Tik Tok est l'une des applications qui ont le plus de succès auprès des utilisateurs actuellement. Avec plus de 150 millions d'utilisateurs actifs, la plateforme de partage de contenu vidéo et de réseautage s'impose comme référence du divertissement. Sauf qu'il faut savoir que la majorité des utilisateurs sont âgés de 13 ans. Cela fait qu'ils ne sont pas forcément conscients des dangers qui les scrutent en ligne. Tik Tok, connue en tant que Douyin en Chine où elle fait fureur, a été fondé en 2016, mais a profité de la fusion avec l'autre application similaire, Musical.ly (lancée en 2014), en 2017, suite à son rachat pour près d'un milliard de dollars. Tik Tok a donc absorbé la totalité des utilisateurs de Musical.ly, dont une grande partie est représentée par des enfants ne dépassant pas 13 ans « officiellement ». Du point de vue juridique, un enfant n'a pas la capacité à discerner le bien du mal. Au moment où les applications demandent l'accès aux données personnelles des utilisateurs, qui sont vendues par la suite à des entreprises publicitaires, il faudrait se poser la question : que peut-on tirer d'un enfant ? La réponse à la question devrait choquer, dans la mesure où l'utilisation d'application de partage de vidéos, images et autre contenu mettant en scène des adolescents prépubères devrait hausser des sourcils, car il existe bel et bien des dangers sur le Web. Entre cyberharcélement, cyberpédophilie et extorsion sexuelle sur le Net, les parents devraient être vigilants face à l'utilisation de leurs enfants de ces applications. Mais il ne faut pas mettre ce poids sur les parents seulement, car, comment une application peut-elle proposer à un mineur d'accéder à un monde, dont il ignore les méfaits, de façon aussi simple que de dire bonjour ? En effet, il n'est pas compliqué d'accéder à Tik Tok. Il suffit juste de remplir quelques champs, notamment le nom, prénom, date de naissance, etc., avant de pouvoir en profiter. Cela dit, il est à noter que les anciens utilisateurs de Musicaly.ly disposent d'un accès direct à l'application. Un règlement pour le moins « intrigant » En effectuant des recherches dans la section « conditions d'utilisation » de Tik Tok, on peut remarquer que la 4e section indique « vous êtes tenu responsable de votre activité sur l'application ». Si le droit international indique qu'un adulte est généralement âgé de 18 ans, donc légalement responsable de ses actes, comment peut-on tenir un adolescent de 13 ans responsable de la même manière ? Toutefois, l'application se rattrape quelque part en indiquant dans la 9e section qu'il est strictement interdit d'« intimider ou harceler une autre personne, promouvoir des matériels sexuellement explicites, la violence ou une discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, la nationalité, le handicap, l'orientation sexuelle ou l'âge ». Cela n'empêche en rien les jeunes utilisateurs d'être ciblés par ces actes, surtout qu'il s'agit d'un public qui est en quête de soi. Les adolescents cherchent avant tour à appartenir à un groupe, à plaire et à imposer leur présence. Cela fait que certaines jeunes filles commencent à se maquiller et à porter des tenues « osées » pour solliciter l'attention de la gent masculine, ou pour choquer tout simplement. Ce choix s'explique par le fait que les vidéos choquantes ont plus de chance d'attirer des vues que celles qui présentent un contenu lambda. En effet, les utilisateurs de la plateforme cherchent avant tout à se différencier et à laisser une impression auprès de leur audience. Les sections 12.3 et 12.4 indiquent qu'il est interdit de communiquer des données personnelles de tiers, ainsi que de partager tout contenu obscène, injurieux, pornographique ou haineux. Mais en visualisant les vidéos partagées via l'application sur les réseaux sociaux, il est choquant de voir que la plupart mettent en scène de jeunes filles, dont des tenues peu orthodoxes, cherchant à maximiser les clics et les vues sur leurs comptes. Pour ce qui est de la sécurité, il faut savoir que Tik Tok n'est pas si différent que ça des autres plateformes sociales, surtout que l'application propose le même concept de mot de passe unique, de signalisation des contenus haineux, injurieux ou sexuels, etc., en plus de gérer les commentaires et la visibilité des comptes. Ces mesures ne sont donc en aucun cas suffisantes pour faire face aux dangers qui menacent les enfants sur le Web. Mais il ne semble pas que l'application soit prête de changer sa politique de confidentialité de si peu. Un conflit des générations, selon les experts Afin d'appréhender la gravité des risques de l'utilisation de ce type d'application par les enfants, Hespress FR s'est entretenu avec le Dr Jaouad Mabrouki, psychiatre et psychanalyste. Pour lui, les parents sont dépassés par le progrès technologique. Mabrouki nous a indiqué dans ce sens que « la tranche 25-30 ans ne comprend plus rien de ce qui se passe comme progrès et utilisation de la technologie aussi bien chez les jeunes enfants que chez les préjeunes, notamment les individus âgés de moins de 12 ans ». Le Dr Mabrouki nous a expliqué que cette situation est compliquée dans la mesure où l'interdiction de l'utilisation des smartphones par les parents résulte dans une opposition et un anéantissement d'une communication constructive et affective. « Les conflits s'installent et c'est toujours les adolescents qui gagnent », selon le psychiatre, rajoutant que « les enfants et les ados, ont des amis et ces derniers leurs prêtent un smartphone ou leurs propres équipements. Qu'on le veuille ou non, qu'on leur confisque ou pas leurs smartphones. Ils trouveront un moyen de rester connectés, et les adultes sont toujours perdants dans ce deal. Chaque génération a son truc et personne ne peut rien y changer. Au contraire, il faut accueillir le progrès, encourager les enfants en fonction des moyens et établir des contrats avec eux et instaurer une relation de confiance et une communication solide ». Concernant la question de l'âge de 13 ans, que l'application considère comme éligible à son utilisation, mais surtout tenu responsable de ses actes, le Dr Mabrouki nous a indiqué que « le cerveau met 25 à 28 ans pour atteindre sa maturité. Lorsqu'on parle de maturité cérébrale, nous parlons de maturité des fonctions cognitives et intellectuelle. Donc l'enfant n'a pas encore tous les moyens cognitifs pour réfléchir comme un adulte. D'où le rôle des parents à accompagner leurs enfants et les protéger et de les amener à réfléchir et prendre conscience des risques auxquels ils s'exposent ». Pour lui, il ne suffit pas de dire aux enfants que ce type d'applications est dangereux, mais ouvrir un débat constructif, auquel l'enfant prend part, afin qu'il puisse réfléchir par lui-même. Dans ce sens, il nous a expliqué qu'« il ne faut surtout pas dire à l'adolescent que c'est dangereux, mais plutôt est-ce qu'il ne pense pas que c'est dangereux ? Et, quelle que soit sa réponse, les parents devraient enchainer en demandant en quoi ce n'est pas dangereux. De plus, ils pourraient lui demander de voir un exemple sur son smartphone ». Mais le point le plus important pour le Dr Mabrouki, c'est de ne pas dicter aux jeunes ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire, mais de les amener à réfléchir, à prendre conscience et à prendre des décisions. Ancrer en eux l'esprit critique de tout. « Le jeune a besoin de faire comme les autres et il a besoin d'expérimenter et l'adulte ne doit pas agir par l'interdiction de l'expérimentation, mais plutôt de vivre l'expérience avec son enfant et de l'amener à s'exprimer lui-même sur l'expérience et de donner son point de vue », explique le psychiatre.