélérés à haute énergie (environ 10% de la vitesse de la lumière) susceptibles d'induire des réactions nucléaires avec le gaz environnant. L'irradiation d'un gaz de composition solaire par de telles particules produit un réservoir d'atomes de noyaux d'oxygène présentant des compositions isotopiques tout à fait semblables à celles observées dans nos grains. Ce réservoir d'oxygène a ensuite pu se condenser sous forme de grains riches en silice dans un environnement riche en monoxyde de silicium, un gaz qui est couramment observé dans les jets moléculaires des étoiles similaires au Soleil en formation. Le modèle proposé permet d'expliquer à la fois les compositions isotopiques d'oxygène et de silicium de nos grains et leur mode de formation. Un regard nouveau sur l'astrophysique des poussières cosmiques Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les chercheurs pensent que ces grains ne sont pas des grains présolaires, mais qu'ils se sont formés autour du Soleil jeune. Selon ce modèle une composition isotopique « extrême » ne suffit plus pour prouver que des grains sont des grains interstellaires formés autour d'autres étoiles, la découverte de ces grains suggère un rôle important de l'irradiation lors de la synthèse des briques du système solaire. Les réactions nucléaires dûes à l'irradiation peuvent non seulement expliquer une partie des radioactivités (maintenant éteintes) observées dans les météorites, mais elles peuvent aussi changer drastiquement la composition isotopique des éléments majeurs du système solaire comme l'oxygène qui est le troisième élément le plus abondant dans l'Univers. Ce travail se place dans la continuité d'études débutées depuis longtemps par ces équipes sur les éléments légers dont les compositions isotopiques plaident en faveur d'une irradiation massive du jeune système solaire. La communauté scientifique internationale reste très divisée sur ce dernier point, mais ces résultats confortent les résultats antérieurs de ce groupe. Enfin, ces observations suggèrent que les jets moléculaires autour des étoiles jeunes, et en particulier autour du Soleil, ont un rôle important à jouer lors de la synthèse des matériaux planétaires. Source : CNRS-INSU